La Fédération Syndicale Mondiale, mouvement syndical d'obédience communiste depuis 1945, a célébré cette année son soixante-cinquième anniversaire. Elle a tenu son 16ème congrès à Athènes, du 6 au 19 avril 2011. Orpheline de l'URSS, la FSM était en survie depuis l'effondrement du bloc soviétique. Après plusieurs années de coma, elle a tenté de se relancer lors du congrès de La Havane en 2005. Le congrès d'Athènes de 2011 a dressé son bilan de santé : la tête continue d'avoir une activité, le c?ur bat, mais les membres sont totalement atrophiés et l'activité motrice tient du simple réflexe.
Selon la doctrine léniniste, le mouvement ouvrier doit se placer sous la conduite du parti, « avant-garde éclairée du prolétariat ». Dans ses « 21 propositions », la IIIème Internationale enjoignait les syndicats à se placer sous la direction des partis communistes. En France, les militants communistes de la CGT suivirent cette consigne. Ils quittèrent la confédération en 1921 pour créer la CGTU, qui adhéra à l’Internationale Syndicale Rouge (ISR). Dans le prolongement du Pacte d’amitié germano-soviétique, l’ISR fut dissoute en 1937. C’est après la victoire alliée qu’une nouvelle internationale syndicale fut recréée. Au cours de son congrès constitutif à Paris, du 3 au 8 octobre 1945, trois tendances s’affrontèrent : les prosoviétiques, les anti-communistes, et les centristes. Le refus de la Confédération Internationale des Syndicats Chrétiens (CISC) de s’affilier à la nouvelle Fédération Syndicale Mondiale (FSM) donna les mains libres à la tendance procommuniste. Le cégétiste Louis Saillant devint le premier secrétaire général. Il reçut le Prix Lénine de la Paix en 1958...
La volonté d’indépendance politique au sein du mouvement syndical conduisit les Secrétariats professionnels internationaux, qui réunissent les fédérations d’un même métier à l’échelon mondial, à ne pas intégrer la FSM. En 1947, le lancement du Plan Marshall combattu par le bloc soviétique provoqua la sortie des syndicats britanniques, néerlandais et américains de la FSM. En décembre 1949, ils fondèrent la Confédération Internationale des Syndicats Libres (CISL), auquel adhéra aussitôt la CGT-FO. En 1951, le gouvernement français expulsa la FSM de son siège parisien, qui s’installa à Prague. Elle adopta alors pour ligne de conduite la stratégie soviétique. Le secrétaire général de la CGT Henri Krasucki en fut un de ses derniers dirigeants français. En effet, en 1995, quatre ans après l’effondrement de l’URSS, la CGT décida de quitter la FSM. Elle n’a repris contact avec le syndicalisme international qu’en 1999 en adhérant à la Confédération Européenne des Syndicats (CES), puis en rejoignant en 2006 la toute nouvelle Confédération Syndicale Internationale (CSI), issue de la fusion de la CISL et de l’ex CISC (devenue CMT en 1968). 1995 fut aussi l’année ou la FSM fut de nouveau expulsée de son siège. Elle quitta Prague pour Athènes, après avoir tenu son dernier congrès à Damas en 1994. Un long déclin s’en suivit, jusqu’au congrès de La Havane en 2005, où une tentative de renouveau fut impulsée par la nouvelle équipe dirigeante : le Syrien Mohamad Shaban Assouz, président, et le Grec Georges Mavrikos, secrétaire général.
Georges Mavrikos, secrétaire général
La FSM aujourd’hui
La FSM revendique aujourd’hui 200 syndicats affiliés dans 110 pays, avec 72 millions d’adhérents, un chiffre qui paraît largement surestimé, malgré l’affiliation récente d’un syndicat indien de... 5,5 millions de membres. Aucune liste des organisations membres n’est publiée. La FSM est organisée en cinq bureaux régionaux : Asie-Pacifique, Afrique, Europe, Amérique latine et Moyen-Orient, et tente de s’implanter en Amérique du Nord et de se développer en Afrique. Elle a également recréé des Unions Syndicales Internationales dans neuf secteurs professionnels, dont la construction, la métallurgie, les transports, l’agroalimentaire ou les services publics. Elle entretient des relations avec l’Organisation syndicale africaine OATUL, la fédération des syndicats chinois ACFTU et celle des syndicats arabes ICATU.
En France, seule une branche de la CGT a maintenu son adhésion à la FSM : la Fédération nationale agricole et forestière (FNAF CGT), dont le président Freddy Huck a exercé des fonctions dirigeantes à la FSM. Le SNESup-FSU a adhéré à la FSM jusqu’en 2007, puis s’est rallié à la décision de la FSU de rejoindre la CSI. Cependant, les fractions minoritaires de la CGT : Continuer la CGT et Front Syndical de Classe, ont envoyé des délégués au 16ème congrès de la FSM, ainsi que la Fédération Nationale des Industries Chimique de la CGT, qui en a rendu compte dans sa publication « Le Militant » du 13 mai 2011. Egalement présents au congrès, des salariés du syndicat CGTE-Dalkia ont rendu publique l’adhésion de leur syndicat à la FSM (il s’agit d’une dissidence de la CGT datant de 2004). En outre, quelques syndicats guadeloupéens, martiniquais et guyanais sont toujours membres de la FSM.
Détruire le capitalisme
Le congrès d’Athènes a réuni 598 représentants et 213 observateurs de 98 pays, qui ont débattu des 1850 propositions envoyées par les syndicats membres. 115 interventions, dont 3 de délégués français, ont traité de la crise mondiale du capitalisme, des reculs sociaux généralisés et des guerres impérialistes en Irak, en Afghanistan ou en Lybie. Le président cubain Raoul Castro a envoyé un message au congrès et le secrétaire général du parti communiste grec a donné une réception aux délégués. Ces derniers ont enfin élu un nouveau Conseil présidentiel de 40 membres.
C’est avec des propos forts que le congrès s’est ouvert : « Pour faire avancer le mouvement syndical, au nom de la classe ouvrière, il faudra nécessairement détruire le capitalisme » a déclaré Georges Mavrikos le 6 avril. Il s’est conclu de la même manière, par l’adoption des résolutions contenues dans le « Pacte d’Athènes » : « Politisation de la lutte syndicale en vue de changer la corrélation des forces, avec la perspective d’abolir l’esclavage des monopoles et de l’impérialisme ; (ouverture d’un) front décisif face au réformisme aux quatre coins du monde... ». Comme le formulait avec conviction un délégué du syndicat CGTE-Dalkia à la tribune du congrès : « Croire ou faire croire que le syndicat doit rester en dehors de la bataille pour le pouvoir ouvrier, c’est inévitablement lui assigner un rôle d’accompagnement dans la longue descente aux enfers de l’appauvrissement généralisé et de la guerre impérialiste, où le capitalisme en crise nous entraîne... Vive le syndicalisme de classe et de masse, Vive le 16ème congrès de la FSM ! »
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