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  • Photo du rédacteurBernard Vivier

34ème congrès CFE-CGC : le dilemme

Le 34ème congrès de la CFE-CGC s'est déroulé les 17-18 et 19 février à Reims. Principalement centré sur le renouvellement de l'équipe dirigeante, ce congrès a aussi été l'occasion de mesurer en quoi le dilemme grandit, concernant l'orientation de l'organisation : se maintenir dans le catégoriel ou bien s'allier à d'autres organisations inter-catégorielles.


« Dilemme : alternative contenant deux propositions contraires ou contradictoires et entre lesquelles on est mis en demeure de choisir ». Le dictionnaire de la langue française est un outil précieux pour qui entend comprendre la situation de la CFE-CGC et les choix qui se présentent à elle pour son avenir.


Le 34ème congrès de la confédération s’est déroulé dans une certaine sérénité sans oppositions ou rivalités de personnes trop frontales. Dans le passé ancien (on se souvient des emportements de dirigeants comme Paul Marchelli) ou dans le passé récent (en 2005, lors de la succession de Jean-Luc Cazettes), les compétitions électorales avaient parfois pris l’allure d’affrontements entre personnes ou entre grandes fédérations. Rien de tel en 2010.


Des élections sans compétition majeure


Le rapport d’activité a été adopté par 88,7 % des votants et le rapport financier par 77,7 % des votants.


Plus des trois quarts des votants (78,5 % exactement) ont voté l’installation de la direction confédérale : Bernard Van Craeynest, président, Carole Couvert, secrétaire générale et Jean-Frédéric Dreyfus, trésorier. Aucun autre candidat ne s’étant déclaré pour l’un de ces postes, l’élection venait confirmer le vote sur les rapports d’activité et financier.


Seul le vote des 7 secrétaires nationaux a provoqué une compétition entre les 11 candidats, avec la non-réélection de Alain Lecanu, responsable du pôle emploi-formation et de Jean Conan, responsable du pôle économie.


L’élection des 16 délégués nationaux, avec 18 candidats, a fait, elle aussi, l’objet d’une compétition, sans que des responsables sortants soient battus.



Carole Couvert, Bernard Van Craeynest, Jean-François Dreyfus installés à la direction confédérale


Les congrès de la CFE-CGC sont, par tradition, essentiellement électifs. On y renouvelle l’équipe dirigeante, on adopte le rapport d’activité et le rapport financier mais on n’y prend pas de décisions touchant à l’orientation future, qui sont à l’ordre du jour d’autres instances confédérales.


Le congrès de Reims a suivi la règle. Un sondage sur l’image du syndicalisme et sur les attentes des adhérents a ainsi occupé une partie du premier jour, en nourrissant une rencontre (table ronde) autour de l’engagement syndical.


De la même façon, le troisième jour a été l’occasion d’écouter une allocution - très classique et sans annonce particulière - de Xavier Darcos, ministre du travail. Il a permis d’organiser une table ronde sur le thème « Quel syndicalisme pour demain ? » Les intervenants à la table ronde et le thème lui-même avaient, à l’évidence, été choisis pour ne pas donner un risque quelconque de raviver en séance le débat sur l’avenir de la confédération.


C’est pourtant là, en ombre chinoise, que se trouvait l’enjeu principal du congrès.


La question est claire : La CFE-CGC doit-elle confirmer et poursuivre la voie du syndicalisme catégoriel ou bien doit-elle s’allier à d’autres organisations syndicales (et lesquelles ?) pour constituer une force syndicale réformiste plus consistante ? Depuis 2008, le débat a pris une actualité et une exigence nouvelles.


Pendant plus de soixante ans, la CFE-CGC n’a pas eu véritablement d’interrogation sur son identité, sinon celle d’organiser son ouverture progressive aux agents de maîtrise et techniciens, qu’est venu officialiser le changement d’appellation en 1981. Cette année là, la CGC devenait la CFE-CGC et marquait son installation dans le monde de l’encadrement pris au sens large. De fait, en 2010, ses adhérents se répartissent pour moitié chez les cadres et ingénieurs et pour moitié chez les techniciens et agents de maîtrise.


L’effacement de la frontière cadres - non cadres


Les évolutions du monde du travail ont appelé une réflexion sur une éventuelle ouverture plus large encore du recrutement. En pourcentage de la population salariée, l’encadrement représente aujourd’hui quelque 6 millions de personnes. Dans les entreprises, les inscrits aux élections CE-DP diminuent régulièrement au premier collège et grandissent aux deuxième et troisième collèges. Dans certaines entreprises, le premier collège n’existe pratiquement plus. La CFE-CGC se trouve tentée, en bien des cas, de présenter des listes au premier collège, pour sensibiliser un électorat qui est susceptible, dans un avenir professionnel proche, d’évoluer vers le deuxième collège.



Xavier Darcos, ministre du travail, accueilli par Bernard Van Craeynest le 19 février 2010 au 34ème congrès confédéral.


Cet effacement des frontières entre cadres et non cadres est réel, quoique progressif. Il se retrouve, hors des entreprises, dans les institutions et les dispositifs de protection sociale. La distinction AGIRC-ARRCO est appelée à se réduire, tant pour des raisons sociologiques que pour des considérations financières.


Dans la société française, le « malaise des cadres », qui donnait naguère à la CFE-CGC une raison spécifique d’agir, est devenu le malaise des classes moyennes, numériquement plus nombreuses que les classes ouvrières. En 2003 déjà, Jean-Luc Cazettes, président de la CFE-CGC, accueillait au congrès confédéral Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, en attirant son attention sur les congressistes, représentatifs de cette « France du milieu, de ces gens qui travaillent beaucoup, qui ne ménagent pas leur peine, qui ne ménagent pas leur temps (...) , qui ont un peu le sentiment d’être oubliés des soucis de nos chefs d’entreprise et de nos gouvernants ». Le Premier ministre, auteur de la formule « la France d’en bas », était ainsi invité à régler différemment le curseur de sa politique sociale et fiscale.


2013, c’est déjà demain


A ces évolutions des entreprises et de la société, s’ajoute désormais une autre exigence : celle née de la loi du 20 août 2008 qui redéfinit la représentativité syndicale. C’est elle qui, aujourd’hui, bouscule les esprits et exige un choix. En imposant aux syndicats de disposer d’une audience électorale minimum dans les entreprises (10 %) et dans les branches (8 %) et en supprimant la présomption irréfragable de représentativité, cette loi est en train de recomposer le paysage syndical français. De façon progressive certes (il faudra attendre 2013 pour faire le constat du nouveau paysage et en tirer les leçons au niveau national) mais de façon certaine.


Pour plusieurs organisations syndicales, l’échéance de 2013 constitue une épreuve redoutable avec le risque de ne pas être reconnues représentatives. On pense à la CFTC, à l’UNSA, à l’Union syndicale Solidaires (SUD), à la FSU. Et aussi à la CFE-CGC. Laquelle, avec la CFTC, bénéficie encore de la représentativité nationale. Mais pour combien de temps ? 2013, c’est déjà demain.


Cette exigence de la loi de 2008 a servi de catalyseur au processus de réflexion ancien. L’ensemble de ces évolutions et de cette exigence nouvelle mettent la CFE-CGC devant un choix historique.



Dans la salle du congrès, les acteurs du débat étaient bien présents. Ainsi, la métallurgie, la chimie, l’énergie ne sont pas favorables à la dilution de la CFE-CGC dans un ensemble syndical inter-catégoriel, tandis que les partisans d’une ouverture destinée à créer une « troisième force syndicale » - orientation chère à Bernard Van Craeynest - se situent à l’exact opposé. Mais aucun de ces grands acteurs n’a pu monter sur scène pour nourrir la confrontation, qui s’est toutefois manifestée lors des débats du 18 février. En fait, un accord avait été conclu entre les deux courants pour que le congrès ne soit pas ce moment là et que la reconduction de Bernard Van Craeynest à la présidence se fasse sur un accord négocié.


Dans la salle du congrès, d’autres parties prenantes au débat de fond étaient là, qui sont restées prudemment discrètes. On pense aux représentants des organisations syndicales susceptibles de nourrir avec la CFE-CGC une alliance... ou plus si affinités. A savoir : l’UNSA (avec laquelle Bernard Van Craeynest avait affiché en avril 2008 une perspective de rapprochement) et la CFTC (représentée au congrès par son président Jacques Voisin). Sans oublier la CFDT qui était représentée pendant la dernière séance du congrès par son secrétaire général, François Chérèque.


Y a t’il place pour une « troisième force » ?


Ainsi donc, les enjeux sont connus et les acteurs bien présents. Mais le choix reste à faire.


Consolider la CFE-CGC dans une représentation de l’encadrement représente une solution possible. La rédaction de la loi du 20 août 2008 conforte même cette lecture de l’avenir, en accordant une représentativité spécifique au syndicalisme catégoriel. Les résultats aux élections prud’homales vont dans le même sens. Avec 8,2 % des voix seulement sur l’ensemble des sections mais avec 27,8 % dans la section encadrement (et devant la CFDT), alors que les électeurs cadres ne représentent que la moitié des effectifs de la CFE-CGC, la CFE-CGC est invitée à ne pas se diluer.


Mais pour combien de temps ? C’est là que l’autre solution présente à son tour ses atouts : organiser, avant que l’échéance de 2013 ne vienne décider à leur place, les organisations syndicales réformistes dans un ensemble de taille suffisante pour constituer une « troisième force » inter-catégorielle. Les contacts avec l’UNSA demeurent et ceux avec la CFTC se développent.


Celle-ci n’exprime guère, pour l’heure, la stratégie d’un quelconque rapprochement institutionnalisé. Elle indique, par ailleurs, son souci de conserver de bonnes relations avec Force ouvrière, dont on sait le positionnement incompatible avec un quelconque rapprochement avec l’UNSA (une des principales composantes de l’UNSA, à savoir son syndicat de policiers, a récemment et massivement rejoint FO).


CFE-CGC, UNSA, CFTC, FO sont placées dans une quadrature du cercle dont elles devront bien sortir, d’une manière ou d’une autre. Si la CGT n’est pas personnellement concernée par cette problématique, la CFDT la suit avec une grande attention. Une « troisième force réformiste » peut être pour elle, soit une rude concurrence, soit une solide opportunité pour opérer une jonction nouvelle. L’UNSA, qui garde ses contacts avec la CFDT autant qu’avec la CFE-CGC, montre l’ambivalence de son positionnement.


Le congrès de Reims à peine clos, les militants et dirigeants de la CFE-CGC auront à traiter en profondeur un dilemme devenu fondamental.



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