Grande manifestation intersyndicale le 5 juin au sujet de la réforme de l'assurance maladie. Quelles sont les positions des différentes organisations ?
L’ensemble des organisations syndicales de salariés se déclare déçues par les conditions de la concertation avec le gouvernement sur la réforme de la Sécurité sociale et par les propositions de réforme retenues à ce jour par le ministre M. Douste -Blazy.
Les organisations syndicales unanimes (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC, UNSA, FSU, et G10) appellent à manifester le samedi 5 juin contre les orientations du gouvernement sur la Sécu.
La CFDT et FO ont précisé qu’elles manifesteraient sur leurs propres revendications. Une rencontre entre CGT et CFDT le 17 mai n’avait d’ailleurs pas permis d’apurer les différends entre ces deux organisations ni de parvenir à des positions communes sur la Sécu.
Comme prévu, les organisations syndicales qui avaient soutenu la réforme des retraites et de l’indemnisation du chômage des intermittents ont pris de la distance par rapport au gouvernement et adoptent des positions plus dures sur l’Assurance maladie.
La CFDT a d’ailleurs choisi comme l’un des thèmes de sa communication pour la manifestation du 5 juin le slogan suivant : « Quand une réforme est bonne, la CFDT est capable de s’engager. Quand elle ne l’est pas, elle continue à revendiquer. Jusqu’au résultat ».
1- Positions de la CGT
L’Etat demeure le garant de la politique de santé et de l’organisation de la protection sociale, mais affirme la légitimité du syndicalisme à gérer la Sécurité sociale.
La CGT propose de gouverner l’assurance maladie comme suit :
- un conseil d’administration dont les membres seraient élus tous les cinq ans ;
- un conseil de branche (représentant de la caisse, des professions de santé, des caisses complémentaires, des associations de malades) contribuant à faire évoluer le système de santé pour concilier amélioration de la qualité des soins et efficacité économique ;
- un conseil scientifique composé d’experts et de spécialistes du monde médical et de la recherche.
La Sécurité sociale doit pouvoir négocier avec l’Etat son budget et se voir déléguer sa mise en œuvre.
Le périmètre de la prise en charge doit rester de la responsabilité de l’Etat.
Co-élaboration des budgets hospitaliers avec la Sécurité sociale.
Négociation d’un plan emploi-formation et incitation à l’installation pour pallier les carences dans certaines disciplines et/ou régions.
Arrêt des fermetures et restructurations d’hôpitaux.
La CGT se déclare favorable au dossier médical partagé pour éviter notamment les prescriptions et actes redondants.
Pour le financement, la CGT voudrait passer d’une assiette basée sur les salaires à une assiette sur la valeur ajoutée permettant de favoriser les entreprises de main-d’œuvre.
La CGT se déclare opposée à une augmentation de la CSG et à un alignement de la CSG des revenus de remplacement sur ceux des actifs.
2 - Positions de la CFDT
La CFDT souhaite une meilleure organisation du système de soins au service du patient par :
- une meilleure répartition des médecins sur l’ensemble du territoire,
- la suppression de la liberté tarifaire des spécialistes pour les patients qu’ils recevraient directement.
Elle demande une complémentaire santé pour tous ainsi que l’ouverture d’un droit à la prévoyance.
La CFDT exige également un financement juste et solidaire où « chacun paie selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ». La CFDT se déclare en désaccord avec :
- le paiement d’un euro par acte médical et l’augmentation du forfait hospitalier qui sont deux mesures injustes (idem CGT),
- l’augmentation du taux de la CSG pour les retraités imposables sans réelle prise en charge de la dépendance dans le cadre de la Sécurité sociale,
- la faiblesse de la contribution demandée aux entreprises. Elle continue à demander l’affectation de la contribution sur les bénéfices à l’assurance maladie,
- le non-paiement par l’État de la totalité des exonérations de charges.
La CFDT se prononce aussi pour la prise en charge par l’État de la dette de la Sécu accumulée depuis des années. « La prolongation de la CRDS consiste à faire payer cette dette par nos enfants ».
3- Positions de Force ouvrière
FO s’oppose à la privatisation comme à l’étatisation de la Sécu.
FO réclame une clarification des comptes et responsabilités,
Le paritarisme comme mode de gestion du salaire différé,
Des mesures financières qui ne pénalisent pas les salariés, chômeurs et retraités,
Une maîtrise médicalisée des dépenses de santé au lieu d’une maîtrise comptable.
FO refuse toute mesure de diminution des taux de remboursement (idem CGT).
Seuls les pouvoirs publics doivent avoir la responsabilité de fixer les niveaux de remboursement et le prix des médicaments (idem CGT).
FO s’oppose à l’instauration d’un franchise de 1 euro sur les actes médicaux, à toute augmentation du forfait hospitalier ainsi qu’à l’augmentation de la CSG des retraités (idem CGT et CFDT).
FO se prononce pour une augmentation de la cotisation sociale patronale en raison du lien direct entre dégradation des conditions de travail et augmentation des dépenses de santé.
4 - Positions de la CFTC
La CFTC est en désaccord avec le projet du gouvernement sur la gouvernance du système qui prévoit une trop faible participation des partenaires sociaux à la prise de décision au sein de la Sécu.
La CFTC s’oppose à la trop forte contribution demandée aux salariés (1 euro à charge par acte) et aux retraités par l’augmentation de leur CSG (idem CGT, CFDT et FO).
Elle dénonce l’insuffisance de la participation financière des entreprises (idem CGT CFDT et FO) et la trop faible implication des médecins et professionnels de santé. Elle souhaite une participation plus équitable de l’Etat, des entreprises et des professionnels de la santé.
La CFTC propose l’élargissement de la couverture sociale complémentaire pour tous au meilleur prix, portant à 90% la prise en charge pour les soins de ville et à 100% pour l’hôpital,
La CFTC est d’accord pour un dossier médical partagé pour une meilleure coordination entre les différents acteurs de la médecine (idem CGT).
5 - Positions de la CFE-CGC
La CFE-CGC d’accord pour un dossier médical partagé et le coordination des soins par un médecin généraliste (idem CGT et CFTC).
Mais se déclare hostile au projet du gouvernement qui ôte tout pouvoir aux organisations syndicales, leur faisant supporter toutes les décisions prises directement par l’État, ou suggérées par le MEDEF.
La CGC estime que l’équilibre des comptes ne reposera plus, ainsi, que sur les seuls efforts des malades ou des assurés sociaux.
Elle voit dans le fait que le directeur, nommé en Conseil des ministres et représentant l’État puisse imposer toute décision au conseil (sauf s’il y a une majorité des deux-tiers pour s’y opposer), une étatisation déguisée.
La CGC critique également le fait que les caisses complémentaires aient leur mot à dire y compris par des conventions tripartites, ce qui reviendrait à mettre sur le même plan l’assurance maladie et les complémentaires, donc à préluder à la privatisation de la Sécu.
Conclusion
En termes de gouvernance, les organisations syndicales ne veulent pas gérer l’assurance maladie. Et comme le MEDEF ne veut plus gérer la Sécurité sociale, l’opposition syndicale au projet du gouvernement semble relever davantage d’un baroud d’honneur que d’autre chose, pourvu que les syndicats puissent sauver la face, par exemple grâce à l’instauration d’un « paritarisme rénové »(sic) faisant des partenaires sociaux des gestionnaires honoraires tandis que l’Etat assumerait plus effectivement les décisions concernant l’équilibre des comptes, (cf. l’accord pour faire de l’Etat le décideur en termes de « périmètre des soins » à rembourser).
Pour ce qui concerne la participation financière des salariés, des entreprises, des retraités et des patients, de l’Etat et d’autres sources de financement, l’équilibre du projet peut-il être infléchi en fonction d’une forte mobilisation syndicale ? On peut observer que la manifestation du 5 juin ne paraît pas aller dans ce sens : l’organisation d’une manifestation un samedi (et non pas un jour de semaine) ne délivre en général au gouvernement qu’un signal de faible détermination à s’opposer aux réformes.
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