L'Université d'été du MEDEF avait pour thème cette année « Voir en grand ». Ce fut une vraie réussite, pour le MEDEF en général et pour Laurence Parisot en particulier. « Voir en grand » donc, mais pour aller où ? Plus que jamais, le positionnement du MEDEF et la définition même de son action se posent.
Du 27 au 29 août, l’Université d’été du MEDEF a réuni sur le campus de l’école Polytechnique plus de 4000 dirigeants d’entreprise et quelque 400 journalistes autour de 200 intervenants prestigieux, distribués dans 25 conférences-débats, 4 séances plénières et 2 plénières exceptionnelles. Du Roi Abdallah II de Jordanie au comédien Francis Huster ou au footballeur Lilian Thuram, en passant par neuf des ministres du gouvernement Fillon (Xavier Bertrand, notamment, y a passé toute la première journée), le parterre de célébrités a contribué à faire de cette université d’été - comme les précédentes - un rendez-vous incontournable de la rentrée sociale.
Un rendez-vous incontournable
A l’instar de l’université d’été de la CFDT qui se tenait la même semaine au VVF de Dourdan (les moyens n’étaient pas les mêmes), cette formule permet, en effet, de conjuguer retrouvailles conviviales et réflexions prospectives. Les conférences-débats ne manquaient pas d’intérêt, dû à la confrontation des points de vue, et au souci de « sortir du cadre ». Comme l’indiquait déjà le titre du livre de Laurence Parisot « Besoin d’air », cette université d’été a donné un nouvel écho au désir de la présidente du MEDEF de bousculer les discours traditionnels.
De ce point de vue, Laurence Parisot, dont le métier d’origine est la mesure de l’opinion, a magistralement réussi.
Laurence Parisot le 27 août 2008 entourée de nombreux journalistes
Trois ans après son élection à la tête de l’organisation patronale, elle a géré de main de maître l’image du MEDEF, pour lui donner celle de la modernité et du mouvement.
C’est, du reste, sur cette force de l’image que Laurence Parisot a, depuis qu’a éclatée l’affaire UIMM en septembre 2007, installé son autorité.
En opérant une distinction féroce entre l’UIMM et le MEDEF, de façon à préserver l’image de sa propre structure, elle a su prendre à témoin l’opinion publique et engager une réforme de fond du fonctionnement du MEDEF.
« Ambition 2010 »
Le contrôle des mandats patronaux, par delà la question de l’influence respective entre appareils internes au mouvement patronal, pose la question des relations entre le MEDEF et les entreprises. Ces dernières adhèrent au MEDEF à travers des structures professionnelles. Envisager une adhésion directe (c’est l’intention du projet « Ambition 2010 » de Laurence Parisot), revient à réduire considérablement le rôle des fédérations et à transférer tout le pouvoir à l’échelon national interprofessionnel, c’est à dire au MEDEF.
A mi-parcours de son premier mandat (élue en 2005 pour cinq années, Laurence Parisot peut, selon les statuts, effectuer un second mandat, de trois années cette fois), le projet est ambitieux. Il a pour lui la force de la simplicité et de la transparence. Mais il pose, sans l’exprimer vraiment encore, la question de la redéfinition, de la raison d’être du système patronal.
Celui-ci ne se définit pas comme un agitateur d’idées, comme un super-lobby ou une fabrique d’opinions chargée de contre-balancer ou d’accompagner le pouvoir politique. Il est d’abord un système de représentation et de défense des intérêts économiques et sociaux des entreprises.
L’action professionnelle dans les branches n’a pas perdu son sens. Le rôle des fédérations demeure, dans leur mission de regroupement des entreprises et de gestion des questions sociales. C’est du reste pour cela que l’UIMM a été créée en 1901 : gérer les dossiers sociaux, rôle qu’elle remplit avec le sérieux et l’efficacité qu’on lui connaît depuis cent ans, au bénéfice des autres fédérations du MEDEF. L’utilisation de billets de banque pour la « fluidification » des relations sociales (argent aux origines incertaines et aux destinations à ce jour officiellement inconnues) par les dirigeants de l’UIMM ne peut faire oublier la qualité des services rendus aux entreprises par les permanents, excellents juristes et fins négociateurs.

Utilité du paritarisme
Ce rôle de gestionnaire des relations sociales se retrouve dans les autres fédérations. Il se traduit par une pratique en continu de la négociation collective de branche, qui assure une régulation sociale entre toutes les entreprises concernées et se prolonge par la gestion d’institutions paritaires. A son niveau, c’est-à-dire au niveau inter-branches, le MEDEF répond aux mêmes finalités.
La gestion des institutions paritaires permet à notre pays de disposer d’un triple niveau de régulation sociale : le niveau de l’entreprise (depuis vingt ans, la négociation collective s’y est beaucoup développée), le niveau de la branche et le niveau national. A ce dernier niveau, les relations Etat-partenaires sociaux se trouvent depuis quelque temps passablement perturbées. Elles évoluent dans le sens d’une centralisation sociale, d’une prise en mains des institutions sociales, naguère paritaires, par l’Etat. On l’a vu récemment lors de la fusion UNEDIC-ANPE, on est sur le point de l’observer à nouveau dans d’autres réformes en préparation : formation professionnelle continue (24 milliards d’euros sont en jeu) ou 1 % logement.
Le gouvernement actuel, libéral dans son programme, développe une vision étatiste des relations sociales. Le risque d’un effacement de la régulation de branche est réel.
Réflexion nécessaire
Le souci du mouvement et de la modernité que la présidente du MEDEF a installé dans son organisation ne suffit pas. La question de la finalité de l’action et du rôle du MEDEF dans la régulation sociale dépasse les réactions du moment sur la prime transport ou sur le financement du Revenu de Solidarité Active.
Face à l’appétit centralisateur de l’Etat et aussi face à la tendance symétriquement opposée du marché (qui pousse à l’atomisation et à l’individualisation des relations sociales), le MEDEF est appelé à redéfinir la place du paritarisme et de la relation collective, de branche et nationale interprofessionnelle.
Laurence Parisot vient précisément d’évoquer l’ouverture possible d’une « grande délibération sociale sur le paritarisme du XXIème siècle ». L’idée est forte ; il faut aussi lui donner un contenu.
A lire aussi dans Les Etudes sociales et syndicales : "Refondation sociale", où en est-on ?, le 4 décembre 2001. Le MEDEF est-il en campagne électorale ?, le 29 janvier 2002. Aux origines du MEDEF : la CGPF, le 20 mai 2005. Comment fonctionne le MEDEF ?, le 24 juin 2005. MEDEF : quel successeur au président Seillière ?, le 1er juillet 2005. Laurence Parisot : réenchanter le MEDEF, le 9 septembre 2005. Le MEDEF en bref, le 27 juin 2008. Laurence Parisot : une femme en guerre, le 28 juillet 2008.
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