Les élections professionnelles du 6 décembre concernaient près de 800 000 enseignants de l'Education nationale. L'abstention vient de connaître une nouvelle progression. L'émiettement syndical se poursuit.
Le 6 décembre 2005, les enseignants des premier et second degrés ont désigné leurs représentants syndicaux au sein des commissions administratives paritaires de l’Education nationale, organismes statutaires chargés du dialogue social interne. Ces élections professionnelles sont les plus importantes, par le nombre de salariés concernés, organisées en France : 777 987 professeurs des écoles, des collèges et de lycées, conseillers d’éducation et conseillers d’orientation étaient concernés en 2005. Ces élections ont lieu tous les trois ans. Les résultats de 2005 étaient d’autant plus attendus que c’était la première fois, depuis les mouvements sociaux du printemps 2003 contre la réforme des retraites et la décentralisation de certains personnels, que les enseignants étaient appelés aux urnes.
Cinq jours ont été nécessaires avant la publication de résultats. Ceux-ci ont suscité peu ou pas de commentaires. Pourtant, plusieurs enseignements fort intéressants peuvent être tirés de ces résultats, les données commentées ici s’appuyant sur des tableaux originaux.
Une abstention record
Lors de ce scrutin, près de 4 enseignants sur 10 ont choisi de s’abstenir. Cette abstention progresse de plus de 13% depuis 2002 et même de 19% depuis 1999. Cette évolution sensible traduit sans aucun doute un certain malaise au sein de l’institution scolaire, à tout le moins à l’égard de ses modes de régulation interne et, en particulier, de ses acteurs syndicaux. En ce sens, les mouvements sociaux de 2003 auraient d’abord engendré de la défiance ainsi qu’un repli individualiste. L’école primaire paraît davantage affectée même si, globalement, les niveaux de participation sont assez comparables entre les premier et second degrés (voir tableau 1). Désormais, le niveau de participation électorale au sein de l’Education nationale est même inférieure à ce qu’on observe dans le secteur privé lors de la désignation des comités d’entreprise (36,2% d’abstentionnistes en 2003 selon les dernières données disponibles). Or, dans le cas des enseignants, il paraît difficile d’évoquer un déficit d’intégration comme on le fait bien souvent pour interpréter l’abstention. Ce sont bien les acteurs et le « système » qui semblent en cause.
Des syndicats aux bases plus fragiles
Si la participation recule, le soutien aux différentes organisations syndicales se trouve logiquement fragilisée. Pour prendre la mesure exacte des implantations syndicales dans l’électorat - et leurs évolutions respectives -, il faut calculer les audiences par rapport aux inscrits. Les commentaires en restent habituellement aux audiences en part relative - ou suffrages exprimés -, ce qui conduit à ignorer le phénomène de l’abstention alors même que celui-ci apparaît la donnée majeure de ce scrutin.
Le tableau 2 propose donc une répartition des suffrages par rapport aux inscrits. On voit bien que les principales organisations refluent et ne peuvent donc se prévaloir d’un renforcement ou d’une progression. D’autant plus que des organisations, telles la FSU et l’UNSA-Education, voient non seulement leur audience reculer par rapport aux inscrits mais perdent également des électeurs en données absolues : l’UNSA en perd globalement 2 403, la FSU 4 580, la CFDT 11 930. Quelques organisations tirent toutefois leur épingle du jeu - SUD-Education, la CGT et, secondairement, la CGC et la CFTC - mais leur audience globale demeure très minoritaire. Ces petites organisations du secteur éducatif ont réussi en tout cas à attirer de nouveaux électeurs, ce qui n’est pas le cas des organisations les plus importantes et les plus anciennes de l’Education nationale.
Le tableau 2, qui permet de mesurer la « représentativité » effective des différentes organisations, montre que la FSU recueille un peu plus d’un quart des voix enseignantes, l’UNSA moins de 10%, la CFDT un vingtième, FO un vingt-cinquième, SUD un trentième... L’émiettement est bien réel.
Une sanction pour la CFDT
A la suite du compromis avec le ministre du Travail sur la réforme des retraites en 2003, la CFDT connaît l’une des crises les plus importantes - sinon la plus importante - depuis 1964. Cette stratégie a conduit au départ de nombreux adhérents et électeurs, notamment dans le secteur public. Il paraît logique que les enseignants, principaux acteurs des grèves du printemps 2003, sanctionnent à leur tour la CFDT... même si le SGEN - le syndicat CFDT de l’Education nationale - n’était paradoxalement pas en cause dans les choix confédéraux effectués par la CFDT en 2003. Ainsi, à l’occasion du scrutin de 2005, le SGEN-CFDT perd plus d’un cinquième de ses électeurs de 2002 (et même un tiers si l’on s’en tient aux seuls enseignants du primaire). C’est - de loin - le reflux organisationnel le plus important lors de ces élections. La CFDT y verra sans doute un ultime aléa de sa stratégie « impatiente » de 2003 - à passer par pertes et profits - alors même que, dans d’autres secteurs, elle paraît progressivement tourner cette page coûteuse - en termes de ressources - en regagnant des électeurs. Pour autant, le SGEN se situe désormais en deçà de la barre symbolique de 10% des suffrages exprimés (précisément 9,3%)... loin derrière la FSU (46,6% des suffrages exprimés) et, dans une moindre mesure, de l’UNSA (14,6% des suffrages exprimés).
Il semble qu’une partie des électeurs qui ont quitté le SGEN aient voté en faveur de SUD. Eu égard aux évolutions intervenues dans d’autres secteurs, cela présenterait une certaine logique. Les évolutions respectives - par académie - témoignent effectivement d’une certaine corrélation (voir le tableau 3).
La FSU, l’UNSA et SUD tirent leur épingle du jeu dans le secondaire
Les syndicats sont d’abord fragilisés dans l’enseignement primaire. Le SNUIPP-FSU - qui y conserve le leadership - perd près de 6 000 voix. Mais les organisations syndicales résistent mieux dans le secondaire. Le SNES-FSU consolide même la majorité dont il dispose en gagnant 1 107 électeurs et en rassemblant désormais 47,8% d’entre eux (contre 46,1% en 2002). Mais c’est SUD-Education qui réalise la meilleure opération. Le syndicat gagne 1 610 électeurs, surtout parmi les professeurs certifiés. Avec 5,4% des suffrages exprimés, son audience demeure toutefois bien éloignée de celle du SNES. Si l’influence d’un syndicalisme radical ne se dément donc pas, le SE-UNSA - plus « centriste » - conquiert également 1 363 nouveaux électeurs, faisant même un peu mieux que la FSU, mais - avec 6,7% des suffrages exprimés - il demeure la quatrième organisation du secteur, largement distancée par ses rivaux « unitaires ».
Par catégorie, la FSU obtient la majorité absolue dans deux catégories : les professeurs d’éducation physique et sportive et les conseillers d’orientation (voir le tableau 4). Un peu moins écrasante dans les autres catégories, elle dispose toutefois d’une large majorité dans les autres catégories, à l’exception du corps des professeurs de lycées professionnels, dotés de leur propre syndicat, le SNETAA, issu de l’ex-FEN puis d’une scission de la FSU, qui connaît un léger tassement en 2005.
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