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Photo du rédacteurDominique Andolfatto

Poste et hôpitaux publics : des élections sans surprise

Au moment où notre pays connaissait une réelle agitation sociale, à l'occasion de la réforme des régimes spéciaux de retraite, plus d'un million de salariés (Poste et hôpitaux publics) étaient appelés à voter. Les résultats viennent d'être connus. Quels enseignements peut-on tirer de ces élections professionnelles ?


Plus d’un million de salariés étaient concernés - les 22-23 octobre dernier - par les élections professionnelles de la fonction publique hospitalière (739 000 agents titulaires) et - le 23 octobre - de La Poste (170 000 fonctionnaires d’Etat et 108 000 salariés de droit privé). Curieusement, leurs résultats n’ont donné lieu à aucun commentaire (si ce n’est, tardivement, dansL’Humanitédu 26 novembre). Ces élections intervenaient pourtant dans un contexte particulièrement chaud, dominé par la réforme des régimes spéciaux de retraite et quelques jours seulement après les premiers mouvements sociaux consécutifs à cette réforme. Compte tenu du nombre de salariés concernés - et du statut de ceux-ci -, elles constituent de surcroît un baromètre social intéressant.



Des campagnes électorales centrées sur les enjeux professionnels


On observera d’abord que les campagnes ont été centrées sur les enjeux des secteurs voire, plus étroitement, des établissements concernés. Dans la fonction publique hospitalière, la CGT a mis l’accent, par exemple, sur « l’action » et la « proximité avec les salariés » - remettant en cause un type de syndicalisme de délégation. La CFDT a fait des « carrières », de la « reconnaissance des métiers » et des salaires ses priorités, FO s’est félicitée de la négociation d’accords, tout en s’inquiétant d’une remise en cause, plus globale - selon elle - des « acquis de la Libération ». Même SUD, à La Poste, s’est focalisé sur la stratégie de l’entreprise pour lui opposer « la défense du service public et des droits du personnel ». Des régimes spéciaux de retraite, il n’a pas été question, la réforme de 2003 étant déjà passée dans les secteurs concernés. Il s’agissait finalement plus, pour les organisations syndicales, de réussir des élections qu’on pourrait comparer à celles de conseillers généraux - préoccupés d’intérêts locaux et, prosaïquement, de la conservation de ressources acquises antérieurement - et nullement de participer à ce qui aurait pu être une sorte de « troisième tour social » après les élections présidentielle et législatives du printemps 2007, en dépit de critiques latentes du nouveau pouvoir. Cela explique finalement la discrétion qui a marqué ces élections et leurs résultats.


La participation électorale a connu un léger recul, de 3 % dans les Hôpitaux, de 5 % à La Poste. Le civisme électoral des postiers demeure tout de même exceptionnel, avec près de 81 % de votants. Le niveau est plus faible chez les hospitaliers, avec un peu moins de 59 % de votants. On précisera que, dans ce secteur, les résultats ne sont pas tout à fait définitifs, un second tour devant intervenir pour une quinzaine d’établissements ou commissions - représentant une petite partie des électeurs - en raison d’une participation inférieure à 40 % des inscrits au premier tour.



La CFDT remonte la pente


La distribution des suffrages exprimés n’évoluent pas beaucoup non plus, comme si le paysage syndical dans ces deux secteurs s’apparentait à un vieux massif hercynien qui ne s’érode que lentement. La dernière échéance (en 2003 dans les hôpitaux et, plus secondairement, en 2004, à La Poste) avait connu pourtant quelques secousses. La CFDT avait perdu près de 5 points d’audience en 2003. Manifestement, une partie de ses électeurs la sanctionnait pour les choix effectués par la confédération lors de la réforme des retraites des fonctionnaires (qui les concernaient au premier chef). Ce reflux bénéficiait d’abord à SUD et, secondairement, à la CGT. Un an plus tard, en 2004, les conséquences de la réforme étaient davantage amorties à La Poste et les pertes cédétistes beaucoup plus limitées (voir le tableau 2).


Les élections de 2007 effacent partiellement le mécompte de la CFDT lors de l’échéance précédente. Cela vaut surtout pour La Poste, où la CFDT retrouve pratiquement son audience antérieure au « choc » qu’elle a connu en 2003. Elle parvient également à surclasser FO, qui décline, devenant la troisième organisation postale. L’évolution est moins favorable dans la santé. Certes, elle regagne 3 % d’audience (par rapport aux exprimés), mais elle avait reflué de 16 % en 2003 (ou près de 5 points d’audience). Pour autant, la CFDT conserve une audience plus forte dans la santé qu’à La Poste.


Le premier enseignement de ces élections est donc que la CFDT, non seulement ne recule plus, mais voit son audience remonter. Cependant, elle ne retrouve pas son niveau antérieur à 2003. Cela traduit manifestement une capacité de résistance - ou de rebondissement - de ses équipes. Cela relégitime également une certaine pratique et une ligne syndicales qui se réclament ouvertement du « réformisme ».

Tableau 1 :Les élections professionnelles dans la fonction publique hospitalière



Source : Ministère de la Santé (DHOS), CFDT-Santé-Sociaux et CGT Santé. NB : Les résultats du SNCH sont amalgamés aux « autres » antérieurement à 2003.


Tableau 2 :Les audiences syndicales lors des élections professionnelles à La Poste



(1) En % des inscrits. Source : La Poste.


SUD poursuit sa progression


Le second enseignement concerne les syndicats SUD qui poursuivent leur progression. Mais celle-ci ralentit. Dans la Santé, on assiste même à un certain plafonnement. SUD ne parvient pas à dépasser les 9%, demeurant largement distancé par FO, la CFDT et la CGT. Tel n’est pas le cas à La Poste, où SUD a réussi à s’imposer comme seconde organisation syndicale depuis plusieurs années maintenant. SUD rencontre désormais la confiance d’un postier sur six (par rapport aux inscrits), d’un sur cinq (par rapport aux exprimés). Cela représente un solide pôle syndical contestataire,« un encouragement pour la construction d’un syndicalisme revendicatif sans concession »selon la fédération SUD-PTT. Les managers de La Poste doivent désormais compter avec ces syndicalistes, qui régénèrent un syndicalisme de « luttes » mais pas nécessairement jusqu’au-boutiste. Ils renouent également avec des pratiques plus « basistes », qui contrastent avec le militantisme professionnel affectant les autres organisations. Mais il semble que la progression de ce syndicalisme néo-radical - qui a rencontré une partie non négligeable des postiers et réussi aussi à fasciner certains managers - ait trouvé des limites.


La CGT toujours en tête


Le troisième enseignement concerne la CGT qui, tant dans les hôpitaux qu’à La Poste, continue de cristalliser le soutien de près d’un salarié sur trois (participant aux élections) ou - si l’on tient compte de l’ensemble des personnels - un sur quatre (à La Poste) ou un sur cinq (dans les hôpitaux). L’audience de la CGT se maintient donc au-dessus de 30% des suffrages exprimés. Mais, à l’occasion de cette échéance, la CGT perd une partie des dividendes qu’elle avait tiré de la « crise » de la CFDT de 2003. Précisément, elle perd 4% de son audience dans le secteur sanitaire et même 6% à La Poste (à ne pas confondre avec une évolution en points, beaucoup plus limitée). Il semble que l’organisation connaît - au moins localement - des difficultés à renouveler ses équipes. Elle conserve toutefois un assez solide leadership syndical.


Un quatrième - et dernier - enseignement concerne les autres organisations. Extrêmement stable dans la santé, avec 22,5% des suffrages exprimés (soit la voix d’un postier sur huit par rapport aux inscrits), FO décline à La Poste. Avec la CGT, elle est l’organisation qui perd le plus de voix (ce qui traduit une certaine « crise » des organisations « historiques » de La Poste, mais celle-ci demeure contenue). On observe également que l’UNSA peine à décoller, même s’il elle gagne des voix à La Poste. Mais elle est loin de rivaliser avec les organisations plus traditionnelles ou avec SUD. La CFTC demeure également à un niveau relativement faible (5,1% à La Poste) mais y conserve des équipes. Les positions de la CFE-CGC sont plus symboliques (singulièrement dans la santé), mais la centrale gagne des voix.


Relative stabilité du paysage syndical


Au total, ces élections traduisent une relative stabilité du paysage syndical, confirmant des positions antérieures. Les évolutions sont lentes tout en corrigeant partiellement les résultats de 2003 et 2004 sur lesquelles avait pesé la réforme des retraites et les choix cédétistes (on pourrait parler d’une « élection de maintien » alors que l’échéance antérieur avait davantage été un scrutin disputé sinon de « combat ». Les élections professionnelles à EDF et GDF - qui se tenaient le 29 novembre - traduiront-elles une stabilité comparable alors que ces deux entreprises sont en pleine mutation et que la CGT paraît y jouer désormais un rôle plus modérateur qu’antérieurement ?


Tableau 3 : Evolution des audiences syndicales à La Poste en nombre de voix (2007/2004)


Tableau 4 : Evolution comparée des audiences syndicales dans les Hôpitaux publics et à La Poste (indice


Graphique 1 : Les audiences syndicales dans les hôpitaux publics 1996-2007 (en % des suffrages exprimés)



Graphique 2 : Les audiences syndicales à La Poste 1997-2007 (en % des suffrages exprimés)




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