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Photo du rédacteurAndré Bergeron

Bernard Thibault : renvoi à la case départ ?

L'opposition de la CGT à la constitution européenne est aussi un « non » à Bernard Thibault. André Bergeron, ancien secrétaire général de la CGT-Force ouvrière, nous livre son analyse.


Alors que, le 3 février, la direction de la CGT proposait de ne pas donner de consigne de vote sur le projet de constitution européenne, le comité confédéral de la centrale a décidé à 78 % (81 voix pour le rejet, 18 contre et 17 abstentions) d’appeler à voter « non ».


A vrai dire cela n’a pas été une surprise Daniel Sanchez, le dirigeant de la Fédération de la Métallurgie, avait rappelé, sans ambages, que « la décision du rejet du traité constitutionnel a été prise statutairement et que, par conséquent, il n’est pas question de revenir dessus ».


Si le rejet massif du traité traduit, pour nombre de cégétistes, leur opposition à une conception libérale de la communauté européenne, elle est aussi un « non » à Bernard Thibault.


Le secrétaire général de la CGT entendait en effet poursuivre le virage pro-européen amorcé par son prédécesseur Louis Viannet en faisant notamment, dès 1999, adhérer la CGT à la Confédération Européenne des Syndicats dont les membres soutiennent le projet de traité constitutionnel.


La crise est d’une extrême gravité


Le revirement de la CGT a profondément modifié le contexte politique à la veille du référendum constitutionnel.



Comme l’a écrit Michel Noblecourt dans le journal « Le Monde », la crise qui vient de s’ouvrir à la CGT est d’une extrême gravité. Selon lui, la question est de savoir combien de temps Bernard Thibault pourra se maintenir à la tête d’une centrale syndicale dont il ne maîtrise plus l’orientation.


A cette volonté de rupture avec le temps des consignes de vote, si longtemps pratiquée par la CGT dans le sillage du Parti communiste, il avait dans ce sens pris quelques décisions significatives. Par exemple, en octobre dernier, à la réunion du Comité Exécutif de la Confédération Européenne des Syndicats, il s’était abstenu et avait retardé la réunion de son Comité Confédéral National qui, dans son esprit, devait mettre un terme au débat interne de sa centrale et aussi pour que celui-ci n’interfère pas avec le référendum du parti socialiste.


Michel Noblecourt rappelle, par ailleurs, que dans le même sens Bernard Thibault avait, en septembre 1999, au moment des licenciements « boursiers » aux usines Michelin, refusé d’associer la CGT aux manifestations pour l’emploi organisées par Robert Hue.


Retour à la case départ ?


Ainsi, ce qui aurait dû parachever la mue politique de la CGT et rendu incontestable son affirmation d’indépendance, aboutit à un message inverse. Elle va prôner le rejet de la constitution européenne. Pour Bernard Thibault, c’est au mieux un renvoi à la case départ, au pire un retour à la maison communiste après huit années d’errance ....


L’autre échec est européen. La CGT avait , du temps de Viannet, commencé à prendre ses distances avec le Parti communiste en décidant notamment, en décembre 1995, de quitter la Fédération Syndicale Mondiale, la F.S.M., devenue après la chute du Mur de Berlin, en 1989, l’ombre de ce qui fut l’Internationale communiste qui était un des rouages importants de la politique de Staline.


Le 16 mars 1999, la CGT adhérait à la Confédération Européenne des Syndicats. Selon certains commentateurs, en six ans, elle s’est imprégnée de l’esprit européen et a décidé d’apporter sa pierre à une construction européenne qu’elle rejoignait longtemps après les premiers fondateurs, Force ouvrière, par exemple, nouant des relations étroites avec les autres syndicats européens au premier desquels le D.G.B. allemand.


Donc, là aussi, la CGT revient à la case départ et se retrouve isolée et minoritaire au sein du syndicalisme européen.


Le dépit, la colère de Thibault devant ce qui est pour lui un terrible gâchis se conçoit.


A défaut de reconquérir directement sa légitimité auprès de la base cégétiste, pourra-t-il gouverner contre lui-même ?


La crise peut elle s’internationaliser ?


Certains se demandent si la crise de la CGT ne va pas déborder les frontières du syndicalisme hexagonal ? Le « non » de la CGT a, en effet, engendré un malaise dans le monde syndical européen a avoué un dirigeant du D.G.B.


Paradoxalement la Confédération Européenne des Syndicats a été amenée à gauchir son discours, alors même qu’elle est dirigée depuis près de deux ans par l’ancien patron du TUC britannique proche du gouvernement de Tony Blair.


Selon certains, en observant la crise de la CGT, John Monks ne peut s’empêcher de penser au référendum britannique sur la constitution dont l’issue parait extrêmement incertaine. Le T.U.C. n’a d’ailleurs pas encore formellement arrêté sa position sur le projet de constitution européenne.




L’emprise du PC demeure


Dans son livre « Ma voix ouvrière » (Stock, 2005), Bemard Thibault avoue qui si, en 1987, il n’avait pas adhéré au parti communiste, il ne serait jamais devenu secrétaire de la Fédération des cheminots. Mais il ajoute aussitôt que sa simple appartenance au parti de Madame Marie-George Buffet ne lui sert « aucunement de boussole dans les choix qui sont les siens à la direction du syndicat ». Ce raisonnement est, c’est le moins


qu’on puisse en dire, plus que singulier. Mais enfin c’est ainsi !


Si la courroie de transmission entre la CGT et le Parti communiste a été « officiellement coupée depuis longtemps, les membres du Comité confédéral national ont tenté, semble-t-il, de la réinstaller ! »


Selon « Le Figaro », Bernard Thibault a, et sans détour, accusé une partie importante des membres du Comité confédéral national d’avoir utilisé la CGT à des fins politiques « pour faire labelliser le « non » à la constitution ».


Si on admet la sincérité de Bernard Thibault, ce que personnellement je crois, il s’est engagé dans une impasse étant donné que la majorité de ses militants, les responsables des unions départementales et des fédérations nationales, demeurent communistes, au sens ancien du terme, et qu’il leur est par conséquent impossible d’accepter un discours professant le contraire de ce qu’ils portent en eux.


Dans sa timide autocritique, le secrétaire général de la CGT a regretté de ne pas s’être suffisamment investi dans le débat. Il admet être parvenu à faire adhérer la CGT à la Confédération Européenne des Syndicats contre l’avis de bon nombre des militants.


Le 8 février dernier, la Commission Exécutive de la Centrale a adopté un subtil communiqué selon lequel « il n’y a pas de crise mais seulement des différences d’appréciation ». Elle ne pouvait évidemment pas dire autre chose !

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