Du 15 au 19 novembre, la CFTC tenait à Bordeaux son 49ème congrès confédéral. Un congrès tranquille, dans la perspective des élections prud'homales de 2008.
Jacques Voisin est un syndicaliste heureux. Alors que ses homologues de la CGT et de la CFDT se préparent à un congrès confédéral animé et aux enjeux forts (respectivement en mars et en juin 2006), le leader de la CFTC vient de passer un congrès paisible.
Cela n’a pas toujours été le cas dans un passé récent. En novembre 1999, à Dijon, les syndicats s’étaient retrouvés en congrès dans une ambiance houleuse, sur fond d’ambitions et de jeux de pouvoir. En novembre 2002 à Toulouse, les débats étaient déjà apaisés, dans le cadre du départ de la présidence d’Alain Deleu.
Progrès électoraux
Cette année, le bilan de l’équipe sortante pour les trois années passées était souriant. L’équipe confédérale conduite par Jacques Voisin, président, et Jacky Dintinger, secrétaire général, a pu travailler dans la confiance et sur des objectifs partagés.
Après une progression aux élections prud’homales de décembre 2002 de plus de 2 points (à 9,7 % des suffrages exprimés), la CFTC enregistre une lente mais sensible progression aux élections d’entreprise : 6,7 % aux élections comité d’entreprise en 2003 contre moins de 5 % à la fin des années 1990.
La remontée des cotisations fait écho à une réorganisation méthodique de l’appareil militant et à une dynamisation des fédérations et des unions départementales autour de critères de développement. Dans son rapport au congrès de Bordeaux, la semaine dernière, Jacky Dintinger se plaisait à noter « l’émergence d’une culture du rassemblement et du développement », caractéristique d’un syndicalisme d’action.
Ces efforts d’organisation sont bien nécessaires à une organisation qui sait combien sera grand l’enjeu des élections prud’homales de 2008. Une chute d’audience et c’est, pour elle, le risque d’une remise en cause de sa représentativité nationale au cas où l’UNSA (4,99 % aux élections prud’homales de 2002) améliorerait encore son audience. En effet, en cumulant les résultats aux élections prud’homales 2002 et les élections dans la fonction publique 2001-2004, on observe que les deux organisations sont proches : 7,3 % des suffrages exprimés pour l’UNSA, 7,7 % pour la CFTC. Une nouvelle progression et c’est, pour elle, un avenir sécurisé.
La CFTC reste encore une organisation modeste : 4 fédérations professionnelles regroupent à elles seules la moitié des effectifs (à la CGT, 9 fédérations) et , sur le plan territorial 10 unions départementales font, à elles seules, la moitié des effectifs, essentiellement en Alsace, Ile de France, Lorraine et Nord Pas de Calais.
Presque confidentielle dans certaines administrations, la CFTC est surtout présente dans le secteur privé : commerce, banques, assurances, métallurgie, enseignement privé, transports.
Construction sociale
Le positionnement dans l’actualité sociale présente aussi un bilan homogène. L’attitude critique de la CFTC à l’encontre des mesures gouvernementales du printemps 2003 (dossier des retraites) a pu surprendre les observateurs, plus habitués à voir la CFTC avaliser de telles réformes. Par-delà le signal donné à un gouvernement ayant privilégié la CFDT dans la conduite de cette réforme (laquelle CFDT a eu à vivre depuis, en interne, des remous sur ce dossier), le positionnement de la CFTC s’explique par une orientation vers plus de combativité. D’autres dossiers (comme celui du lundi de Pentecôte) ont permis à l’organisation chrétienne d’affirmer cette orientation qui se poursuivra dans les temps à venir. La publication d’un document sur le « statut du travailleur » a souligné, par ailleurs, la capacité de réflexion prospective de la confédération.
Jean-Louis Borloo, ministre des affaires sociales, invité au congrès de la CFTC
Il importe, pour la CFTC, de souligner que combativité se conjugue toujours avec négociation et non pas avec radicalisation. Dans le mensuel confédéral d’octobre « La vie à défendre », Jacques Voisin écrit : « Contester, d’autres le font aussi bien que nous. Construire, c’est là qu’on attend la CFTC ».
Construire : c’est sur ce mot que la CFTC entend populariser son message et expliquer l’originalité de sa démarche, longtemps définie par la seule référence au deuxième « C », celui de « chrétien ». Sans gommer cette appellation et cette référence (un document sur l’identité chrétienne de la CFTC a été élaboré pour ce congrès), la confédération éprouve le besoin, dans une société où la compréhension des valeurs sociales chrétiennes a cessé d’être une évidence, de se définir comme une organisation de « construction sociale ». S’agit-il là d’une précision, d’un complément utile aux références chrétiennes habituelles ou bien de l’amorce d’une référence de substitution ?
Si, contrairement à certains commentaires trouvant là matière à disputes et à débat entre « tendances » opposées, cette question ne fait l’objet d’aucun clivage interne, elle n’en est pas moins importante. Trop de référence à la doctrine sociale chrétienne peut gêner, dans une société « post-chrétienne », le développement militant. Et pas assez de référence et de mise en pratique de cette doctrine viendraient effacer la spécificité - et l’utilité - de la CFTC sur l’échiquier syndical français et international.
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