La pompe s’époumone et sur les rails béquilles
se lance l’hipparion des équidés vapeurs
saupoudrant l’oeil des veaux de folles escarbilles
et d’un point à un autre halant le voyageur
Alors c’est la champignonnation des usines
la cryptogamie et la prolifération
des turbines moteurs astuces en gésine
et la parthénogénération des machines
concevant d’une idée accouchant d’une action
La houille se parfume aux couleurs d’arc-en-ciel
pour nourrir tout un monde à l’odeur d’abstraction
mais qui fraise et lamine et rive et lime et tourne
pour gigogne engendrer des objets bien réels
le tourne-vis et la capsule et les tenailles
l’automobile et la bécane et la quincaille
le car le sous-marin et l’accumulateur
l’attache-parisienne et le percolateur
le fer à repasser et le ventilateur
l’obus le tire-bouchon et le bouldoseur
la drague le revolver et le radiateur
la radio la lessiveuse et le frigidaire
la marmaille sans fin des ruses ménagères
des moyens de transport ustensiles outils
des gadgets du lépine ou dla grande industrie
Du sélénium l’oeil s’ouvre et la porte de même
si des degrés s’en vont le thermostat soupire
les vitesses en boîte ont de l’initiative
les deux tortues roulant par forces attractives
vont et viennent aussi par forces répulsives
les sauriens du calcul se glissent pondéreux
écrasant les tablogs les abaques les règles
Leurs mères les trieuses les pères binaires
et l’oncle électronique avec son regard d’aigle
admirent effarés ces athlètes modestes
pulvérisant les records établis par les
bipèdes qui pourtant savent compter parler
soigner Soigner les sauriens du calcul et les
bipèdes qui pourtant savent compter parler
soigner Soigner les sauriens du calcul et les
compter parler soigner soigner parler compter
compter compter compter compter compter compter
soigner soigner soigner soigner soigner soigner
parler parler parler des sauriens du calcul
et parler
Raymond QUENEAU,Petite cosmogonie portative, 1950
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