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Fédération CGT Mines-Energie : un colosse aux pieds d'argile

Photo du rédacteur: Dominique AndolfattoDominique Andolfatto

Du 27 au 30 novembre 2006, se tient à Lille le 3e congrès de la Fédération nationale des mines et de l'énergie CGT. La première fédération de la CGT connaît une érosion certaine de ses effectifs. La crise économique ou l'attitude de la direction ne peuvent être mises en avant pour expliquer le phénomène. Les raisons sont ailleurs, que tente d'analyser l'équipe dirigeante.


Les mineurs, électriciens et gaziers de la CGT qui, depuis la fin des années 1990, cohabitent dans une même organisation tiennent leur 3ème congrès fédéral à Lille, du 27 au 30 novembre 2006.


Pour la CGT, l’événement est important. La Fédération Nationale des Mines et de l’Energie (FNME) est en effet la première organisation de la CGT : plus d’un cégétiste sur 10 en est membre. Et le congrès de la FNME devrait réunir presque autant de délégués que le 48ème congrès confédéral, là même où ce dernier s’est tenu, au printemps dernier.


On connaît également l’actualité économique et sociale - relativement « chaude » - de ce secteur, avec l’annonce d’une privatisation partielle d’EDF-GDF en 2004, ce qui avait engendré un long mouvement social. Les dirigeants de la CGT et le ministre des finances d’alors, Nicolas Sarkozy, avaient finalement trouvé un terrain d’entente. Après la « privatisation » intervenue en 2005, qui a vu de nombreux agents d’EDF devenir actionnaires de leur entreprise, les projets de fusion entre GDF et Suez ont relancé - cette année - des mobilisations, qui n’ont pas retrouvé toutefois, loin s’en faut, leur niveau de 2004. Les tentatives d’actions de solidarité avec les usagers, en particulier, ont échoué. On signalera enfin, que l’agenda de la FNME comporte un volet « judiciaire » puisqu’une instruction se poursuit concernant la CCAS, l’institution en charge des œuvres sociales d’EDF-GDF, gérée par des syndicalistes de la FNME. Derrière ce « volet », c’est en fait la question des ressources syndicales qui se trouve posée et de ce point de vue aussi, la FNME est une organisation qui compte beaucoup dans la CGT.


Comment, dans ce contexte relativement heurté, la syndicalisation à la FNME-CGT a-t-elle évolué ?


En 15 ans, un tiers des effectifs ont disparu


A l’occasion de la préparation de son 3ème congrès, la fédération a publié des informations relativement détaillées, tant pour ce qui concerne ses effectifs que sur le plan financier, qui témoignent d’un vrai effort de transparence. Rapportées à des données plus anciennes, ces résultats montrent un reflux assez net des forces organisées de la FNME (voire graphique 1). En 1991, les fédérations du Sous-sol et de l’Energie - qui n’avaient pas encore fusionné - comptait quelque 114 000 adhérents (plus d’un cégétiste sur 6). En 2005, la FNME n’en recense plus que 71 000 adhérents. La décroissance apparaît régulière et ininterrompue.


Graphique 1 : L’évolution des effectifs de la FNME-CGT (1991-2005)



On pourrait supposer que ce déclin des effectifs est la conséquence de la fermeture des mines qui « plombent » les résultats de la FNME. De fait, il n’y a pratiquement plus de mineurs en activité en France (le dernier puits de charbon a, par exemple, fermé en Lorraine en 2004). L’examen de résultats détaillés montrent en effet que le nombre de mineurs syndiqués s’est effondré. En 2005, il ne correspond plus qu’à 42% de l’effectif de 1991. De surcroît, il ne s’agit pratiquement plus que de retraités. Mais, de ce point de vue, la proportion des retraités demeure inchangée (84% des mineurs syndiqués à la CGT sont retraités, tant en 1991 qu’en 2005).


Moins de 20 % des syndiqués


Il reste que le nombre de syndiqués des industries électriques et gazières a également décliné assez fortement (alors que le nombre de salariés du secteur - et donc la population syndicable - a augmenté). Plus d’un quart des effectifs syndiqués (précisément 28%) ont fondu de 1991 à 2005 (voir le graphique 2). La Fédération parle d’ailleurs dans le document du congrès d’une « perte constante de syndiqués ». Cela a conduit a une réduction sensible du taux de syndicalisation dans ce secteur. Toutes organisations confondues, il dépassait 40% du salariat au début des années 1990. Il est aujourd’hui inférieur à 20% (sans doute 18 ou 19%). Autrement dit, le secteur de l’énergie n’est manifestement plus le fief syndical qu’il a été. En outre, la FNME perd des adhérents alors que la confédération en regagnerait, notamment dans des fédérations du secteur privé. Cela semble un peu le monde (syndical) à l’envers ! Cela implique également de réviser les analyses habituelles - et sans doute un peu faciles - de la désyndicalisation car, dans le secteur énergétique, on ne peut guère interpréter ce phénomène par une crise de l’emploi ou des pratiques répressives à l’égard des syndiqués. La FNME-CGT l’a d’ailleurs bien compris et elle n’hésite plus - sur de nombreuses questions - à se remettre en cause en tant qu’organisation syndicale à l’occasion de ce congrès. Dès lors, les syndicats se retrouvent logiquement en première ligne pour analyser la « crise » syndicale.


Graphique 2 : L’évolution comparée des effectifs de la CGT (confédération), de la FNME-CGT et des seuls syndiqués de l’Energie de la FNME-CGT.

Indice 100 en 1991



Dans le document préparatoire au congrès - « Construire l’action collective pour gagner » - la FNME se livre en effet à une véritable auto-critique. Elle liste toute une série d’aspects à « corriger dans notre syndicalisme » :

  • une « vision étroite des modifications du salariat et de la traduction en propositions revendicatives » ;

  • un « syndicalisme d’élus, institutionnel et délégataire » ;

  • un « manque de pratique à travailler ensemble à tous les niveaux » ;

  • une « difficulté à partir des besoins des salariés ». La FNME recense également « les problèmes auxquels nous nous sommes heurtés » :

  • un « nombre de consultations (trop) important » ;

  • un « manque de temps et de moyens pour impliquer les syndiqués, les salariés » ; des « difficultés d’appréhension des enjeux complets et des conséquences » (c’est là un peu langue de bois...) ;

  • un « décalage du niveau d’appropriation des dossiers entre les négociateurs, les syndicats, les syndiqués, les agents » ;

  • un « niveau faible de participation des salariés, des syndiqués ce qui implique des questions sur la légitimité du résultat » ;

  • une direction fédérale qui « n’a pas tenu son rôle en termes de travail, de fonctionnement et d’exécution des décisions »...

Manifestement, le tableau paraît assez sombre et, même dans une entreprise - désormais double - telle que EDF-GDF où de multiples instances de représentation syndicale existent, une « fracture » s’est creusée avec les salariés. Cela démontre bien que le dialogue social ne peut se réduire à une affaire d’ingénierie de la représentation ou de technostructures. Pour la FNME, il importe de reconstruire la « rencontre » avec les salariés, de réinventer un syndicalisme « vivant », prenant appui sur des réseaux relativement denses... C’est toute une dimension sociale qu’il s’agit donc de retrouver, laquelle ne se décrète pas, comme tend à le démontrer l’analyse de la FNME.


Un défi de génération


Un défi de génération est également posé (voir graphique 3). Près d’un syndiqué sur 2 de la FNME est un retraité (précisément 46% en 2005). L’engagement des retraités n’apparaît de surcroît que transitoire, prolongeant de quelques années seulement l’engagement en tant qu’actifs. Ainsi, en 15 ans, 58% des retraités mineurs et 22% de ceux de l’énergie ont définitivement quitté leurs syndicats. C’est donc bien la question du recrutement de nouveaux adhérents - et de jeunes adhérents - qui est posé à la FNME sinon le déclin pourrait s’accélérer, compte tenu de la masse des retraités actuellement dans ses rangs. Mais, de ce point de vue, l’approche de la fédération semble bien théorique : suffit-il de proclamer que la jeunesse connaît une « grave crise sociale » tout en constituant un « formidable potentiel qu’il nous faut saisir » pour favoriser sa syndicalisation ? Le diagnostic doit être affiné et poser plus largement la question de l’ « offre » syndicale - et de sa lisibilité - par la jeune génération.


Graphique 3 : Structure de la syndicalisation à la FNME-CGT (en % des effectifs de 2005)



A lire dans « Les études sociales et syndicales » Les évolutions du syndicalisme CGT à EDF(8 octobre 2003) par Dominique ANDOLFATTO La Fédération nationale des mines et de l’énergie CGT(18 mai 2001) par Bernard VIVIER EDF : La CGT entre conservatisme et renouveau(18 mai 2001) par Charles-Henri d’ANDIGNE

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