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  • Photo du rédacteurBernard Vivier

Finances syndicales : pour des comptes transparents

La France a besoin de syndicats forts et pas de syndicats mendiants. Pourtant, 80% de leurs ressources proviennent de subventions, de moyens matériels et de mises à disposition de personnels payés le plus souvent sur fonds publics. A peine 20% des ressources des syndicats de salariés viennent des cotisations. C'est un rapport inverse à ce que l'on constate dans les pays nordiques.


Une commission d’enquête parlementaire travaille en ce moment à l’Assemblée nationale sur les finances des organisations syndicales d’employeurs et de salariés. Elle doit rendre son rapport début décembre 2011. C’est une bonne nouvelle car les syndicats de salariés et patronaux n’ont pas encore dévoilé toute leur part d’ombre.


Avec la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale, une grande avancée a été faite. Jusqu’à cette date, les syndicats étaient les seules personnes morales qui n’étaient pas obligées de publier leurs comptes ou même d’en tenir. Les confédérations, les fédérations, les unions et les gros syndicats doivent maintenant établir et publier leurs comptes. Ces comptes comprennent dorénavant un bilan, un compte de résultat et une annexe.



Cette mesure, directement inspirée des règles qui ont naguère permis de clarifier les finances du monde associatif, se met progressivement en application. En publiant leurs comptes, les confédérations claironnent la sincérité de leur démarche et la clarté de leur situation financière.


- Les syndicats sont utiles au pays -


Sur le premier point, il n’y a pas de doute. Hormis les pratiques illégales et les comportements douteux de certains de leurs membres, inhérents à toute organisation humaine complexe (les associations, les entreprises, les partis politiques n’en sont pas exempts), les organisations syndicales développent sur le terrain une culture de l’engagement désintéressé.


Elles conduisent au service de tous, au-delà de leurs adhérents (ce qui différencie la France de ses voisins), des missions d’intérêt général : négociations collectives, gestion d’organismes paritaires (formation, retraites, chômage, etc.). Autant de missions que l’État n’a pas à assumer. Cela peut justifier un soutien -public ou privé- extérieur aux cotisations.


Sur le second point, on est loin du compte. La transparence complète sur les ressources syndicales n’est pas établie, en particulier sur les apports de personnels gratuits.


- La transparence n’est pas complète -


Pour ce qui concerne la fonction publique de l’Etat, aucun ministre de la République n’est à ce jour capable de fournir le nombre exact de permanents syndicaux mis à disposition par son ministère. A l’Éducation nationale, l’estimation se fait par milliers. Il semblerait que, rien qu’au niveau de la fonction publique de l’État, plus de 50 000 agents équivalents temps plein soient mis à disposition des syndicats. Cela correspond à environ 1,7 milliard euros de coût annuel rien que pour l’État.



Certains ont un mandat syndical de quelques jours par an, d’autres ont des décharges d’activité de 30 % à 50 % de leur temps. Et plus d’un millier de permanents sont à temps plein, pour la seule fonction publique d’Etat. Dans l’intérêt même du contribuable, le Parlement doit exiger de disposer et rendre publiques les données concernant le nombre total de personnels mis à disposition des syndicats par l’État, les collectivités territoriales et les entreprises publiques.

Dans le même but, il importe aussi de répondre à trois interrogations :

  • quelle est la valeur des locaux et bourses du travail mis à disposition (avec paiement des charges bien souvent) par les mairies, conseils généraux et régionaux ? Un recensement des subventions locales en argent et en moyens matériels participera à cette œuvre de transparence ;

  • quels sont les montants versés à des titres divers aux organisations syndicales d’employeurs et de salariés par les organismes paritaires ?

  • quel est le montant payé en publicités dans les journaux syndicaux ou en aides diverses (organisation de congrès par exemple) par les entreprises publiques ? Une connaissance de ce que pratiquent les entreprises privées serait tout aussi utile.

Dans les entreprises privées, une approche comptable peut être menée sur les moyens syndicaux : moyens matériels (locaux), financiers (aide aux syndicats) et humains (valeur comptable des heures de délégation syndicale). Les bilans sociaux d’entreprise, dans le chapitre consacré aux relations professionnelles, pourraient être renseignés en ce sens.

La commission d’enquête parlementaire a devant elle un vaste chantier. Pour faire pleinement entrer les syndicats français dans le XXIème siècle, le travail de transparence doit être poursuivi.


- Renforcer l’indépendance financière -


Ce travail demande aussi, dans le même temps, une action concernant l’indépendance des syndicats. Leurs ressources propres sont nettement insuffisantes. Il importe de développer celles liées à un service rendu aux adhérents en contrepartie de leur cotisation. Les pratiques européennes sont un bon modèle qui, en outre, permettent aux militants de vivre un syndicalisme réformiste et de service et non pas de rupture et de lutte. Les syndicats doivent renforcer leur capacité à porter les affaires sociales du pays. C’est-à-dire, au sens littéral du terme, à renforcer leur responsabilité.



Pour mettre en application les dispositions de la loi du 20 août 2008, les organisations syndicales sont amenées à former les trésoriers de syndicat aux nouvelles règles de gestion et de publicité de leur comptes. Exemple : la CFDT annonce dans son hebdomadaire confédéral du 15 septembre 2011 la diffusion d’un « Classeur du trésorier CFDT ». Des réunions d’information sont organisées par les unions régionales CFDT.

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