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  • Photo du rédacteurClémentine Thomas

Des élections TPE en manque d’audience

Du 22 mars au 6 avril 2021, par internet ou par courrier, quelque 5 millions de salariés des très petites entreprises (TPE, entre 1 et 10 salariés) et employés à domicile sont appelés à voter et exprimer une préférence syndicale.

Comme en 2012 et 2017, une abstention massive est redoutée.

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Les élections TPE n’ont qu’une dizaine d’années d’existence. Instaurées par la loi du 15 octobre 2010, elles se sont déroulées à deux reprises jusqu’à présent, en 2012 (28 novembre au 12 décembre) et en 2017 (30 janvier au 3 février). En 2021, les élections sont prévues, par internet ou par correspondance, du 22 mars au 6 avril.

- Près de 5 millions de salariés concernés -


Ces élections concernent les entreprises de moins de 11 salariés et les employés à domicile. Ce sont donc près de 5 millions de salariés qui sont appelés à s’exprimer. Le scrutin permet de mesurer l’audience des organisations syndicales et de remplir des fonctions propres à la représentation des salariés des TPE. À l’issue des élections, les syndicats désignent les représentants des salariés qui participent aux négociations de conventions collectives au sein des branches professionnelles. Sont également désignés à partir des résultats, les conseillers siégeant dans les Conseils de prud’hommes, de même que les membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) réunissant salariés et employeurs. En place depuis 2017, les CPRI conseillent et informent salariés et employeurs des TPE sur leurs droits et peuvent être médiateur en cas de conflit entre salariés et employeurs.

- Abstention record -


À l’issue du scrutin de la première édition des élections TPE, en 2012, la participation est faible. Sur dix salariés des TPE, un seul a voté.




Avec une participation en recul de 3 points, le désintérêt des salariés pour ces élections se confirme. Le contexte politique et social du moment, avec notamment la loi El Khomri, y est-il pour quelque chose ? Non, répondent les acteurs et les observateurs de la vie sociale. « Il n’y a pas vraiment de signification politique à ce vote » estime Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT (Le Monde, 3 février 2017). Il précise « Ceux qui étaient contre la loi Travail ont baissé. Nous qui la soutenions avons baissé aussi ».


Cette abstention record a nourri de vives critiques à l’égard des élections TPE[1]. Certains syndicats évoquent le coût de ces élections, d’autres critiquent l’action du ministère du Travail, notamment pour la constitution de la liste électorale. Il est certes étonnant de ne pas avoir près de 5 millions de salariés inscrits aux élections TPE, alors que le ministère du Travail fait état de 3,9 millions de salariés des TPE et près d’un million de particulier-employeurs. La liste électorale passerait donc à côté de plus de 400 000 salariés. Plus surprenant encore, le nombre de salariés inscrits a connu une importante baisse entre 2012 et 2017 : 112 000 salariés en moins. Il est impossible qu’elle soit due à une baisse du nombre de salariés employés par les TPE. En effet, selon l’Insee, entre 2012 et fin 2016[2], le nombre de salariés employés par les TPE, particuliers-employeurs non-compris, a augmenté de 2,2 millions à 3,1 millions. Il semble que le ministère du Travail ait eu des difficultés à constituer la liste électorale des salariés de TPE. Celle-ci est constituée par le ministère à partir des données sociales fournies par les entreprises. Si les données ne sont pas à jour, la liste électorale ne le sera pas non plus. Les salariés peuvent néanmoins s’inscrire eux-mêmes auprès du ministère. Encore faut-il qu’ils soient au courant de la tenue des élections, de leur non-inscription et fassent la demande d’inscription dans les délais impartis. Ainsi, les salariés avaient jusqu’au 27 janvier 2021 pour pouvoir s’inscrire sur la liste électorale des élections TPE 2021.



Par ailleurs, les élections de 2017 ont été marquées par des recours juridiques portant sur les candidatures du STC et du LAB, deux organisations syndicales régionales et non nationales. La Cour de cassation ayant rendu ses décisions le 16 décembre 2016, soit 18 jours avant le début initialement prévu du scrutin, le ministère du Travail a décidé de reporter l’élection du 30 janvier 2017 au 3 février 2017.


À l’issue du scrutin, il a été considéré, notamment par le ministère du Travail, que le report des élections TPE de 2017 avait eu des conséquences sur la faible participation des salariés.

- Des syndicats fragilisés -


Les élections de 2017 n’ont pas remis en cause le classement des organisations syndicales dominantes en 2012, respectivement la CGT, la CFDT et FO. Néanmoins, les électeurs sont nombreux à s’être détournés de ces syndicats traditionnels comme en atteste l’évolution de leur répartition des suffrages exprimés. Seules la CFTC, la CFE-CGC et, plus encore, l’UNSA ont obtenu de meilleurs résultats, respectivement +0,94 points, + 1,08 points et + 5,14 points.

Tableau n°3 : Évolution de la répartition syndicale entre 2012 et 2017 (France entière)


- Un scrutin 2021 chahuté -


Dans le contexte de la crise sanitaire, le scrutin 2021 est particulièrement chahuté. Initialement programmé du 23 novembre au 6 décembre 2020, le scrutin a été reporté du 25 janvier au 7 février 2021. Le 19 octobre 2020, un nouveau report a été décidé pour la période du 22 mars au 6 avril 2021.


Le 12 mai 2020, le ministère du Travail a publié la liste des organisations syndicales pouvant être candidates aux élections TPE 2021. Le présent scrutin est composé des 5 syndicats représentatifs au niveau national : la CFDT, la CFTC, CGE-CGC, la CGT et FO.


Peuvent également concourir au niveau interprofessionnel les organisations syndicales ayant obtenu des résultats supérieurs à 8% des suffrages exprimés dans 4 branches professionnelles, à savoir les branches de l’industrie, de la construction, du commerce et des services. Elles sont au nombre de 7 : CAT, CNT-SO, SAMUP, STC, UNSA, Syndicats Anti-Précarité et l’Union syndicale Solidaires.


Organisations syndicales en lice pour les élections 2021 (interprofessionnelles) :

  • CAT (Confédération autonome du travail)

  • CFDT (Confédération française démocratique du travail)

  • CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens)

  • CGE-CGC (Confédération française de l’encadrement CGC)

  • CGT (Confédération générale du travail)

  • FO (Confédération générale du travail Force ouvrière)

  • CNT-SO (Confédération nationale des travailleurs – Solidarité ouvrière)

  • SAMUP (Syndicat des Artistes-interprètes et Enseignants de la Musique, de la Danse et des Arts Dramatiques et de tous les salariés sans exclusive)

  • STC (Sindicatu di i travagliadori corsi)

  • UNSA (Union nationale des syndicats autonomes)

  • Syndicats Anti-Précarité

  • Union syndicale Solidaires

S’ajoutent au scrutin de ces élections, les organisations syndicales pouvant concourir au niveau professionnel. Elles sont au nombre de 8 : CNES, CSAFAM, SPELC, SITIC, SNIGIC, SNPST, SNTPCT, SPAMAF.

Organisations syndicales en lice pour les élections 2021 (professionnelles) :

  • CNES (Confédération nationale des éducateurs sportifs, salariés du sport et de l’animation)

  • CSAFAM (Confédération des syndicats d’assistants familiaux et d’assistants maternels)

  • SPELC (Fédération nationale des syndicats professionnels de l’enseignement libre catholique)

  • SITIC (Syndicat inter média des Travailleurs de l’Information et de la Communication)

  • SNIGIC (Syndicat national indépendant des gardiens d’immeubles et concierges)

  • SNPST (Syndicat national des professionnels de la santé au travail)

  • SNTPCT (Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de télévision)

  • SPAMAF (Syndicat professionnel des assistants maternels et assistants familiaux)


Enfin, les élections TPE se tenant à l’échelle régionale, le ministère a autorisé 7 organisations syndicales régionales à se présenter au scrutin 2021.

Pour la région Nouvelle-Aquitaine :

  • Langile Abertzaleen Batzordeak (LAB)

Pour la Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy :

  • Confédération générale du travail de la Guadeloupe (CGTG)

  • Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG)

Pour la Réunion :

  • L’Union régionale 974 (UR 974)

Pour la Martinique :

  • Centrale syndicale des travailleurs martiniquais (CSTM)

  • Confédération démocratique martiniquaise du travail (CDMT)

  • Union Générale des Travailleurs Martiniquais (UGTM)

Au total, ce sont donc 27 organisations syndicales qui sont candidates au scrutin 2021 des élections TPE.

- Trois interrogations -


Trois interrogations trouveront leur réponse le 16 avril, jour de l’annonce des résultats :

  • Quel taux de participation ? Malgré le contexte sanitaire, les organisations syndicales - et le ministère du Travail qui, lui aussi, invite les salariés à voter – réussiront-elles à susciter le vote ? Le « syndicat de l’abstention » sera-t-il renforcé ou réduit ?

  • Les grandes organisations syndicales nationales interprofessionnelles continueront-elles, toutes tendances confondues, à garder la quasi-totalité de la représentation des salariés ?


En 2021, le nombre d’organisations catégorielles ou d’organisations territoriales (exemple : le STC en Corse) grignoteront-elles des espaces électoraux supplémentaires ? Dans un contexte social où les grandes organisations syndicales se trouvent elles-mêmes affaiblies, la tendance au repli identitaire ou catégoriel va-t-elle grandir ?

  • Comment vont évoluer les scores respectifs des cinq grandes confédérations représentatives au niveau national ?

Entre 2012 et 2017, la CGT – qui est restée première, et de loin – a perdu 4,4 points, la CFDT 3,77 points et FO 2,2 points. En 2021, comment vont se positionner ces trois confédérations ?

La CFTC (7,44% en 2017, soit + 0,94 point) dépassera-t-elle le seuil des 8% ?

L’UNSA, qui a bondi de + 5,14 points avec 12,49% en 2017, confirmera-t-elle son résultat ?



[1] Voir les contributions des organisations syndicales pour le Bilan du cycle 2013-2016 de la représentativité syndicale réalisé par le Haut Conseil du dialogue social, p. 17-77. Publié le 14 mars 2018.

[2] Source : Insee et Dares, enquête Acemo sur les très petites entreprises de 2017

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