{{La fonction publique et les secteurs privés de l'industrie assurent, en France, l'essentiel des effectifs des organisations syndicales. Ces secteurs sont appelés à réduire progressivement leurs effectifs. Comment, dès lors, développer la syndicalisation dans les secteurs neufs de l'économie française ? Deux congrès syndicaux (CGT et CFTC) dans le commerce- services se sont récemment tenus. Ils posent les mêmes questions.}}
Hasard ou réaction à la mesure de l’actualité sociale ? Alors que le commerce est devenu la priorité n°1 des syndicats dans un contexte de perte de vitesse des grands bastions de l’industrie lourde et du secteur public, deux fédérations du commerce ont tenu leur congrès fin mai 2008, identifiant des enjeux de développement similaires. Deux visions du syndicalisme, deux conceptions de la place de l’homme dans la société, deux modes d’organisation... et pourtant une observation convergente des leviers de syndicalisation à mettre en œuvre. Regard croisé sur deux congrès...
- L’élection de nouvelles équipes fédérales -
Les 450 congressistes (représentants 23 000 adhérents revendiqués par la fédération) de la fédération CSFV (Fédération CFTC commerce, service, force de vente) de la CFTC présents à Reims les 29 et 30 mai 2008 ont accordé leur confiance à Patrick Ertz pour la présidence de la fédération et à Isabelle Lepingle comme secrétaire générale, précédemment responsable de la formation à la fédération et secrétaire générale adjointe. Le nouveau président, adhérent à la CFTC depuis 1988, a évolué du poste de délégué du personnel à celui de président de la fédération. Il reste à ce jour salarié du commerce, employé du groupe ATAC en Alsace.
Dans le même temps, 356 délégués CGT (représentant 29 900 adhérents) présents au centre de vacances de Cogolin dans le Var du 26 au 30 mai, ont réélu Michèle Chay pour un second mandat comme secrétaire générale de la fédération du Commerce et des Services. Auparavant en charge des questions internationales, Michèle Chay est aujourd’hui permanente syndicale, après avoir commencé sa carrière professionnelle comme vendeuse dans le groupe André.
Au programme pour les militants CGT : « le renforcement de la démocratie en interne et des enjeux de la syndicalisation ». Pour la fédération CGT, un règlement intérieur a été mis en place au début du congrès afin d’organiser les débats. Dans le même temps, les militants CFTC planchaient sur le thème « Construire, Servir, Former, Valoriser », faisant du congrès de Reims un rassemblement plus consensuel.
- Le défi de la structuration et de la communication -
Nécessité du décloisonnement, structuration des relations entre les instances syndicales : les dirigeants des deux fédérations ont mis l’accent sur les efforts d’organisation et de communication à entreprendre pour les mandats à venir. La question était commune aux deux organisations : comment communiquer plus vite et mieux entre sections syndicales locales et instances fédérales ?
Dans l’Echo du Congrès, Karl Ghazi, secrétaire fédéral, évoque « le défi du congrès : la démocratie mais en faisant le pari de la transformer en efficacité ». D’ailleurs, deux des quatre résolutions soumises au vote des militants insistent sur l’amélioration des règles de fonctionnement et de structuration de la fédération. De la communication entre les différentes entités (confédération, fédération et syndicats) à la planification d’un travail transversal des acteurs : « la fédération doit aussi permettre que les syndiqués et les syndicats d’une même branche, d’un même groupe, et parfois de plusieurs branches puissent travailler ensemble sous la responsabilité de la direction fédérale » (Echanges, 12ème congrès, 4 projets de résolution à amender, Mensuel des syndiqués de la Fédération CGT, Commerce - Distribution - Services, Supplément au n°257, janvier 2008).
Enfin, dans le contexte historique de la réforme de la représentativité, les deux fédérations ont mis en lumière les enjeux de communication comme leviers d’action. Il s’agit pour la CGT commerce d’améliorer « son image », en particulier auprès des jeunes générations.
Dans le même temps à la CFTC, la fédération CSFV souhaite faciliter la mise en relation des acteurs en particulier par la refonte du site Internet. Cet outil devrait contribuer à mieux faire connaître les positions de la fédération sur certains thèmes d’actualité, l’objectif étant de faciliter l’information du grand public comme des militants. Cela devrait enfin contribuer à augmenter son audience aux prochaines élections.
- Le défi de la syndicalisation -
La grève du 1er février 2008, première grande grève organisée dans ce secteur d’activité par trois organisations syndicales (CFDT, FO, CGT), aurait rassemblé 80 % des salariés des supermarchés d’après les syndicats organisateurs. Or le taux de syndicalisation dans la grande distribution est de 2 %, presque moitié moins que la moyenne nationale. Historiquement, le secteur est connu pour son faible niveau de syndicalisation.
Les fédérations Commerce CGT et CFDT, parties prenantes de cette mobilisation ont bien cernés les enjeux liés à la représentativité dans ce secteur d’activité. La fédération commerce de la CGT envisage la mise en place de contrats de syndicalisation ainsi que la création de syndicats de site (centres commerciaux, zones commerciales). L’enjeu est important puisqu’il s’agit pour cette fédération de renforcer ses implantations partout où se trouvent les salariés, doubler son nombre d’adhérents d’ici 2010. Objectif final : renforcer sa présence dans le prolongement de la résolution qui avait déjà été adoptée au congrès de Ramatuelle en 2005, mais que le chiffre d’adhésion n’avait pas confirmée.
Si la fédération CFTC a identifié les mêmes enjeux pour la syndicalisation, elle a axé ses réflexions sur la mise en place d’un « grand service de formation ». Ce projet trouve sa place dans le cadre de la formation continue afin d’apporter des éclaircissements sur les outils de formation existants (DIF, CIF, VAE). Il s’inscrit surtout dans le prolongement d’une proposition faite en 2006 par la CFTC dans le cadre d’une enquête réalisée par l’IRES en décembre 2006 (Sécurisation des parcours et sécurité sociale professionnelle, Document de travail, Institut de Recherches Economiques et Sociales). Ce document présentant les principales propositions formulées par les syndicats rendait compte de la position de la CFTC sur la sécurisation des parcours professionnels. La proposition de la CFTC s’inscrit dans un « projet de société global (...) articulé autour de trois axes. Le premier vise à assurer la sécurisation des parcours professionnels en contrepartie de l’engagement actif des personnes dans ce parcours. Le deuxième porte sur le développement de la responsabilité sociale des entreprises qui doivent être parties prenantes d’une politique de l’emploi dynamique (...). Le troisième axe, enfin, conduit à faire mieux coopérer les acteurs publics locaux pour développer une dynamique territoriale » (« Le statut du travailleur. Des droits et des devoirs attachés à la personne », CFTC, La Vie à défendre, décembre 2005). Conception élargie du travail, valorisation du parcours du militant, droits sociaux minimums garantis : le concept de sécurisation des parcours de vie fait écho au nouveau statut du travail salarié et à la sécurité sociale professionnelle proposés par la CGT.
Le secteur du commerce confirme sa vocation à remplacer l’industrie comme champ d’avenir de la syndicalisation. Toutefois, la réforme de la représentativité syndicale vient contrarier les ambitions des syndicats avec le seuil de 10 % des voix aux élections du personnel fixé pour établir la représentativité d’une organisation. Dans ce nouveau contexte, les efforts de la CGT commerce ou de la CSFV-CFTC, qui sont au coude à coude en terme d’effectifs dans la branche, illustrent le défi qui se pose pour les syndicats du commerce. Recruter, fidéliser, former, ce « programme commun » à la CGT comme à la CFTC suffira-t-il à implanter le syndicalisme dans le commerce ?
Patrick Ertz - Biographie express
Salarié de la société ATAC 1988 : adhère à la CFTC et devient délégué syndical 1999 - 2008 : élu secrétaire général de la CSFV 2005 : entre au Conseil Confédéral de la CFTC 2008 : élu président de la CSFV
Michèle Chay - Biographie express
Salariée du groupe André 2004 : entre au Conseil Économique et Social 2006 : entre à la Commission Exécutive Confédérale de la CGT 2007 : élue secrétaire générale de la fédération Commerce et Services en remplacement de Patrick Bodry. 2008 : réélue Secrétaire générale lors du 12ème congrès de Cogolin en mai 2008.
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