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Photo du rédacteurBernard Vivier

Le trompe-l'oeil de l'unité d'action

Le 7 octobre prochain, une nouvelle « journée d'action unitaire » est programmée. C'est la cinquième depuis le début de l'année. L'unité d'action syndicale, à laquelle il est de bon ton de croire, est, en réalité, un trompe-l'?il.


La loi du 20 août 2008 produit peu à peu ses effets dans les entreprises, où la représentativité des syndicats se trouve désormais définie par de nouvelles règles.


Sur cette toile de fond faite d’incertitudes électorales et de recomposition du paysage syndical, la démarche d’unité d’action affichée depuis le début de l’année par les organisations syndicales apparaît comme un trompe-l’œil de la réalité.

- Trois succès, un échec -

Cette unité d’action s’est manifestée par des rencontres régulières entre les dirigeants des huit principales organisations syndicales : CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC, UNSA, SUD, FSU. Elle a débouché, entre janvier et juin 2009, sur l’organisation, à travers tout le pays, de quatre journées de défilés et de manifestations : 29 janvier, 19 mars, 1er mai, 13 juin.


Ces journées ont été, pour les trois premières, un réel succès : 2 500 000 manifestants en janvier (1 000 000 selon la police), 3 000 000 en mars (1 200 000 selon la police), 1 200 000 en mai (475 000 selon la police).


La quatrième manifestation, en juin, a été, de l’aveu même des organisateurs, un échec : 150 000 manifestants revendiqués (71 000 selon la police).


Globalement pourtant, les rassemblements de ce premier semestre 2009 ont marqué par la mobilisation observée et par le maintien d’une démarche concertée entre les huit organisations.



Cette unité d’action correspondait à un double besoin :

  • montrer au gouvernement qu’en dépit de ses difficultés, le syndicalisme français sait mobiliser bien au-delà des 7 % de salariés syndiqués dont il est crédité ;

  • conduire les inquiétudes sociales et éviter que ces inquiétudes ne soient l’objet de récupérations syndicales ou politiques extrêmes ou encore d’actions désespérées et violentes sans contrôle aucun.

Montrer leur force et ne pas être débordées : les organisations syndicales ont globalement tenu leur objectif.


Il n’en demeure pas moins que le discours affiché de l’unité syndicale apparaît comme un point de passage obligé pour conserver de la solidité à un ensemble syndical qui n’a jamais été aussi hétérogène qu’aujourd’hui.

- La fin du « G8 » syndical -

La proposition faite d’une nouvelle journée d’action le 7 octobre a fait l’objet de critiques sourdes. Force ouvrière, appuyée mezzo voce par d’autres organisations, a énoncé des conditions d’organisation à cette journée telles que cette journée se trouve rejetée. Le « G8 » syndical est aujourd’hui ramené à un « G6 », Force ouvrière et la CFTC s’étant donc retirées de cette journée commune.


L’unité syndicale n’a plus dans cette rentrée sociale le même enjeu. Les divergences réapparaissent : « Tout le monde n’avait pas les mêmes intérêts » dans le mouvement initié fin 2008 a reconnu Gérard Aschieri (FSU) à l’université d’été du NPA. L’unité d’action a vécu.

- L’unité d’action : pour quoi faire ? -

La question de fond est posée : l’unité d’action permet-elle une meilleure efficacité d’ensemble ou bien est-elle l’amorce de rapprochements organiques voire d’unifications entre organisations ?


La réforme de la représentativité syndicale revient ici, une fois de plus, comme toile de fond pour donner la réponse. Unies au niveau national pour les raisons décrites, les organisations syndicales se sentent tenues entre elles. Un responsable de l’UNSA l’indique : « Chacun en réalité sait très bien que le premier qui quitte l’intersyndicale apparaîtra comme un briseur de l’unité d’action » (Libération, 30 avril 2009). C’est, dit autrement, la répétition des événements du printemps 2006, lors des manifestations anti-CPE où 12 syndicats et associations avaient formé une unité d’action de circonstance. Une sorte de « jeu du mikado » imposé : le premier qui bouge et qui sort du système est disqualifié.


Car, dans les entreprises, la concurrence entre équipes syndicales ne peut que se développer, pour atteindre ou dépasser les trois seuils installés par la nouvelle loi : 10 %, 30 % ou 50 % des voix aux élections CE-DP.



Dès lors, le rapprochement entre organisations syndicales sous le motif de l’unité d’action, ne correspond pas aux attentes militantes du moment. Il est ressenti par les petites organisations comme une dynamique qui ne peut profiter qu’aux deux plus grandes, la CGT et la CFDT.

- Sur quel schéma se fera la recomposition ? -

Il n’en demeure pas moins que la recomposition syndicale est réellement à l’ordre du jour, soit par disparition progressive de certaines organisations, soit par rapprochements ou fusions.


Le trouble dans lequel les organisations concernées se trouvent ouvre une période d’incertitude et d’hésitations, qui concerne au premier chef la CFE-CGC, la CFTC, l’UNSA, mais aussi SUD, Force ouvrière, la FSU.


Sur quels paramètres envisager les démarches de recomposition ? Dans le passé, des schémas ont pu être dessinés qui, à l’épreuve du temps, se sont révélés inappropriés ou ont échoué :

  • une recomposition syndicale autour de deux grands pôles, l’un réformiste conduit par la CFDT et l’autre plus radical conduit par la CGT. Le jeu habile de la CGT, qui s’efforce de conjuguer les deux démarches à la fois, non sans succès pour l’heure, prive ce schéma de sa pertinence ;

  • une recomposition sur des critères historiques et culturels, permettant un rapprochement CFDT et CFTC d’une part, CGT et FO d’autre part. Ce schéma est aujourd’hui hors des réalités et du possible ;

  • une recomposition sur des critères de complémentarité. C’est ce qu’ont tenté la CFE-CGC et l’UNSA au printemps 2008, estimant que le champ privilégié de recrutement professionnel (secteur privé pour l’une, public pour l’autre) et publics concernés (cadres, non-cadres) poussaient au rapprochement. Ce rapprochement a, dans les formes et les étapes initialement prévues, échoué.

Des formules de rapprochement autres peuvent être étudiées, comme en Italie, avec, là encore, des inconvénients en même temps que des avantages. Des accords électoraux, des échanges de services et des activités communes peuvent voir le jour. L’année 2010 verra se développer les pistes concrètes de ce renouvellement de l’échiquier syndical.


Seule démarche solidement amorcée : le rapprochement entre la CGT et la FSU, qui préparent leurs congrès respectifs avec cette perspective.

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