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Photo du rédacteurBernard Vivier

Gouvernement et syndicats : l'opposition ou la concertation ?

{{Le 18 février, gouvernement, patronat et syndicats se retrouvent dans une conférence sociale pour examiner les réponses possibles à la crise. Les manifestations du 29 janvier et celles prévues le 19 mars donnent le sentiment d'un affrontement gouvernement-syndicats. La profondeur de l'inquiétude sociale indique pourtant que ce clivage n'est pas le bon. Gouvernement et syndicats ont plus intérêt à s'accorder qu'à s'opposer. }}


Les organisations syndicales ont indiscutablement réussi l’organisation des manifestations qui se sont déroulées un peu partout en France le 29 janvier (voir Les Études sociales et syndicales du 30 janvier 2009 lire l’article).


L’actualité sociale semble, depuis, comme rythmée par la perspective d’une nouvelle vague de manifestations intersyndicales. Le 2 février puis à nouveau le 9 février, huit organisations syndicales ont préparé une « nouvelle journée d’action interprofessionnelle » prévue le 19 mars. Elles sont convenues de se revoir encore le 23 février, quelques jours après le sommet social organisé par le président de la République le 18 février.


Le communiqué commun du 09 février indique « indispensable de maintenir la pression dans l’unité d’action ». Tout se déroule aujourd’hui comme si l’on rééditait le scénario des manifestations anti-CPE de l’hiver 2006 : un front commun de 12 organisations syndicales, étudiantes et lycéennes pour exiger le retrait d’une mesure gouvernementale. Comme si cette unité d’action visait à faire céder un gouvernement réticent à engager une relance par la consommation et par des mesures de revalorisation salariale.


A ce jour, la jonction n’est pas établie entre démarches syndicales de salariés et manifestations étudiantes contre les mesures de réorganisation de l’université et de la recherche. Mais le climat social s’alourdit dans ce sens.


Le Premier ministre de 2006, Dominique de Villepin, avait dû abandonner son projet de contrat première embauche (CPE) en avril 2006, après douze longues semaines de manifestations. Il avait, par la même occasion, perdu toute chance d’être candidat à l’élection présidentielle de l’année suivante.

- Une crise venue de l’extérieur -

Cette dialectique visant à établir une confrontation syndicats-gouvernement n’est pas pertinente. Dans la situation présente, le président de la République et son gouvernement n’ont pas à cœur d’installer un projet social ou une mesure réglementaire auxquels ils croiraient contre l’avis des syndicats. Ils ont à tenter, avec eux, de trouver les mesures appropriées pour limiter les conséquences sociales d’une crise venue de l’extérieur du pays. Ce fut le message du chef de l’Etat à la télévision le 5 février.


De leur coté, les syndicats savent bien qu’ils ne sont pas pleinement maîtres du terrain. Les manifestations du 29 janvier ont, par leur ampleur, révélé une lourde inquiétude sociale. Elles ont été conduites par les syndicats qui ont su jouer leur rôle de régulation sociale, de canalisation des mécontentements. Mais cette inquiétude ne signifie pas pour autant adhésion pleine et entière à une démarche de grèves et de rupture. Le 29 janvier, les arrêts de travail ont été moins nombreux que prévu, y compris dans les services publics de transport.



Une observation menée par l’Institut supérieur du travail indique que de nombreux manifestants ont, le 29 janvier, défilé dans la rue sans pour autant rompre avec leur entreprise : des manifestants ont ainsi achevé leur journée de travail avant d’aller défiler, d’autres ont utilisé pour cela des droits à absence au travail, etc...


La même observation indique que cette inquiétude - qui n’est donc pas dirigée contre les entreprises, considérées au contraire comme devant être renforcées dans leur capacité à produire - aura été très présente dans les villes de moyenne importance et pas seulement dans les grands centres industriels.

Cette inquiétude s’alimente certes des suppressions d’emploi et des annonces de chômage partiel. Elle se nourrit aussi du sentiment d’impuissance devant un phénomène qui dépasse le cadre national ; elle se conjugue avec l’incompréhension face à certaines réformes administratives (fermeture de guichets de la Banque de France, de tribunaux, de conseils de prud’hommes, de sous-préfectures, etc...).


Notre pays apprend ainsi peu à peu que le reformatage de ses administrations et celui de ses entreprises (restructurations, délocalisations) participent de la même démarche : l’adaptation de ses forces - celles d’un pays de dimension moyenne - à la violence des chocs internationaux.

- Lourdeur sociale plus que révolte -

Le climat social reste à ce jour celui de l’abattement, de la lourdeur plus que celui de la révolte. La médiatisation dont bénéficient aujourd’hui les forces « anti-capitalistes » du nouveau parti d’Olivier Besancenot traduit une certaine réalité, qui inquiète les syndicats traditionnels (la concurrence de SUD à l’encontre de la CGT et de la CFDT est réelle). Mais cette réalité demeure - à ce jour, répétons le - modeste.

Si, objectivement, gouvernement et partenaires sociaux ont chacun davantage intérêt à converger qu’à s’opposer, il n’en reste pas moins vrai que le contenu des discussions s’annonce ardu.


Le principal sujet de discussion sera celui de la logique de relance : par l’investissement ou par la consommation ? Par tradition et par vocation aussi (un syndicat a pour objet de défendre le pouvoir d’achat, pas l’investissement !), le mouvement syndical privilégie la relance par la consommation. Le président de la République, élu en 2007 comme étant le président du pouvoir d’achat (« travailler plus pour gagner plus »), va éprouver quelques difficultés à convaincre ses interlocuteurs que la bonne réponse à la crise passe par l’investissement et que l’emploi devient prioritaire par rapport au pouvoir d’achat.


Les économistes nous le disent pourtant clairement : dans les circonstances présentes, marquées par l’inquiétude, une augmentation forte des salaires ne déboucherait que de façon limitée sur une relance économique, l’argent risquant en partie d’être épargné et en partie de servir à l’achat de biens de consommation ou d’articles... fabriqués à l’étranger.


L’histoire du Front populaire nous l’enseigne aussi. Après une politique d’augmentation massive des salaires (Il fallait « injecter du pouvoir d’achat dans les masses », comme le disait Léon Blum d’une formule peu élégante), le même gouvernement fut brutalement conduit à une politique inversée de rigueur et à une dévaluation du franc (Vincent Auriol, ministre des finances de juin 1936 à juin 1937, y gagna même le sobriquet de « Auriol la faillite »).



Les temps à venir annoncent un exercice délicat : engager une relance par l’investissement tout en accordant certaines mesures immédiates sur le pouvoir d’achat et tout en renforçant les dispositifs de protection des catégories sociales les plus fragilisées par la crise économique.


Pour soigner la crise financière, il est utile de s’intéresser aux banquiers. Pour éviter la rupture sociale, il est utile de ne pas s’intéresser qu’à eux.

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