Le 46ème congrès confédéral de la CFDT (12 au 12 juin 2006 à Grenoble) a permis d'actualiser les orientations de la confédération pour les quatre années à venir. Il a été aussi l'occasion de renouveler l'équipe dirigeante. François Chérèque dispose désormais d'une équipe façonnée à sa main. La période Notat est achevée.
Comme tous les congrès syndicaux, de quelque niveau où ils se situent (syndicats de base, fédérations, unions départementales, confédération), le 46ème congrès de la CFDT n’a pas échappé aux règles et à la tradition. On y a beaucoup parlé (quelque 90 intervenants sur le rapport d’activité) et aussi voté.
Les votes concernaient à la fois les réflexions collectives et les équipes dirigeantes.
Le rapport d’activité a été adopté à 73,50 %. Il est à noter que le quitus sur le rapport financier est intégré au vote sur le rapport d’activité. Le vote s’est déroulé le 14 juin.
La résolution, quant à elle, a été votée le dernier jour, le 16 juin, à plus de 84 %.
Les votes sur les équipes dirigeantes ont eu lieu le 15 juin. Outre la Commission de suivi de la charte financière et informatique, dont la mission est essentiellement technique, il convenait d’élire le Bureau national et la Commission exécutive.
La démocratie close des syndicats
Si l’on observe de façon superficielle le fonctionnement des organisations syndicales, on pourrait être tenté de croire que les mécanismes démocratiques fonctionnent bien et que les équipes dirigeantes sont directement élues par les syndicats de base à l’occasion de leur congrès confédéral.
Pour la CFDT, les apparences sont là. Les 1868 délégués réunis au congrès de Grenoble représentaient environ 1350 syndicats et étaient porteurs de 27091 mandats. Les congrès CFDT ont aujourd’hui lieu tous les quatre ans. C’est donc pour les quatre prochaines années - jusqu’en 2010 - que le congrès a élu le Bureau national, lequel a choisi en son sein la Commission exécutive, animée par le secrétaire général.
Le mode de désignation de l’exécutif confédéral (Bureau national et Commission exécutive) n’a pourtant pas été celui de l’élection directe par les syndicats de base réunis pour la circonstance en congrès.
Dans son livre« Le pouvoir syndical »(Dunod, 1983), Gérard Adam observait, dans un chapitre intitulé« La démocratie close des organisations syndicales », la méfiance des syndicats à l’égard de la forme la plus traditionnelle de la démocratie politique : l’élection au suffrage universel. Il posait la question :« Cette défiance n’a-t-elle pas pour racine la tendance permanente à la croissance de la bureaucratie ? ». Depuis les observations de Gérard Adam, de nombreux travaux sont venus apporter une réponse à cette question : réponse fort malheureusement positive. C’est le résultat de ce qu’il est convenu d’appeler « l’institutionnalisation du syndicalisme ».
En 1983, Gérard Adam notait encore :« Aucune organisation ouvrière n’a jusqu’à présent abordé de front le problème de la technocratie syndicale, c’est-à-dire des permanents ou des experts ne disposant d’aucun mandat électif ».
En 2006, la problématique n’a fait que s’amplifier, toutes confédérations confondues. Cette difficulté du mouvement syndical à conserver sa dynamique de « mouvement », sa tendance à accentuer un mode de fonctionnement bureaucratique contribuent à la déconnection croissante entre équipes de bases, toujours très vivantes parce que en contact avec les réalités mouvantes des entreprises, et les appareils nationaux. Ce phénomène explique en partie le succès de la démarche du syndicalisme SUD, qui exprime un rejet des appareils (exemple : les syndicats SUD ne forment pas, au niveau national, une confédération). Il explique aussi en partie le développement de l’UNSA, qui laisse une grande, très grande liberté d’action à ses syndicats, au risque de ressembler davantage à une juxtaposition de syndicats catégoriels qu’à une confédération cohérente et ordonnée.
La démocratie syndicale a sa logique
Il convient cependant de tempérer fortement les propos qui précèdent.
En effet, la démocratie syndicale ne peut pas rigoureusement être comparée à la démocratie politique. Les finalités ne sont pas les mêmes et les modes de fonctionnement peuvent être différents.
Dans son ouvrage, Gérard Adam l’affirme à son tour :« Le système politique est de type individualiste. La démocratie dont se réclame le syndicalisme est dite « de masse » (...). La citoyenneté syndicale s’exprime à travers le syndicat et non directement ».
Autrement dit : les confédérations sont moins le rassemblement d’individus que de groupements professionnels représentant chacun un ensemble d’intérêts collectifs. C’est pour cette raison que, fort logiquement, les structures confédérées disposent d’une réelle autonomie par rapport à la confédération. C’est ce que l’on appelle, en langage syndical,le fédéralisme. C’est aussi pourquoi, dans toutes les confédérations, les directions confédérales ne sont pas directement élues par les syndicats de base sans que les confédérations et les structures territoriales n’aient régulé le processus.
A la CFDT, la Commission exécutive est bien l’instance de direction quotidienne de la confédération. Composée de 12 membres au maximum, son effectif a été cette année fixé à 9.
La Commission exécutive est élue par le Bureau national (38 membres).
En fait, les candidatures au Bureau national ne sont pas le fait direct des syndicats de base. Ceux-ci, réunis en congrès confédéral, ont à élire des candidats présentés dans 4 catégories distinctes :
1ère catégorie : les candidats présentés par les fédérations 2ème catégorie : les candidats présentés par les unions régionales 3ème catégorie : les candidats présentés par le Bureau national sortant 4ème catégorie : les candidats présentés par l’Union des cadres
Plusieurs filtres
Pour être candidat au Bureau national, il faut être présenté par une fédération, par une union régionale, par le Bureau sortant ou par l’Union des cadres. Un premier « filtre », très sérieux, est donc opéré.
Un deuxième filtre a lieu au moment du vote par le Congrès confédéral. Chaque catégorie de candidats dispose d’un nombre défini de sièges dans le futur Bureau national : 14 pour les fédérations, 14 pour les unions régionales, 12 maximum pour le Bureau sortant, 1 pour les cadres.
Cette pratique de quotas débouche sur un troisième filtre. Si chaque catégorie peut présenter autant de candidats qu’elle veut, chacun sait que le quota de postes à pourvoir pour chaque catégorie ne change pas. Et le Conseil national (réunion des représentants des unions régionales et des fédérations) établit un classement préférentiel des candidats de chaque catégorie. C’est ce qui s’est passé, un mois avant le congrès confédéral, à l’occasion du Conseil national des 17 et 18 mai 2006.
Conséquence : le jour de l’ouverture du congrès, les candidats mal placés dans le classement préférentiel du Conseil national avaient presque tous retiré leur candidature.
Dans la 1ère catégorie, il y avait 14 candidats pour 14 postes à pourvoir, au lieu de 15 candidats un mois avant. Dans les 3ème et 4ème catégories, le nombre de candidats et de postes à pourvoir était également identique. Dans la 2ème catégorie (unions régionales), 17 candidats s’étaient déclarés en mai. 15 seulement ont maintenu leur candidature, pour 14 postes à pourvoir. Et le congrès confédéral a précisément écarté le candidat qui avait été mal élu par le Conseil national, dont le vote préférentiel apparaît, en effet, très ... préférentiel.
Un quatrième filtre permet de préparer avec plus de sécurité encore l’élection de la Commission exécutive. Les candidats de la 3ème catégorie (présentés par le Bureau national sortant) sont appelés à devenir les membres de la nouvelle Commission exécutive.
Ainsi, l’exécutif de la CFDT est connu de tous avant que le congrès ne s’ouvre : c’est l’équipe des candidats de la 3ème catégorie.
Dès lors, le seul « suspense » du congrès est de savoir le score de chacun des candidats, dans une équipe assurée d’être mise en place.
Au 46ème congrès, le score s’est montré confortable pour tous, allant de 81,11 % des voix pour Jacky Bontems (secrétaire chargé de l’organisation, c’est-à-dire le « ministre de l’Intérieur » de la CFDT) à 95,18 % des voix pour Anousheh Karvar, nouvelle candidate.
La nouvelle Commission exécutive
Entre deux congrès confédéraux, la Commission exécutive peut elle-même être modifiée. C’est ce qui est observé très fréquemment. Le 18 octobre 2001, quelques mois seulement avant le congrès confédéral de mai 2002, un communiqué de presse indiquait que« le Bureau national a élu par 31 voix sur 31, François Chérèque à la Commission exécutive ». Le communiqué ajoutait :« Cette élection s’inscrit dans la perspective de sa candidature à la fonction de secrétaire général de la CFDT ».
C’est ainsi que, par un simple communiqué, les militants apprenaient le nom du successeur de Nicole Notat, laquelle avait annoncé en septembre 2001 son prochain départ.
Plus récemment, en septembre 2004, deux membres de la Commission exécutive quittaient cette instance : Jean-François Trogrlic (membre depuis 1985) et Michel Jalmain (membre depuis 1995).
Deux nouveaux membres ont fait leur entrée entre les deux congrès : Marcel Grignard (Métaux) et Alexis Guenego (Interco), en juin 2005.
A l’ouverture du 46ème congrès, la Commission exécutive avait donc connu, depuis le précédent congrès, deux départs et deux arrivées.
A l’occasion de ce 46ème congrès, 4 départs et 3 arrivées ont été constatés. Sont donc partis : Jean-Marie Toulisse, Odile Beillouin, Yvonne Delemotte et Rémi Jouan. Les trois entrants sont : Anousheh Karvar (CFDT Cadres), Laurence Laigo (une permanente confédérale venue de l’UNSA) et Jean-Louis Malys (Lorraine). Cette modification avait été préparée par un Bureau national extraordinaire, le 16 février dernier.
La commission exécutive, passée de 10 à 9 membres, a donc été soigneusement et profondément renouvelée. Aujourd’hui, outre François Chérèque, 2 membres seulement (Annie Thomas et Jacky Bontems) ont siégé du temps de Nicole Notat, dont le départ n’est somme toute pas très ancien (mai 2002).
C’est une équipe désormais façonnée à sa main dont dispose François Chérèque. La page Notat est bel et bien tournée.
Annexes
1. Le Bureau national élu au 46ème congrès
Inscrits : 27091 Votants : 26731 Exprimés : 26602 Nuls : 129
2. La Commission exécutive et la répartition des fonctions
Le Bureau national a élu comme :
Secrétaire général : François CHEREQUE Secrétaire général adjoint : Jacky BONTEMS Trésorier : Gaby BONNAND
Le Bureau national a également adopté les fonctions de chaque secrétaire national :
Gaby BONNAND Responsable de la politique économique et de l’épargne salariale. Coordination des politiques de protection sociale (y compris Assurance-chômage). Responsable de la politique de santé et de la famille.
Jacky BONTEMS Responsable de la politique en direction des petites entreprises. Responsable de la politique en matière de vacances - loisirs - tourisme. Responsable de la politique de consommation. Responsable de la politique du cadre de vie et du logement.
François CHEREQUE Responsable de la politique générale. Responsable du fonctionnement des instances. Responsable de la représentation CFDT. Responsable de la politique d’information des responsables CFDT.
Marcel GRIGNARD Responsable de la coordination de la politique d’action revendicative et évolution des règles du dialogue social. Responsable de la politique européenne. Responsable de la politique du développement durable, des politiques industrielles, de la recherche, et de la coordination en matière de RSE. Responsable de la politique en direction des IRP.
Alexis GUENEGO Responsable de la politique de développement et pratiques syndicales (dont le travail en questions). Responsable de la politique de formation syndicale. Responsable de la politique en direction des jeunes.
Anousheh KARVAR Responsable de la politique internationale, des DOM-TOM, de l’Institut Belleville. Responsable des titres CFDT. Responsable de la coordination au CES. Responsable des relations avec le monde associatif Responsable des relations avec les intellectuels Responsable de la réforme et des évolutions de l’Etat.
Laurence LAIGO Responsable de la politique des garanties collectives, salaire, contrat de travail privé et public. Responsable de la politique en direction des femmes. Responsable des relations extérieures.
Jean-Louis MALYS Responsable de la politique organisationnelle. Responsable de la politique de communication. Responsable de la politique sur les retraites. Responsable santé au travail, conditions de travail, handicapés. Responsable de la politique de l’immigration et de la lutte contre le racisme.
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