En 2009, les maisons d'édition ont publié relativement peu d'ouvrages sur les questions sociales et syndicales. Les livres d'histoire, les témoignages sont plus nombreux que les essais et les analyses. Les réflexions prospectives sont, elles, presque absentes.
Une production littéraire est toujours le reflet de son époque. Notre vie sociale est traversée par de nombreuses questions, touchant à l’évolution des relations sociales, à la résurgence de certaines radicalités et contestations, de nouvelles organisations collectives (ONG), de nouveaux thèmes de réflexion (environnement, développement durable, conditions de travail, avenir des systèmes de protection sociale, etc.).
La mise en place de la loi du 20 août 2008 génère des interrogations sur l’évolution du paysage syndical français, sur la représentativité, sur les nouveaux équilibres de la négociation collective sur la définition des rapports Etat- partenaires sociaux.
Sur tous ces thèmes, les étagères des librairies sont restées en 2009 d’une relative pauvreté. Peut être est-il trop tôt, sur certains de ces thèmes, pour voir apparaître des productions ayant une densité suffisante. Ou peut-être, explication plus sombre, les maisons d’édition - dont les services marketing reflètent l’attente du grand public - ne considèrent pas ces thèmes comme suffisamment vendeurs.
On l’aura compris : l’année 2009 n’aura pas été un grand cru éditorial.
Aussi, les ouvrages d’histoire occupent-ils une place significative dans la recension qui suit. Notons cependant la poursuite d’un phénomène amorcé en 2008, notamment avec le livre de Fanny Guinochet sur « Laurence Parisot, une femme en guerre » (L’Archipel, 264 pages), à savoir la publication d’ouvrages sur le MEDEF et le monde patronal. L’actualité sociale à venir se montrera un terrain propice à de nouveaux travaux sur le monde patronal, encore peu décrit et, quand il l’est, souvent caricaturé.
1- Organisations syndicales
Quelques ouvrages généralistes décrivent le syndicalisme de salariés.
La syndicalisation en France. Revue Politix n° 85, Editions de Boeck, 2009, 216 pages, 20,- €. Le dossier de la revue contient 6 études qui forment un tout intéressant, d’observation et de recherche.
Le syndicalisme en France, par René Mouriaux, PUF, 2009, 128 pages, 9,- €. Il s’agit là de la réédition, la sixième, d’un aperçu des forces et des pratiques syndicales, rédigé par un auteur compétent et très subjectif.
Toujours moins ! Déclin du syndicalisme à la française, par Dominique Andolfatto et Dominique Labbé, Gallimard, 2009, 220 pages, 16,50 € A l’exact opposé du livre précédent, les auteurs livrent un essai qui cherche à faire débat (c’est du reste, le titre de la collection : Le Débat). Résultat : des analyses provocatrices par moment et des vérités qui fâchent (notamment la CFDT). Lire notre critique de ce livre dans Les Etudes sociales et syndicales du 06 octobre 2009 et deux extraits : Pourquoi sont ils partis ? ESS 13 octobre 2009 et Comment enrayer la désyndicalisation ? ESS 16 octobre 2009
Les syndicats à l’épreuve de l’Europe, collectif, L’harmattan, 2009, 280 pages, 25,- €. C’est le seul livre traitant des questions syndicales européennes publié en 2009. Les années à venir sont une invitation à rattraper le retard de connaissance.
Apprentissages militants, par Hugues Lethierry, Chronique sociale, 2009, 336 pages, 16,50 €. Appréhender et reconnaître les raisons et les formes de l’engagement constitue le fil directeur du livre, qui décrit l’itinéraire de différents militants, tout particulièrement syndicaux.
Cinq livres s’intéressent de façon plus ciblée à des organisations syndicales.
La CGT et la recomposition syndicale, direction Françoise Piotet, PUF, 2009, 320 pages, 27, -€. Les monographies, instructives et bien conduites, reflètent le travail d’enquête menée au sein de la CGT par les chercheurs, avec l’autorisation de la direction confédérale.
Un siècle de « Vie ouvrière » 1909 - 2009, par Denis Cohen et Valère Straraselski, Le cherche Midi, 2009, 176 pages, 30, - €. Un livre grand format, qui tente de décrire un siècle de CGT à travers son journal. Le résultat est médiocre. Convenons que l’on y trouve beaucoup de photos.
Une vie de combats et de convictions, par Georges Prampart, Editions du Centre d’histoire du travail, 2009, 327 pages, 24, -€. Figure du Parti communiste et de la CGT de Loire Atlantique et des Métaux, l’auteur raconte son engagement avec une grande authenticité. Les liens qui attachent la CGT aux consignes du PCF apparaissent avec force. Les coups bas et la mise à l’écart par l’appareil stalinien de l’un des siens est décrit avec tout le cœur de l’intéressé, qui n’a pas perdu pour autant sa fougue révolutionnaire.
Histoire de la CGT-FO et de son union départementale de Paris, par Gérard da Silva, L’Harmattan, 2009, 700 pages, 33,- €. Rédigé par un militant de l’UD Force ouvrière de Paris, ce gros travail trace l’histoire de l’organisation, en remontant à 1895.
La CFDT (1968-1995), de l’autogestion au syndicalisme de proposition, par Nicolas Defaud, Les Presses de Sciences Po, 2009, 362 pages, 35,- €. A quelques mois du congrès de la CFDT, ce travail solide permet de situer les choix à venir à la lumière de la longue évolution intellectuelle de la CFDT, qui l’a conduite d’un syndicalisme radical et de rupture à une pratique d’accompagnement des réformes.
Mouvement ouvrier et formation, genèses : de la fin du XIXe siècle à l’après seconde guerre mondiale, collectif, L’Harmattan, 2009, 154 pages, 14,50 €. Sept auteurs étudient les liens entre formation et mouvement ouvrier : formation professionnelle, universités populaires, centres de formation syndicale.
2- Organisations patronales
Les ouvrages publiés sur le patronat ne brillent pas toujours par leur qualité. Ils reprennent souvent les analyses et les erreurs publiées dans les années 1970 et 1980, par les maisons d’édition communistes et gauchistes, sans les passer au crible de la critique.
C’est très clairement le cas de l’Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours, collectif, La Découverte, 2009, 720 pages, 25, - €, rempli de sottises, quoique considéré par l’Humanité Dimanche (5 novembre 2009) comme un « ouvrage dense et riche ».
Le livre Enquête sur le patronat - Dans les coulisses du scandale MEDEF-UIMM, par Guillaume Delacroix, Plon, 2009, 358 pages, 21,90 € n’échappe pas au défaut de reproduire, sans les vérifier, les assertions des ouvrages anciens en question, ni à celui de dresser des portraits à charge. Il constitue une lecture partiale, mais par ailleurs intéressante parce que travaillée, des jeux et des logiques de pouvoir dans le monde patronal.
La Sociologie des organisations patronales, par Michel Offerlé, La Découverte, Repères, 2009, 124 pages, 9,50 € n’échappe pas non plus à la remarque. L’auteur est un universitaire à la fois austère et nourri d’un a priori sur « l’action collective des dominants ».
En regard, l’étude historique Des commerçants à la conquête de la république, par Jean Loup Vivier (pas de lien de parenté avec l’auteur de ces lignes), L’Harmattan, 2009, 162 pages, 15,50 € présente un intérêt certain. Elle décrit comment un homme politique très lié aux milieux d’affaires et financé par eux, soutenait de ses deniers les partis politiques de gauche, à travers son Comité, entre 1899 et 1926.
Entendu en 1925 par une commission d’enquête parlementaire sur ses méthodes, Alfred Mascuraud affirme que son comité n’a qu’une ambition : faire triompher les candidatures républicaines et barrer la route au péril communiste. Il indique, au sujet des sommes d’argent versées : « Les élections finies, il ne reste plus aucune trace de ce que nous avons fait ».
3- Droit syndical, données chiffrées
France, portrait social 2009, INSEE, 2009, 320 pages, 16,5€. Un grand classique, un travail de haute valeur documentaire.
La France du travail, données, analyses, débats, IRES, Les Editions de l’Atelier, 2009, 226 pages, 19, - €. Ce travail collectif d’économistes rattachés à l’IRES, que dirigent les organisations syndicales, pose un regard critique sur les entreprises et sur l’économie libérale.
Les relations sociales en entreprise, par Patrice Laroche, Dunod, 2009, 154 pages. Bon ouvrage, simple et bref, de lecture accessible à tous pour connaître le fonctionnement des relations sociales en entreprise.
Droit du travail, par Alain Coeuret, Bernard Gauriau et Michel Miné, Sirey, 2009, 751 pages, 36,- €. La deuxième édition de ce manuel de droit du travail se distingue par sa clarté.
La négociation collective après la loi du 20 août 2008, par Gilles Bélier et Henri-José Legrand, Editions Liaisons, 2009, 28,- €.
4- Questions d’actualité
L’année 2009 aura été, avec ses expressions diverses de l’inquiétude sociale, l’amorce d’une réflexion sur les mutations profondes de l’économie et de la société.
La peur du déclassement, par Eric Maurin, Le Seuil, 2009, 94 pages, 10,50 €. Solide analyse qui souligne l’inquiétude du déclassement qui bride la société française.
La montée des incertitudes. Travail, protections, statut de l’individu, par Robert Castel, Le Seuil, 2009, 463 pages, 23,- €. Autre ouvrage, sur le même thème, de la crise du social.
Les réformes ratées du président Sarkozy, par Pierre Cahuc et André Zylberberg, Flammarion, 2009, 244 pages, 18, - €. Deux économistes dressent un tableau sévère des premières mesures du gouvernement. Il s’agit moins d’une critique des mesures elles-mêmes que des méthodes mises en œuvre
10 propositions pour sortir de la crise, par Nasser Mansouri et Jean-Christophe Le Duigou, Editions de l’Atelier, 2009, 158 pages, 14,- €. Deux responsables CGT structurent la réflexion de leur organisation sur la sortie de crise.
Le petit livre du développement durable, par Xavier de Bayser, L’Archipel, 2009, 120 pages, 4,95 €. Les mots à connaître pour changer la planète
Perte d’emploi, perte de soi, par Danièle Linhart, ERES, 2009, 216 pages, 12,-€. La réédition en format poche d’un ouvrage paru en 2002, qui donne une lecture très critique des raisons et des conséquences d’une fermeture d’usine.
Encyclique L’amour dans la vérité, par Benoit XVI, Lethielleux, Parole et silence, 2009, 224 pages, 6,- €. Le pape Benoit XVI pose les éléments actualisés de la réflexion de l’église catholique sur la mondialisation.
L’Eglise, une autre idée de la mondialisation, par Marie Lafourcade, Editions L’Oeuvre, 237 pages, 20,- €. Le regard d’une journaliste de l’information économique sur la place et l’action de l’Eglise dans le débat actuel sur la mondialisation.
5- Histoire sociale
1830, le peuple de Paris - Révolution et représentations sociales, par Nathalie Jakobowicz, PUR, 2009, 368 pages, 20,- €.
Les canuts ou la démocratie turbulente - Lyon 1831 - 1834, par Ludovic Frobert, Tallandier, 2009, 224 pages, 25, - €.
Face au monstre mécanique, une histoire des résistances à la technique, par François Jarrige, Les Radicaux libres, 2009, 172 pages, 15,- €.
Dynamite club, l’invention du terrorisme à Paris, par John Merriman, Tallandier, 2009, 256 pages, 20,- €.
Voyage au bout de la révolution, de Pékin à Sochaux, par Claire Brière-Blanchet, Fayard, 2009, 282 pages, 19,- €.
Engels, le gentleman révolutionnaire, par Tristan Hunt, Flammarion, 2009, 592 pages, 28,- euros.
Jaurès, La Dépêche, l’intégrale des articles de 1887 à 1914, Ed. Privat, 932 pages, 49,- €.
L’antisémitisme à gauche, histoire d’un paradoxe, de 1830 à nos jours, par Michel Dreyfus, La Découverte, 2009, 346 pages, 23,- €.
De Gaulle, une ambition sociale foudroyée, par Laurent Lasne, Le Tiers Livre, 2009, 207 pages, 16,- €.
La Sécurité sociale à ses débuts : aux sources du conflit social, par Gilles Dal, L’Harmattan, 20009, 300 pages, 24,50 €.
Histoire des colonies de vacances de 1880 à nos jours, par Laura Lee Dawns, Perrin, 2009, 436 pages, 23,- €.
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