Le gouvernement consulte les partenaires sociaux pour modifier les règles actuelles de la négociation collective. La dimension juridique du dossier est importante, la dimension syndicale plus encore.
Les consultations de Monsieur François FILLON, ministre des affaires sociales, avec les partenaires sociaux ont été rondement menées, entre le 1er et le 8 octobre. Le sujet est important : la réforme des règles de la négociation collective.
En janvier 2003, un premier projet avait été proposé par le ministre, qui l’avait rapidement remisé dans son tiroir. Outre le caractère imparfait du projet lui-même (voir notre analyse dans « Les Etudes sociales et syndicales » du 14.03.2003 « Représentativité syndicale et accords d’entreprise »), les circonstances (approche de la réforme des retraites) ne plaidaient pas pour un examen paisible avec les partenaires sociaux.
La période est aujourd’hui propice à l’examen d’un deuxième projet, dont on trouvera le texte complet ci-après, accompagné d’une analyse du contenu et comparé à la « position commune » de juillet 2001 qui sert de base de référence au projet gouvernemental (les signataires de cette « position commune » ayant demandé aux pouvoirs publics de transposer leurs souhaits dans la réglementation).
- Une réforme en chantier -
- 16 juillet 2001, signature par les partenaires sociaux d’une « Position commune sur les voies et moyens de l’approfondissement de la négociation collective ».
- Janvier 2003 : rencontres bilatérales entre M. Fillon et les partenaires sociaux. Remise d’un document de travail intitulé : « Approfondissement de la négociation collective ».
- Premier semestre 2003 : statu quo sur le dossier.
- Fin juin 2003 : un nouveau texte serait en circulation auprès de certains partenaires sociaux.
- 4 septembre 2003 : dans une interview au Nouvel Observateur, M. Fillon qualifie cette réforme comme « l’un des chantiers majeurs des mois à venir ».
- 25 septembre 2003 : un nouveau document de travail est communiqué aux partenaires sociaux.
- De nouvelles règles pour la négociation des accords nationaux interprofessionnels ? -
1- Les orientations définies par la position commune
Quel que soit le nombre des signataires, l’accord n’entrerait en vigueur qu’en l’absence d’opposition d’une majorité d’organisations syndicales représentatives.
2- Les orientations définies par le document de travail du 25/09/03
Idem. (Le 1er projet conservait les règles actuelles pour la validité des accords nationaux interprofessionnels).
- De nouvelles règles pour la négociation de branche professionnelle ? -
1- Les orientations définies par la position commune
Quel que soit le nombre des signataires, l’accord n’entrerait en vigueur qu’en l’absence d’opposition d’une majorité d’organisations syndicales représentatives.
2- Les orientations définies par le document de travail du 25/09/03
Idem (majorité d’organisations ou absence d’opposition d’une majorité de signataires ; délai pour l’opposition = 15 jours),
mais un tel accord pourrait lui-même subordonner la validité ultérieure des accords de la branche à une règle majoritaire (majorité relative ou absolue des votants aux élections professionnelles dans la branche),
le projet évoque la possibilité d’élections pour la mesure d’audience des organisations syndicales de la branche.
- Conditions de validité des accords d’entreprise -
1- Les orientations définies par la position commune :
a) soit signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant obtenu au moins 50% des suffrages lors des dernières élections professionnelles (ou approbation par la majorité du personnel à l’initiative des signataires),
b) soit absence d’opposition d’organisations syndicales non signataires ayant obtenu seule ou ensemble au moins 50% des suffrages aux dernières élections professionnelles.
2- Les orientations définies par le document de travail du 25/09/03 :
Idem, l’accord de branche décide de l’option à retenir,
mais, en l’absence d’accord de branche, c’est le droit d’opposition qui s’applique ; délai d’opposition 8 jours (pour le 1er projet au contraire, dans ce cas, la signature par les syndicats majoritaires s’imposait).
- La hiérarchie des accords branche / entreprise -
Les orientations définies pour cinq ans par le document de travail du 25/09/03 :
- l’accord de branche toujours impératif pour les minima salariaux, les classifications et les dispositifs de mutualisation (ex. prévoyance collective),
- sauf dispositions de la branche, l’accord de branche est supplétif dans d’autres domaines « en précisant les domaines : durée du travail et organisation du travail, gestion des restructurations »,
- dans les autres domaines, à défaut de dispositions explicites de l’accord de branche, l’accord de branche est impératif.
- Vers une réforme de la représentativité syndicale ? -
La CFDT et la CGT souhaitent une représentativité liée à l’audience des organisations.
L’UNSA réclame au gouvernement son entrée dans le club des cinq de la représentativité nationale interprofessionnelle.
Le Medef s’accommoderait bien d’une simplification du paysage syndical français.
Le « document de travail » du 25 septembre 2003 n’envisage plus la présentation de tous les syndicats légalement constitués aux élections professionnelles dans un scrutin à un tour.
« Faut-il également revoir les critères de représentativité qui n’ont pas évolué depuis 1966 ? » (F. Fillon au Nouvel Observateur du 04/09/03). Le « document de travail » n’en dit rien.
- Quelques conséquences possibles pour les entreprises -
- La politique contractuelle pourrait prendre des formes différentes selon les branches (passage ou non au système majoritaire pour les accords d’entreprise) ou droit d’opposition des « majoritaires ».
- Possible coup de frein à la politique contractuelle : avec l’accord majoritaire, des syndicats comme la CGT ou SUD trouveraient une capacité de blocage (les signataires actuels demeurent souvent minoritaires).
- Les signataires traditionnels eux-mêmes pourraient être moins enclins à signer (risque d’être désavoués par un référendum du personnel).
- Avec des signataires, désormais à géométrie variable, la construction dans la durée d’une politique contractuelle pourrait s’avérer difficile.
- A terme, avec l’accord majoritaire, la négociation change de nature : on ne négocie plus avec des associations (loi 1884) extérieures, mais implicitement avec la majorité de son personnel (une autre légitimité que celle de l’employeur apparaît dans l’entreprise).
Le projet gouvernemental du 25/09/2003
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