J’entreprends ici de rendre au mot entreprise son sens propre et fort. Entreprendre c’est engager son énergie dans la poursuite d’une intention, dans la réalisation d’un projet. L’esprit d’entreprise suppose l’imagination qui fait concevoir un projet, la volonté qui porte à sa réalisation, la pertinacité qui entête dans sa poursuite. L’esprit d’entreprise est le facteur dynamique de l’Histoire.
L’entreprise peut être infime comme la mienne présente. Elle peut être audacieuse à l’extrême et d’immense conséquence comme celle de Christophe Colomb de joindre le Carhay en naviguant vers l’ouest. Mais toujours, et essentiellement, elle est action et non gestion.
I1 me paraît utile, éclairant, de bien séparer et contraster, entreprendre et gérer. Gérer est une activité dont on ne dira jamais assez le rôle fondamental. Aucun acquis, aucun établissement humain, ne se maintient sans une gestion attentive, vigilante, incessante. Il y a une tendance immanente à la dégradation de l’existant : le corps humain tend à perdre sa forme, l’esprit son agilité, le logis sa propreté, le bâtiment sa solidité et, dans un autre ordre de grandeur, toutes organisations tendent à se détériorer. La gestion est proprement l’effort qui surmonte ces tendances destructives, qui conserve et améliore l’existant. I1 est de nécessité fondamentale.
Et l’on pourrait dire que les tâches de gestion prennent une importance croissante à mesure que se complique la vie sociale, que la dépendance des individus à l’égard des organisations s’accroît et que leur bonne marche devient plus essentielle.
A la différence de la gestion qui donne l’assurance de l’existant, l’entreprise a pour fin la réalisation de l’inexistant. Le contraste ressort avec évidence dans les associations auxquelles se prêtent les deux termes. " Gérer audacieusement ", est un blâme tandis que l’adverbe sied à " entreprendre ", et " entreprendre en bon père de famille ", serait une raillerie alors que c’est une recommandation en fait de gestion.
Tandis que la gestion a une fonction sécurisante, l’entreprise est de caractère aventureux. Ce fut une aventure française que de tenter l’ouverture du canal de Panama : elle échoua. Le projet fut repris par les Américains, le canal établi. Je m’arrête sur le mot " établi " : car il importe grandement à mon propos. L’entreprise, ai-je dit, a pour fin la réalisation de l’inexistant : cette fin se trouve réalisée par la création d’un existant ; cet existant je l’appelle établissement.
Cette dénomination bien distincte est conforme à l’usage historique des termes, un usage qui est logique.
Comentarios