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FO : le subtil compromis du 22ème congrès

Photo du rédacteur: Philippe DarantièrePhilippe Darantière

Le 22ème congrès de la CGT-Force Ouvrière s'est terminé le 18 février sur un subtil compromis politique interne, dont le tissage a constitué la toile de fond des cinq jours de congrès.


Ce qu’un délégué a appelé le « compromis politique » qui s’est établi au sein du congrès est en vérité un double compromis, d’une part selon un axe fonctionnaires et salariés du public versus contractuels et salariés du privé, d’autre part entre réformistes et contestataires à l’intérieur de Force Ouvrière.


Un chiffre illustre le premier compromis : la plus importante délégation au congrès était celle de la Fédération des personnels des services publics et des services de santé (FPSPS), qui représentait à elle seule environ 1 délégué sur 5. En deuxième position (1 délégué sur 7), la Fédération des employés et cadres, qui règne sur le secteur des organismes sociaux et sur dix autres secteurs professionnels. Elle fut la fédération d’origine de Marc Blondel, secrétaire général de FO de 1989 à 2004, mais aussi du dirigeant trotskiste Pierre Lambert, fondateur de l’Organisation communiste internationaliste puis du Parti des Travailleurs (aujourd’hui Parti Ouvrier Indépendant).


Les deux premières fédérations du privé en nombre de délégués étaient FO Métaux (1 délégué sur 7) et la FGTA (Fédération générale des travailleurs de l’alimentation, représentant environ 1 délégué sur 15). En cinquième position venait la Fédération de l’enseignement, de la culture et de la formation professionnelle. Sur les cinq premières fédérations, trois représentaient essentiellement les salariés du public.



La défense de l’égalité républicaine

Ceci explique que la défense des services publics a servi de fil conducteur à la rédaction des résolutions sur lesquelles les délégués étaient invités à se prononcer : pour le service public de l’emploi, pour le service public hospitalier et contre les Agences régionales de santé, pour les régimes spéciaux de retraite et contre la loi du 9 novembre 2010, contre la réforme de l’administration territoriale et par-dessus tout contre la révision générale des politiques publiques (RGPP) et son application qui instaure le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite.


Mais la défense de la fonction publique n’est pas pour FO qu’une posture corporatiste. La secrétaire générale de la Fédération générale des fonctionnaires Anne Baltazar reconnaissait que Force Ouvrière avait trop souvent défendu le statut des fonctionnaires au détriment des salariés de la fonction publique parmi lesquels les contractuels représentent aujourd’hui un effectif très important. Le congrès a donc pris soin de ne pas opposer les agents des fonctions publiques et les salariés du privé, mais de justifier la ligne de la confédération par des considérations symboliques : la défense de l’égalité républicaine, garantie par des services publics accessibles à tous, l’universalité des biens publics gérés par l’Etat, la liberté et la fraternité, socles français du « vivre ensemble », auxquels FO ajoute systématiquement la laïcité. C’est par ces rappels réguliers aux valeurs fondatrices de la Confédération Force Ouvrière que l’équilibre est garanti dans les structures de FO, en particulier au sein des unions départementales, qui forment la base de la solidarité interprofessionnelle des syndicats FO.



Le deuxième compromis politique du congrès, entre réformistes et contestataires, fut presque gâché par la virulente intervention d’une fraction militante le dernier après-midi, juste avant la clôture. Réclamant un vote sur l’exigence du retour à 37,5 annuités pour une retraite à taux plein, une salariée de l’agro-alimentaire et un délégué de l’Union départementale de Loire Atlantique, qui représente la fraction anarcho-syndicaliste de FO, ont contesté le fonctionnement « non démocratique » du congrès. Jean-Claude Mailly a repris la main dans son discours de clôture en expliquant qu’à FO « il y a des minoritaires, mais il n’y a pas de minorité ». Cette précision était un message clair en direction des trotskistes, qui constituent traditionnellement environ 10% des mandats à FO, et qui pratiquent en leur sein un « droit de fraction » en faveur des minoritaires. Ces passes d’armes sont habituelles aux congrès de FO, où les trotskistes et les anarcho-syndicalistes tentent régulièrement de se faire entendre.

Trotskystes et anarcho-syndicalistes

De manière symbolique, ces derniers avaient dressé un stand face à l’entrée du palais des congrès de Montpellier, pour y vendre un ouvrage à la mémoire d’Alexandre Hebert, ancien secrétaire général de l’Union départementale de Loire Atlantique, militant anarcho-syndicaliste, membre du Parti des Travailleurs et ami de feu Pierre Lambert. Ces détails font partie de la vie d’un congrès de FO, mais ne révèlent rien d’autre qu’une des facettes de la mosaïque qui constitue cette confédération. Ils contribuent à son identité, et la rendent ainsi non soluble dans un bipolarisme syndical que la réforme de la représentativité syndicale du 20 août 2008 a pourtant scellé dans la loi.



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