Le Parlement examine en ce moment la transposition législative de l?accord signé le 20 septembre dernier entre partenaires sociaux sur la formation professionnelle continue. Il s?agit là d?une belle avancée sociale.
Dans le domaine des relations sociales, il faut savoir prendre du temps. La négociation sur la formation professionnelle continue engagée en décembre 2000 dans le cadre des chantiers de la refondation sociale avait été menée tambour battant, sous l’impulsion du bouillant Denis KESSLER, alors vice-président du MEDEF. Trop vite conduite, en fait, pour permettre aux différents interlocuteurs de s’approprier les composantes de l’échange et pour faire mûrir les expressions possibles. En octobre 2001, la négociation avait été suspendue.
Reprise en janvier 2003, elle vient de s’achever par la signature d’un accord, le 20 septembre 2003, que d’aucuns n’ont pas manqué de qualifier « d’historique ».
Trente trois ans après l’accord du 9 juillet 1970 qui a installé la formation continue en France, cet accord présente, en effet, les caractéristiques d’une belle avancée sociale.
- La négociation prime -
Première caractéristique : le primat donné à la négociation sur la loi. L’essoufflement du vaste processus de « refondation sociale » lancé en 2000 par le MEDEF et appuyé par les syndicats aurait pu faire douter de la capacité de notre pays à se réformer par la voie de la négociation collective plutôt que par celle de la loi. L’accord du 20 septembre dernier apporte la démonstration qu’il n’en est rien. Et que, au sortir de la difficile réforme des retraites, les partenaires sociaux savent trouver des terrains de concordance. L’Etat pour sa part se sera attaché à traduire plutôt fidèlement dans la loi la volonté des acteurs sociaux, tout comme il l’avait fait avec la loi de 1971, en écho à l’accord de 1970.
- La formation, meilleure arme anti-chômage -
Deuxième caractéristique de l’accord : l’unanimité des partenaires sociaux à considérer le sujet comme essentiel à notre économie et à notre société. Pas une signature syndicale n’a manqué à cet accord national interprofessionnel pour affirmer que la formation continue est une clé essentielle pour chaque salarié dans la maîtrise de son parcours professionnel et pour chaque entreprise dans le maintien de sa compétitivité. Le développement de la concurrence mondiale rappelle à notre pays que son avenir tient en grande partie à sa capacité à conserver son avance dans les domaines des savoirs et des qualifications. La formation apparaît bien, dans une économie mondialisée, la meilleure arme anti-chômage.
- Des possibilités nouvelles -
Troisième caractéristique : les efforts consentis de part et d’autre de la table de négociation pour aboutir à l’accord. Les entreprises ont accepté un effort financier conséquent (qui n’est d’ailleurs pas sans créer quelques inquiétudes à certaines d’entre elles). La mise en œuvre d’une « formation tout au long de la vie professionnelle » se concrétisera en priorité par le « droit individuel à la formation » (D.I.F.), soit un droit de 20 heures par an pour tout salarié en contrat à durée indéterminée à plein temps. Ce droit est partiellement transférable d’une entreprise à une autre.
En sens inverse, les syndicats acceptent le principe d’un « co-investissement ». L’accord donne des moyens nouveaux aux salariés désireux de se former, y compris en dehors du temps de travail. Il s’agit là d’une évolution significative des mentalités. Le temps consacré au travail a considérablement chuté en un siècle : 3000 heures par an en 1900, 1600 heures en 2000. Cette réduction du temps de travail se trouve amplifiée par l’accroissement de l’espérance de vie et par l’entrée plus tardive sur le marché du travail (du fait de l’allongement des études). Le temps libre ainsi dégagé ne saurait être assimilé à du temps oisif. Il doit pouvoir être rendu utile, ou pour les autres (engagements associatifs par exemple) ou pour soi, au travers de la formation.
L’accord du 20 septembre 2003 accorde une place prioritaire à la personne et considère moins qu’auparavant la formation comme un système de régulation collective. Les entreprises vont devoir, demain, gérer davantage encore des demandes individualisées, avec des dispositifs d’information et d’orientation : entretien professionnel tous les deux ans , bilan de compétence à compter de 45 ans, validation des acquis de l’expérience , « passeport-formation ».
- Une culture des relations sociales en lente évolution -
Quatrième caractéristique de l’accord : l’invitation faite aux organisations syndicales à rechercher le progrès social à travers la négociation et la proposition et non pas à travers la rupture et la contestation. A cet égard, la signature de la CGT a fait l’objet de nombreux commentaires. Certains ont vu dans cette signature la preuve déterminante d’une mutation culturelle durable de la CGT, de son inscription dans un syndicalisme de construction sociale. D’autres, plus prudents, y ont vu un « coup tactique », destiné à donner au gouvernement et au patronat l’apparence d’une évolution de la confédération pour, en fait, inciter ces derniers à suivre au même moment ses préconisations sur la réforme de la négociation collective et à mettre en œuvre des « accords majoritaires » (processus permettant, à terme, de marginaliser les concurrents syndicaux de la CGT et de la CFDT).
La réalité se situe probablement entre ces deux lectures. Il est clair que la CGT n’a pas rompu et n’est pas, à court terme, prête à rompre avec sa vision antagoniste des rapports sociaux. Dans une circulaire interne adressée fin septembre aux structures CGT, Maryse DUMAS, secrétaire confédérale, écrit :« La signature de la CGT ne signifie pas accord sur la totalité d’un texte. C’est un moment du processus, dès le lendemain nous remettons en selle les revendications et l’action ». Des propos qui expriment bien la praxis marxiste des décennies passées !
Mais il est clair aussi que le syndicalisme de proposition et de négociation commence à pénétrer les esprits les plus alertes de la CGT. La « resyndicalisation » de la CGT n’est pas à l’ordre du jour des discussions confédérales mais le besoin de pratiquer une action collective plus professionnelle et moins idéologisée gagne du terrain.
Assurément, à travers ces caractéristiques, l’accord du 20 septembre 2003 sur la formation professionnelle constitue une belle avancée sociale.
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