Le MEDEF à la recherche des temps nouveaux
- Bernard Vivier
- 11 sept. 2009
- 5 min de lecture
Du 2 au 4 septembre dernier, plus de 5000 personnes ont participé à la 11ème université d'été du MEDEF. Une réflexion de haute qualité y a été développée. Le MEDEF doit pourtant, dans la nécessité de préparer la sortie de crise, passer de la réflexion à la proposition construite. Un patronat sans doctrine donnerait prise à la critique de laisser se développer un capitalisme sans règle et sans projet.
L’université d’été du MEDEF, la onzième du genre, avait cette année pour intitulé « A la recherche des temps nouveaux ».
Préparer la sortie de crise, réfléchir à la nouvelle organisation de l’économie et des régulations financières, échanger avec différents penseurs et acteurs de la société civile sur les grandes évolutions du monde, débattre des équilibres futurs de la vie sociale : les quelque 5000 participants ont ressenti, une fois de plus, la qualité des travaux et la volonté prospective du MEDEF.
La personnalité de Laurence Parisot, que sa profession a rendue sensible aux évolutions de l’opinion et aux mouvements de la société, y est pour beaucoup. Mais pas seulement.
Bousculé depuis deux ans par les querelles internes et l’affaire UIMM, le mouvement patronal a besoin de retrouver son unité. Il ressent surtout le devoir de travailler son programme, dans un contexte de crise et dans la perspective de l’après-crise.
- L’unité reste à consolider -
L’unité du mouvement patronal reste à consolider. Les relations entre l’UIMM et le MEDEF, les stratégies et positionnements de la CGPME vis-à-vis du MEDEF, ceux de l’UPA aussi, sans parler du sujet délicat et un peu tabou du patronat de l’économie sociale (sur fond de réflexion grandissante concernant la représentativité patronale) sont autant de thèmes d’actualité délicats à aborder. Mais, comparée au séisme de l’affaire UIMM déclenchée en septembre 2007, la situation s’est nettement améliorée.
L’approche du renouvellement du mandat de Laurence Parisot à la présidence du MEDEF (élue en 2005 pour un mandat de cinq ans, elle peut prétendre à un second mandat d’une durée fixée par les statuts à trois ans) se fait aujourd’hui dans une certaine sérénité, même si la présidente sortante aura à gérer une concurrence pour le poste.

L’enjeu de la période actuelle n’est pas pour le MEDEF d’ordre institutionnel ou organisationnel. Il est essentiellement d’ordre doctrinal.
- Besoin de doctrine -
Depuis la transformation du CNPF en MEDEF en 1998 et le vaste processus de refondation sociale avec les syndicats, processus qui a pris fin en 2001, la réflexion doctrinale du MEDEF ne s’est pas exprimée de façon forte et actualisée. Sur de nombreux sujets, le MEDEF et, avec lui, le monde patronal, apparaissent en deçà de l’expression publique qu’on attend d’eux.
Le dossier de la rémunération des dirigeants d’entreprise en est une illustration. Le MEDEF ne souhaite pas voir le gouvernement prendre des dispositions législatives, estimant qu’il s’agit là d’une question qui relève de la sphère privée de la vie économique et non pas de l’autorité de l’Etat. Mais, dans le même temps, le MEDEF rejette l’incitation à produire des règles qui pourraient le faire déraper en une sorte d’ordre professionnel. Un rapport, co-produit avec l’AFEP, énonce des orientations sans pour autant fournir des réponses complètes et une prise de position tranchée.
Le sur-place sur ce sujet est aussi observé dans plusieurs autres domaines.
- Risques de sur-place -
Certes, le MEDEF peut se prévaloir de quelques belles avancées, comme celle concernant la fiscalité des entreprises. La réforme de la taxe professionnelle obtenue du gouvernement est un encouragement politique autant que fiscal à l’activité économique et à la relance par l’investissement et par le soutien aux entreprises. Ce succès est cependant terni par les débats sur la taxe carbone qui provoquent, en sens inverse, inquiétude et déception, en donnant le sentiment que les entreprises vont sortir d’une poche les impôts qui ne sortiront plus de l’autre.
Dans le vaste débat sur la crise et l’après-crise, le MEDEF en est toujours au stade de la recherche, aussi brillante soit-elle comme le montrent ses universités d’été.
Ce sont les dirigeants politiques plus que les leaders patronaux qui sont à l’initiative. Le MEDEF voit surgir l’exigence d’affirmer une doctrine active, susceptible d’ordonner les logiques économiques et sociales françaises aux nouvelles donnes de l’économie mondiale. Objectif : donner une réponse aux risques d’un capitalisme sans projet, indiquer combien le libéralisme est toujours synonyme de liberté économique et non pas de dérégulation ou de désordre injuste, convaincre de l’importance d’une performance économique qui sait contenir les dérèglements financiers, montrer que le progrès économique et le progrès social sont intimement liés.
- Donner une réponse aux risques d’un capitalisme sans projet -
La question des rémunérations des dirigeants n’est pas la seule :
une politique industrielle est-elle envisageable en France, dans le contexte mondial des délocalisations ?
la quasi-faillite de nos systèmes de protection sociale (chômage, retraites, etc...) n’a-t-elle comme seule réponse que le recours à l’assurance individuelle ?
la montée des exigences des actionnaires laisse-t-elle aux managers et aux dirigeants une capacité suffisante pour définir la stratégie des entreprises ?
comment renforcer la confiance des salariés dans leur entreprise (cadres compris) alors que les choix de développement industriel se trouvent contraints par des stratégies financières à plus court terme ?
comment faire évoluer la négociation collective, pour donner souplesse aux règles sociales en entreprise tout en garantissant les grands dispositifs collectifs dans les branches et au niveau national ?
comment structurer la régulation sociale européenne, tant sur le plan sectoriel que dans les territoires ?

Laurence Parisot à l’université d’été du MEDEF, septembre 2009
Sur ces questions et sur de nombreuses autres, le travail d’explication et d’affirmation du MEDEF est grand. Il demande une coordination renouvelée et une répartition des rôles entre le MEDEF et les autres systèmes de représentation des entreprises : CCI, UPA, CGPME, AFEP, etc.
- Initiative avec les syndicats -
La voix des dirigeants patronaux, bien timide encore en termes d’économie politique, s’est pareillement réduite dans le domaine des relations sociales. Les propos tonitruants de Ernest-Antoine Seillière au tournant des années 2000 et les remises en cause provocatrices de Denis Kessler au moment de la refondation sociale appartiennent au passé, tandis que l’UIMM, gestionnaire solide de toujours de la politique sociale du patronat, n’a pas encore reconfiguré sa réflexion et son influence.
Conséquence : un manque d’initiative, voire une posture défensive en direction des syndicats, qui contraste aujourd’hui avec la volonté d’ouverture et de réflexion partagée qui caractérisait le début du mandat de Laurence Parisot en 2005.
La « position commune » sur la représentativité du 9 avril 2008 a perturbé le dispositif syndical. Elle a créé un appel d’air positif : c’est une invitation claire lancée à la CGT pour évoluer vers le réformisme, à l’image du comportement du CNPF dans les années 1980 et 1990 en direction de la CFDT, encouragée à accentuer son « recentrage ». Elle a aussi créé une zone de dépression en déstabilisant Force ouvrière, la CFTC et la CFE-CGC, désormais plongées dans l’incertitude quant aux conséquences d’une décision vécue comme un renversement d’alliance radical.
La préparation de l’après-crise passe par la construction d’un ensemble doctrinal actualisé et complet ainsi que par la stabilisation des relations avec les interlocuteurs syndicaux. Le MEDEF, tout en gardant le sens de l’événement, est invité à travailler en profondeur.
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