Le 33ème congrès confédéral de la CFE-CGC a procédé au renouvellement de l'équipe dirigeante, autour de Bernard Van Craeynest, reconduit dans son mandat de président. Le congrès a aussi été l'occasion de faire avancer la réflexion de la confédération sur plusieurs sujets d'actualité.
Moins populaires, moins gouailleurs, moins fraternels que les congrès des confédérations syndicales dites « ouvrières », les rassemblements des cadres de la CFE-CGC ont toujours dégagé une tonalité spécifique, un style particulier. Le 33ème congrès confédéral, qui s’est tenu les 6,7 et 8 décembre à la Plaine Saint Denis, n’a pas échappé à la règle.
Avant de rejoindre la salle du congrès, les 300 délégués (costume-cravate de rigueur) ont eu à traverser un important espace de stands proposant les services des organismes et sociétés partenaires : prévoyance, retraite, expertise, formation, voyages, etc. Un espace qui faisait penser à un salon des expositions plus qu’à une Bourse du travail. A la tribune, les orateurs ne se donnaient pas du « camarades » mais du « cher collègue » et même - cela s’est entendu une ou deux fois - du « Mesdames, Messieurs ».
Ces observations (de détail) correspondent à une organisation syndicale où le sentiment d’appartenance à une catégorie socio-professionnelle, soucieuse de la défense de ses intérêts catégoriels, est manifeste. Plus qu’unecommunauté, les cadres ont toujours formé unesociété.
Un bref regard sur le 33ème congrès confédéral permet de noter les points importants de la CFE-CGC, tant dans sa vie interne que dans ses projets et ses propositions.
« BVC » réélu président
Concernant la vie interne de l’organisation, le congrès a été l’occasion de débats animés, centrés sur le renouvellement de l’exécutif confédéral.
Le décès, à l’automne 2005, du président en exercice Jean Luc Cazettes, avait conduit à la désignation d’un nouveau président, en décembre 2005. Au terme d’une sérieuse compétition l’opposant à Danièle Karniewicz (chimie), Bernard Van Craeynest (métallurgie) devenait président confédéral. Son mandat prolongeait celui du président Cazettes et s’achevait un an plus tard, à la date prévue pour le renouvellement de l’ensemble des mandats du comité exécutif.
L’année 2006 aura donc été celle d’une compétition renouvelée entre les deux challengers.
Le 33ème congrès s’est ouvert sur les tensions de la compétition. Si le rapport d’activité, présenté par le secrétaire général Jean Louis Walter (qui ne se représentait pas), a été approuvé sans difficulté par 89, 6 % des mandats le 6 décembre, l’élection du président a été plus difficile. Le 7 décembre, Bernard Van Craeynest (« BVC » comme on le nomme parfois) a été réélu pour trois ans avec 184 voix pour, 93 abstentions et 2 nuls, sur les 279 congressistes ayant participé au vote. Plusieurs fédérations reprochaient à « BVC » de n’avoir pas appelé Danièle Karniewicz comme secrétaire générale à ses côtés. Elles ont donc contribué à ce score modeste (66 % des votes favorables).
Mais le président reconduit dans ses fonctions ne pouvait guère agir autrement, s’il voulait asseoir son autorité sur une organisation perturbée depuis plus d’un an par cette querelle de succession.
En choisissant Gérard Labrune (63 ans, syndicat des banques) comme secrétaire général et en renouvellant Hélios Insa comme trésorier, « BVC » a créé les conditions d’un nouveau départ de l’équipe dirigeante. Outre Danièle Karniewicz (réélue par 145 voix sur 301 votants), six autres secrétaires nationaux ont été élus, dont quatre nouveaux. Enfin, 12 délégués nationaux, dont 10 nouveaux, ont été mis en place par le congrès. Le comité exécutif de la confédération a été, de ce fait, profondément renouvelé. Il compte 13 hommes et 9 femmes.
Prud’homales 2008
C’est cette équipe qui a désormais la charge de préparer les élections prud’homales de fin 2008, où la CFE-CGC ambitionne de confirmer le redressement électoral constaté au scrutin de 2002.
De 160 000 adhérents revendiqués à ce jour, la CFE-CGC ambitionne d’atteindre les 200 000 adhérents. L’implantation de la confédération est très inégale d’une branche à une autre et le développement demandera, assurément, d’importants investissements dans certains secteurs. Aujourd’hui, selon les chiffres confédéraux, la fédération de la métallurgie regroupe 24,43 % des effectifs, les fonctions publiques 11,17 %, les banques et le crédit 10,04 %, la chimie 6,12 % et l’agro-alimentaire 6,1 %.
Si 4 fédérations rassemblent plus de la moitié des adhérents, il en est un peu de même sur le plan géographique. L’Ile de France (22,7 %), PACA (8,47 %), Rhône-Alpes (8,43 %), Nord Pas de Calais (6,47 %) et Midi-Pyrénées (6,01 %) totalisent à elles cinq la moitié des effectifs.
Les thèmes de mobilisation de la CFE-CGC expriment de façon logique les préoccupations des cadres, dont le moral oscille, selon les études et enquêtes, entre motivation et désillusion.
Défense des classes moyennes
Au fameux « triptyque fatal » des années anciennes (fiscalité-hiérarchie-retraites), la CFE-CGC avait naguère ajouté le thème de la formation. En 2006, la CFE-CGC garde tous ces thèmes et en valorise d’autres : dénonciation du stress, éthique et développement durable, valorisation de l’engagement syndical (contrat d’engagement social), revendication d’un SMIC cadres.
Dans les mois à venir, la CFE-CGC aura à afficher des thèmes mobilisateurs, si elle entend traduire dans les faits son ambition de développement. La défense des classes moyennes, thème qui redevient d’actualité (voir le livre de Louis Chauvel « Les classes moyennes à la dérive », Seuil, 2006 ou encore le dossier du Nouvel Observateur du 7 décembre 2006 sur « Classes moyennes : la crise »), constitue pour elle un thème porteur et identifiant. Les hommes politiques ne s’y trompent pas. Ainsi, au congrès de la CFE-CGC, le 8 décembre, Gérard Larcher, ministre du travail, devait noter combien la mise en place des 35 heures avait conduit à un tassement des rémunérations des classes moyennes, du fait de l’effet important consacré au relèvement du SMIC.
Réserver les accords aux syndiqués
Mais, pour l’heure, le débat d’actualité est d’abord celui du dialogue social et de la représentativité. La matinée du 8 décembre lui a été consacrée, avec une table ronde réunissant les auteurs des deux rapports sur le sujet, des hommes politiques et des dirigeants patronaux.
La CFE-CGC, en s’opposant à l’avis du Conseil économique et social, entend défendre le syndicalisme d’adhésion et rejette l’idée de fonder la représentativité sur la seule notion d’audience électorale.
Evoquant les accords d’intéressement ou de prévoyance collective, Bernard Van Craeynest a proposé de « réserver le produit des accords d’entreprise qui apportent un plus aux salariés aux adhérents des organisations syndicales ».
Cette proposition, qui va faire l’objet d’une étude de faisabilité juridique, ne manque pas déjà d’attirer les regards. Courante dans d’autres pays européens, cette pratique n’existe pas en France, où les accords signés par les syndicats s’appliquent à tous les salariés, syndiqués ou pas.
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