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  • Photo du rédacteurBernard Vivier

Le premier tour de l'élection présidentielle : quel impact social et syndical ?

L'élimination de Lionel Jospin au profit de Jean-Marie Le Pen pour affronter Jacques Chirac au second tour de l'élection présidentielle a été présentée comme un " séisme " politique. Les ondes de choc sur le plan social et syndical ne sont pas moindres.


" Quel que soit le candidat et le camp qui l’emportera après les élections présidentielles et législatives, il n’y aura pas d’état de grâce " écrivions-nous dans notre chronique du 15 avril dernier.


Les résultats du scrutin du 21 avril ne changent pas le pronostic, même s’ils en modifient sensiblement le contenu.


En effet, le premier tour de l’élection présidentielle, évènement politique majeur, éclaire d’un jour nouveau les évolutions du paysage syndical et du climat social à venir.


Sur ce plan, deux grandes questions sont à tirer de ce scrutin :


1. Quelles conséquences, pour la CGT, de la chute du PCF ?


Le candidat du PCF, Robert Hue, avec 960.757 voix (France entière) passe en dessous du seuil de 1 million de voix. Comparés aux 15,48 % de Georges Marchais en 1981, les 3,37 % de suffrages exprimés pour Robert Hue en 2002 donnent l’image d’un parti électorablement marginalisé.


Pire : la montée en puissance des trois candidats trotskystes, qui totalisent trois fois plus de suffrages que lui, renvoie Robert Hue loin en arrière dans les futurs cortèges de la contestation.


Cet effondrement du PCF n’est pas une nouveauté. Politiquement contesté par les militants de mai 1968, électorablement contenu par le Parti socialiste depuis 1981 (François Mitterand mais aussi Lionel Jospin et sa politique de " majorité plurielle "), idéologiquement ébranlé par la chute de l’Union soviétique en 1991, matériellement affaibli par la perte de bastions municipaux, le PCF est aujourd’hui en voie de régression historique.


Mais l’étape de ce scrutin présidentiel est une donnée supplémentaire. Les conséquences sur la ligne de conduite de la CGT, que ce parti a contrôlé depuis 1947, ne sont pas achevées.


Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, ne " tient plus " son organisation comme naguère le faisaient ses prédécesseurs. La rencontre du 17 juillet 2001 entre PCF et CGT visait à marquer un début de prise de distance du syndicat par rapport au parti (voir notre chronique du 20 septembre 2001). Cette prise de position fut désavouée par de nombreux militants CGT, 500 d’entre eux allant même jusqu’à voter, " à titre individuel ", un soutien ouvert à Robert Hue, publié avec les signatures dans L’Humanité du 16 avril dernier.


Tout récemment encore, le 14 mars dernier, le candidat communiste avait été interpellé par des militants CGT, au cours d’un défilé, et pris à partie à cause de la participation du PCF au gouvernement. Alors même que d’autres militants CGT l’avaient accueilli chaleureusement dans ce défilé qu’ils organisaient.


La maison CGT n’est donc plus fermement conduite et des lectures divergentes sur la conduite à tenir pour l’avenir s’amplifient dans l’organisation. Elles vont se concrétiser sur des thèmes aussi variés que les relations avec le PCF (bien évidemment), l’Europe, l’épargne salariale, les relations avec la FSU ou avec les différents mouvements sociaux émergents.


Cet affaiblissement de l’autorité du secrétaire général sur son organisation va se trouver accentué par la montée d’un autre phénomène : les militants trotskystes, au détriment des militants du PCF, occupent une place grandissante dans les syndicats et les sections syndicales d’entreprise CGT.


On pense ici tout particulièrement aux militants de Lutte ouvrière. Ce qui signifie que les positions " évolutives " de Bernard Thibault vont se trouver contestées par une fraction grandissante de ses militants. L’évolution de la CGT vers un début de resyndicalisation n’est pas assurée. Au sein de la CGT, les démangeaisons révolutionnaires peuvent se développer, en se légitimant tout à la fois sur le passé ancien de la CGT (les références à Monate ou à Pouget refleurissent chez certains militants) et sur la nécessité de coller au plus près des exigences actuelles de rupture d’avec la mondialisation libérale et l’Union européenne.


En conclusion, si Bernard Thibault apparaît perdant dans ces évolutions actuelles, la CGT, elle, n’est pas donnée perdante. Son sens de l’organisation, sa capacité de mobilisation, ses bastions électoraux ne se sont pas effondrés. L’effondrement politique du PCF n’aura pas de conséquence brutale pour la CGT.


2. Vers un " troisième tour social " ?


Au soir même du scrutin du 21 avril, Olivier Besancenot, candidat de la LCR, appelait à " un troisième tour social et une résistance populaire contre le fascisme et la politique patronale, rassemblant toutes les forces anti-capitalistes ", ajoutant que " l’espoir se situe à la gauche de la gauche plurielle ".


Si Lutte ouvrière et la LCR ne donnent pas de consigne de vote nette pour le second tour (c’est-à-dire pas d’appel à voter Chirac), elles invitent leurs militants à " participer largement à toutes les manifestations qui seraient organisées contre l’extrême droite ".


La démarche est claire : les forces trotskystes, qui ont désormais supplanté les forces du PCF sur le plan politique, entendent passer à une étape supérieure dans la rue et les entreprises. Les manifestations actuelles de jeunes et de lycéens, organisées de façon " spontanée " un peu partout en France avant le second tour de l’élection présidentielle, sont autant d’occasions pour les militants trotskystes de faire lever le ferment de l’agitation. Et par là, de se poser en véritable alternative politique.


L’approche du 1er mai et le souhait de rendre ce 1er mai un peu plus unitaire que par le passé, donne aux syndicats dans lesquels les militants trotskystes sont présents une occasion supplémentaire de s’activer.


Cela signifie que notre pays est appelé à connaître, sous couvert de lutte anti-Le Pen, un regain d’activisme trotskyste. Lequel ne s’arrêtera probablement pas au soir du second tour de l’élection présidentielle ni même à celui des élections législatives de juin. Assurément, il n’y aura pas d’état de grâce, pour le prochain gouvernement tout comme pour les entreprises.


Cette agitation sociale, structurée par les partis trotskystes, se trouvera puissamment valorisée sur les lieux de travail par les syndicats radicaux émergents depuis dix ans. La percée médiatique des syndicats SUD depuis 1995 et leur progression aux élections professionnelles d’entreprise ne sont pas achevées.


L’échéance des élections prud’homales du 11 décembre prochain va constituer un nouveau rendez-vous d’audience.


L’observation sociale va probablement devoir faire évoluer ses outils d’analyse et ses grilles de lecture. En effet, la substitution des forces marxistes léninistes staliniennes (type PCF) par les forces marxistes léninistes trotskystes (type LO, LCR, PT) va aussi faire évoluer les formes de l’action syndicale et de la revendication sociale.


A une action traditionnellement structurée par un appareil confédéral (" Montreuil, le........ " lisait-on sur les tracts d’entreprise distribués partout en France par la CGT), se substituent de plus en plus des initiatives non coordonnées, quoique convergentes dans leurs objectifs et souvent comparables dans les moyens et méthodes d’action. Emanant de sections ou de syndicats d’entreprise en autonomie de décision plus grande que par le passé (parce que ces syndicats se reconnaissent moins dans leur confédération de rattachement), des actions moins contrôlées et plus radicales peuvent se développer.


Tout comme les citoyens de notre pays ont exprimé une défiance à l’encontre des partis politiques traditionnels (qu’a illustré une abstention forte et qu’a confirmé la montée des partis extrêmes à droite et à gauche au premier tour de la présidentielle), les salariés des entreprises développent une indifférence croissante en direction des syndicats traditionnels. Le débat sur la représentativité syndicale ne sera pas tant celui d’un jeu de chaises musicales entre syndicats présentés comme déclinants (on parle de CFTC et CGC) et syndicats présentés comme émergents (SUD, UNSA, FSU), que celui d’une redéfinition en profondeur de la notion même de régulation sociale.



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