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Photo du rédacteurBernard Vivier

Rentrée sociale : la pression élyséenne

Depuis son installation en mai dernier, le gouvernement consacre une partie importante de son temps à la mise au point des réformes économiques et sociale. Le président de la République s'investit personnellement et fortement dans les dossiers et dans les décisions à prendre. La rentrée sociale 2007 est clairement marquée par la pression du politique.


Il est des périodes de la vie sociale où l’efficacité commande de se hâter lentement. Il en est d’autres où, au contraire, il convient de conduire le char des réformes de manière alerte et vigoureuse.


A l’évidence, nous sommes dans le second cas de figure. L’impressionnant activisme du président de la République ne s’est pas arrêté aux (soi-disant) cent jours de l’état de grâce.


« Je ferai ce que j’ai dit »


Le candidat Sarkozy l’avait promis : il serait l’homme de la réalisation de ses promesses. Le président Sarkozy l’a dit à plusieurs reprises : « j’ai dit ce que je ferai ; je ferai ce que j’ai dit ».


Si la rupture chère à son discours électoral est multiforme, les questions économiques et sociales y occupent une place de choix. Solidement campé sur sa victoire électorale, confirmé par le scrutin législatif qui lui a donné l’assise parlementaire indispensable à ses projets de loi, Nicolas Sarkozy continue, quatre mois après son élection, à dominer une opposition publique divisée et troublée, à occuper le devant de la scène médiatique (au risque de confondre son rôle avec celui du Premier ministre), à séduire et bousculer tout à la fois les syndicats, à haranguer le monde patronal, à lancer des réformes dont il sait que le succès ou l’échec viendra du dosage subtil du contenu réel des dossiers et du style donné à leur conduite.


Le contenu des dossiers est établi depuis longtemps et le calendrier maintenant connu de tous.

A peine installé, le 18 mai dernier, le gouvernement Fillon organisait une série de consultations avec les partenaires sociaux. Les rencontres se succédaient - à l’Elysée et avec Nicolas Sarkozy comme puissance invitante - du 25 au 30 mai. Le 31 mai, François Fillon adressait aux intéressés la feuille de route des mois à venir. C’est elle qui, aujourd’hui, est mise en œuvre.


Service minimum : la loi est déjà votée


Deux dossiers étaient définis comme prioritaires et devaient être mis en œuvre dès l’été. L’un concernait le service minimum en cas de grève. Il est déjà bouclé. Après examen par le Conseil constitutionnel (les risques de requalification n’étaient pas nuls), la loi du 21 août dernier a été présentée comme la concrétisation d’une des mesures phare du candidat Sarkozy. Dans les faits, la loi n’apporte pas de lourds bouleversements et - surtout - ne concerne que les transports publics terrestres de voyageurs. Autrement dit : elle ne concerne pas le fret, ni les transports aériens et maritimes, ni la Poste, ni l’Education nationale. Les syndicats (CGT notamment) n’ont, du reste, pas mené d’opposition véritable à ce projet gouvernemental. Réforme a minima donc mais dont la vertu pédagogique est forte. Elle montre qu’une extension progressive de la loi à d’autres secteurs n’est pas interdite.


Le second dossier prioritaire annoncé était celui des heures supplémentaires. Là encore, le thème électoral « travailler plus pour gagner plus » est ici mis en musique, même si les traductions réglementaires ne sont pas achevées.


Les quatre chantiers de la délibération sociale


Par delà ces deux dossiers, la lettre de François Fillon du 31 mai invitait les partenaires sociaux à engager des négociations entre eux, sur quatre sujets :

  • assurance - chômage

  • contrat de travail

  • sécurisation des parcours professionnels

  • démocratie sociale / représentativité

Ce volet du programme gouvernemental n’a, dans les faits, rien de nouveau. En lançant, le 26 octobre 2006, les chantiers de la « délibération sociale », le MEDEF et les organisations syndicales avaient déjà listé les trois premiers sujets énumérés en mai 2007 par le Premier ministre. Et, surtout, ils avaient progressé. Au demeurant, se retrouvant à nouveau entre eux le 19 juin dernier, les même partenaires sociaux entendaient poursuivre leur démarche commune, décidant de lancer début juillet trois ateliers.



Ces ateliers se transforment aujourd’hui en négociations officielles. C’est le 7 septembre qu’est donné le coup d’envoi à une grande négociation sur la réforme du marché du travail. Il n’y sera guère question de discuter du contrat de travail unique, idée du candidat Sarkozy que les partenaires sociaux (MEDEF compris) ne partagent pas vraiment. En revanche, la mise au point d’une rupture à l’amiable du contrat de travail sera au cœur des échanges. A l’Université d’été du MEDEF, le 30 août dernier, le Président de la République appuyait cette intention.


Sur ces sujets et aussi sur celui - hautement délicat et difficile - de la représentativité syndicale, le gouvernement entend laisser la main aux partenaires sociaux. Il ne peut, du reste, guère faire autrement, étant désormais tenu par la loi du 31 janvier 2007 sur le dialogue social, loi peu connue encore mais qui contient des engagements stricts pour le gouvernement. Celui-ci est désormais invité à respecter une concertation préalable avec les partenaires sociaux en vue de l’ouverture éventuelle d’une négociation sur les sujets sociaux.


Dans sa lettre du 31 mai, le Premier ministre se limite donc à exercer une pression sur le calendrier : « J’attends un résultat pour la fin de l’année ».


Trois conférences tripartites


Dans trois autres domaines, en revanche, le gouvernement entend marquer sa présence et son rôle. Trois conférences tripartites (l’Etat, le patronat et les syndicats) sont prévues :

  • conditions de travail. La première réunion préparatoire a eu lieu le 3 septembre et la conférence elle-même s’ouvrira le 4 octobre, avec la participation active de Gérard Larcher, ministre du travail du précédent gouvernement que connaissent et estiment les partenaires sociaux.

  • emploi, pouvoir d’achat, salaires, à partir d’une première réunion le 10 septembre et une conférence le 25 octobre.

  • égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes, à partir d’une première réunion le 18 septembre en vue d’ouvrir une conférence le 12 novembre.

D’autres réformes en vue


Les initiatives gouvernementales ne s’arrêtent pas là. Les fédérations de fonctionnaires sont conviées à quatre conférences :

  • sur les valeurs et missions de l’Etat, à partir du 1er octobre,

  • sur les parcours professionnels, à partir du 8 octobre,

  • sur les salaires et le pouvoir d’achat, à compter du 21 octobre,

  • sur le dialogue social.

D’autres chantiers sont prévus :

  • généralisation de l’ouverture des commerces le dimanche (sujet sensible pour les syndicats),

  • travail des seniors,

  • réforme des retraites (poursuite de la loi Fillon du 21 août 2003).



Concernant la TVA sociale, le rapport Besson étant achevé, les conclusions qui devaient être examinées dans le cadre de la conférence emploi-pouvoir d’achat seront finalement renvoyées à l’étude en 2008. C’est-à-dire, en clair, aux calendes grecques.


Le « Grenelle de l’environnement » mobilise aussi les partenaires sociaux. Depuis fin juillet, six groupes de travail préparatoires ont été constitués. Les syndicats y siègent au coté des employeurs, des représentants de l’Etat et des collectivités locales, de militants associatifs et de personnalités qualifiées. Le plus fort investissement est celui de la CFDT, qui occupe 13 mandats en tant qu’organisation syndicale et 1 mandat en tant qu’association de consommateurs. FO suit avec 10 mandats syndicaux et 1 mandat « consommation », puis viennent les délégations de la CGT (10 mandats), de la CFTC et de la CFE-CGC (7 mandats). La FSU apparaît comme « personnalité qualifiée » dans un des groupes de travail.


Fin septembre, des consultations publiques en région et sur internent seront organisées, avant la tenue fin octobre de cette « grand’messe » qui pourrait consacrer de nouvelles prérogatives syndicales dans le champ de l’environnement.


L’Etat doit-il intervenir ou doit-il laisser agir ?


La pression qu’exerce le gouvernement sur ses interlocuteurs sociaux n’a d’égale que sa détermination affichée à aller vite.


Les semaines et les mois à venir verront se développer la réponse à une double question : les partenaires sociaux se saisiront-ils des circonstances pour conduire eux-mêmes les réformes sociales ? Le gouvernement sera-t-il interventionniste ou adoptera-t-il une attitude progressivement plus mesurée pour laisser les partenaires sociaux piloter les réformes ?


Cette double question n’est en fait que le recto/verso d’une même problématique : celle de la tradition gestionnaire de l’Etat dans la vie économique et sociale et de la propension des partenaires sociaux (essentiellement les syndicats de salariés) à ne pas entrer eux-mêmes dans une logique gestionnaire.


Cette question est très française. Elle tient pour beaucoup à notre culture des relations sociales, marquée par la méfiance à l’encontre des démarches de concertation de négociation de compromis et d’accords, culture qui prive les syndicats de l’envie de déployer leurs capacités gestionnaires. Elle tient aussi à la difficulté de tout gouvernement (fut-il d’affichage libéral) à laisser la régulation sociale entre les mains des acteurs directement concernés.


Avant d’aborder la question de la capacité volumétrique des syndicats (le vieux débat sur la mesure de leurs effectifs et de leur audience électorale occupe beaucoup les esprits en ce moment), c’est la question de leur capacité à quitter les vieux schémas de la lutte sociale et à entrer dans une logique de construction sociale qui est posée. Sur ce registre, la France n’est pas encore entrée de plain-pied dans l’Europe du XXIème siècle.


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