Le rapport 2004 du Bureau international du travail fournit des données intéressantes sur les tendances de la négociation collective dans le monde.
Créée en 1919, l’Organisation internationale du travail reste une institution encore méconnue. La récente élection de M. Philippe Séguin, ancien ministre du travail, à la présidence du conseil d’administration vient d’attirer l’attention des Français sur cette organisation dont le rôle est pourtant appelé, dans une mondialisation croissante de l’économie et des marchés (dont le marché du travail), à grandir fortement.
Le « rapport global » 2004 porte sur la liberté d’association (liberté syndicale pour les travailleurs et liberté d’organisation pour les employeurs) ainsi que sur la négociation collective.
Intitulé « S’organiser pour plus de justice sociale », le rapport 2004 apporte des données intéressantes sur les tendances de la négociation collective.

Portée de la négociation collective
Les informations sur la portée de la négociation collective permettent de connaître la proportion de travailleurs dont la rémunération et les conditions d’emploi et de travail sont fortement définies par des accords collectifs employeurs-salariés.
Dans la plupart des pays de l’Union européenne, ainsi que dans d’autres pays comme l’Australie et la Norvège, le taux de couverture atteint ou dépasse 80 pour cent. Les taux élevés vont généralement de pair avec des négociations menées à haut niveau. En Allemagne, en Autriche, en France et aux Pays Bas, les accords sectoriels s’étendent aux employeurs et aux travailleurs qui ne sont pas membres des organisations signataires.
Le rapport de l’OIT fournit un tableau du taux de couverture de la négociation collective dans les différents continents du monde. On trouvera ci-après ce taux (= pourcentage de travailleurs couverts par un accord collectif) pour différents pays européens.

Choix du niveau de la négociation
Depuis la fin des années soixante-dix, on constate, partout dans le monde, une tendance de plus en plus marquée à la décentralisation de la négociation collective.
En dépit de cette tendance, la plupart des pays européens ont des systèmes centralisés. C’est aussi au niveau national intersectoriel que les salaires sont le plus souvent négociés en Belgique, en Finlande et en Irlande. En Allemagne, en Autriche, en Espagne, en Grèce, en Italie, aux Pays Bas, au Portugal et en Suède, les négociations se déroulent essentiellement au niveau sectoriel, tandis qu’au Danemark et Luxembourg il n’y a pas de niveau prédominant de négociation. Ce n’est qu’en France et au Royaume-Uni que l’entreprise constitue le principal niveau de négociation. D’autres questions que les rémunérations sont souvent négociées au niveau de l’entreprise mais aussi, dans certains cas, à un niveau supérieur.
En revanche, au Japon et aux Etats-Unis, le niveau de négociation prédominant, pour les salaires et pour toutes les autres questions, est l’entreprise. Toutefois, au Japon, il y a un certain degré de coordination tant du côté des syndicats que de celui des employeurs, au printemps, pendant le cycle de négociationshunto. Les grands producteurs des principales industries montrent la voie en matière de négociations, voie que suivent d’autres grandes entreprises puis les PME. Aux Etats-Unis, les syndicats de certains secteurs s’efforcent, avec des succès divers, d’aboutir à un accord dans une entreprise en particulier et de l’étendre à d’autres entreprises du secteur (pattern bargaining).
La question se pose donc de définir le niveau de négociation le plus pertinent et le plus performant : le niveau centralisé ou le niveau de l’entreprise ?
Les conclusions de l’OIT sont prudentes (« il semblerait qu’il n’existe pas de structure« optimale »de négociation »), tout en renvoyant à une étude récente (2002) de la Banque mondiale, qui couvre les vingt dernières années et indique clairement que la négociation coordonnée réduit les risques de conflit du travail. « Un système de négociation coordonnée peut être un facteur de paix sociale soit en contribuant à institutionnaliser une norme distributive, soit en améliorant la circulation de l’information et en réduisant ainsi le risque qu’une grève soit due au fait que les travailleurs ont une idée fausse de la rentabilité de l’entreprise ».
L’essor de la négociation d’entreprise
Partout, la négociation collective au niveau de l’entreprise se développe et, lorsqu’elle domine, est davantage diversifiée. En Allemagne par exemple, pays qui a une longue tradition de négociation sectorielle, le nombre d’entreprises qui ont conclu des accords à l’échelle de l’entreprise a sensiblement augmenté depuis dix ans (de 3 150 entreprises en 1991 à 7 063 en 2002, soit une progression de 124 pour cent). Environ 15 pour cent de l’ensemble des travailleurs sont couverts par des accords au niveau de l’entreprise. Dans la plupart des pays, les négociations à ce niveau ont pour but de renforcer la capacité des entreprises de s’adapter aux impératifs des marchés des produits et du travail. Dans le cas des entreprises qui produisent essentiellement pour l’exportation, les négociations à ce niveau peuvent les aider à s’adapter aux contraintes commerciales.

Les négociations dans les entreprises multinationales
Le rapport de l’OIT apporte des observations intéressantes sur un phénomène nouveau en matière de relations professionnelles : l’apparition du dialogue social à l’échelle mondiale, notamment sous la forme d’accords-cadres conclus entre les entreprises entre des entreprises multinationales et des fédérations syndicales mondiales. Au moins 27 accords de ce type ont été signés depuis dix ans. Ces accords-cadres permettent de s’adapter aux filières de production aux dimensions mondiales et à l’accroissement des échanges internationaux et de l’interdépendance économique. Sans entrer clairement dans une catégorie ou une autre de relations professionnelles, les accords-cadres peuvent être considérés comme une forme de dialogue social international. Ce qui les différencie des codes de conduite, c’est en particulier le fait qu’ils découlent de négociations entre syndicats et employeurs. Cependant, on considère que les accords-cadres s’inscrivent dans un mouvement plus ample vers l’accroissement de la responsabilité sociale des entreprises. Comme il apparaît dans beaucoup de cas, ces accords ne se substituent pas aux négociations collectives à l’échelle nationale ou locale.
A la différence des accords locaux ou nationaux, qui portent généralement sur les conditions d’emploi, les accords-cadres visent à garantir le respect de principes fondamentaux, comme la liberté d’association et le droit de négociation collective, dans l’ensemble des activités des multinationales. La plupart des accords conclus à ce jour couvrent les filiales et certains s’étendent aux coentreprises, aux fournisseurs et aux sous-traitants.
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