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Photo du rédacteurDominique Andolfatto

Représentativité syndicale : une nouvelle photographie

Plus de quatre ans après la loi de 2008 réformant la représentativité syndicale, les résultats de l'audience syndicale viennent d'être publiés.


Le 29 mars 2013, le ministère du Travail a rendu publique la nouvelle mesure d’audience de la représentativité syndicale, autrement dit le poids électoral de chaque organisation syndicale puisque, depuis la loi du 20 août 2008, la représentativité des organisations syndicales - soit leur capacité à agir dans les entreprises et les branches d’activité et, en particulier, à négocier avec les employeurs - n’est plus inscrite dans le Code du travail mais dépendante des résultats des élections professionnelles. Depuis le 1er janvier 2009, il faut recueillir 10 % des suffrages exprimés lors de ces élections - élections des comités d’entreprise (CE) ou, à défaut, des délégués du personnel (DP) ou de la délégation unique du personnel (DUP) - pour conserver ou obtenir le label représentatif. D’autres critères s’ajoutent, en particulier pour les nouvelles organisations qui doivent avoir une ancienneté de deux ans, mais c’est le niveau d’audience qui est déterminant. Pour ce qui concerne les branches d’activité (celui des conventions collectives) et le niveau national interprofessionnel (celui où sont négociés les accords les plus importants), la loi a fixé un seuil de 8 % des suffrages exprimés pour la représentativité syndicale par agrégation des résultats intervenues au niveau des branches concernées ou au niveau national global. Ce sont ces derniers résultats qui ont été publiés le 29 mars 2013.

- La construction d’un baromètre électoral -

La mesure d’audience agrège les résultats des élections intervenues dans les TPE (très petites entreprises), en novembre et décembre 2012, les résultats du collège salarié des élections aux chambres d’agriculture intervenues en janvier 2013 et les résultats des élections aux CE (ou, à défaut, des DP ou de la DUP) organisées dans toutes les entreprises concernées du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012 (soit un renouvellement complet de tous les titulaires de fonctions représentatives dans les entreprises puisque le mandat des élus CE-DP est désormais - et normalement - d’une durée de 4 ans).


Cependant, contrairement aux pratiques du ministère du Travail jusqu’en 2008, ce dernier ne publie plus les résultats de ces dernières élections (soit les résultats des élections aux CE, les derniers résultats disponibles remontant à 2005-2006, le renouvellement des CE étant jusqu’alors pour l’essentiel bisannuel). Pour la mesure d’audience, le détail des résultats des élections aux CE n’est donc plus connu (sauf à rechercher les résultats d’une entreprise ou établissement précis sur le site dédié aux élections professionnelles mis en place par le ministère du Travail). Ces résultats peuvent être toutefois déduits des données disponibles, ainsi que le montre le tableau n° 1. L’intérêt de cette déduction est de disposer de données relativement comparables avec les derniers résultats des élections aux CE qui ont fait l’objet d’une publication afin de préciser - au mieux - les évolutions des différentes audiences syndicales. Car, dans l’absolu, il est difficile d’analyser les résultats produits par la première mesure d’audience et rendus publics le 29 mars 2013.



Cette première mesure d’audience a traduit une double surprise : le faible écart entre la CGT et la CFDT ; la conservation du label représentatif par la CFTC. En revanche, comme cela était prévisible, ni l’UNSA, ni les syndicats SUD (Union syndicale Solidaires) n’accèdent à ce label, sauf dans certaines branches.


Tableau n° 1 : Construction de la mesure d’audience de la représentativité syndicale



La CGT et la CFDT ne sont donc plus séparées que par quelques dixièmes de points de pourcentage, alors que plusieurs points les distinguaient jusque-là (près de 3 points lors des derniers résultats des élections aux CE, en 2005-2006 et même plus de 12 points lors des élections prud’homales de 2008). Sans doute la préparation des scrutins d’entreprise par la CFDT et, à sa mesure, par la CFTC a-t-elle été plus été plus systématique, sinon plus intense que celles de la CGT (ce qui explique que la CFDT, comme on va le voir, domine dans les entreprises de 11 salariés et plus). En outre, le fait que la mesure d’audience soit établie à l’occasion du premier tour des élections professionnelles (et non pas du tour décisif, qui attribue les sièges) conduit aussi à ne pas prendre en compte dans le calcul de la représentativité les listes non-syndicales, ce qui - mathématiquement - donne un avantage relatif aux listes syndicales. Rappelons en effet que, lors des élections professionnelles, un second tour est organisé si la participation a été inférieure à 50 % des inscrits lors du premier tour. Et ce second tour, contrairement au premier, est ouvert aux listes non-syndicales. En mesurant la représentativité lors du seul premier tour, on est donc assuré - malgré une participation plus faible - que la part respective des organisations syndicales sera plus forte.

- La CFDT toute proche de la CGT -

Le détail des différentes consultations agrégées pour le calcul de la mesure d’audience (voir le tableau n° 1) montre des résultats assez différents selon les organisations. Si la CGT arrive au premier rang pour les élections dans les TPE et, plus encore, aux chambres d’agriculture, elle se fait surclasser par la CFDT lors des élections aux CE, DP ou DUP qui concernent les entreprises de plus de 10 salariés (même si l’écart de 0,3 points reste faible).


FO, et les autres organisations, font également un score supérieur à ces dernières élections par rapport à leurs audience dans les TPE, voire dans le secteur agricole. Cela semble indiquer que lorsque le scrutin se joue surtout en termes d’image (et n’a pas de conséquence pour les institutions représentatives du personnel), comme lors des élections dans les TPE, ce contexte bénéficie à la CGT (même si cette image n’a finalement guère profité au niveau de participation électorale, qui s’est avérée très faible). Par contre, lors des élections aux CE (DP ou DUP), nécessitant des implantations et un travail de terrain, la CGT tend à perdre son avantage marginal, comme si elle était confrontée - toutes choses égales par ailleurs - à davantage de difficultés organisationnelles que ses concurrentes. Une moindre homogénéité de ses équipes, voire le contexte de crise de succession à la tête de la confédération en 2012, ont pu peser négativement sur ces impératifs organisationnels.

- L’évolution des audiences syndicales -

La mesure d’audience rendue publique le 29 mars 2013 consistant en une addition nouvelle de consultations professionnelles, il est difficile de la mettre en perspective pour mesurer l’évolution des diverses audiences syndicales. On peut tout de même tenter une comparaison avec les élections prud’homales de 2008 (le corps électoral était tout de même plus large et la participation moindre) ou avec les élections aux comités d’entreprise de 2005-2006, les dernières dont les résultats ont donné lieu à une publication (en revanche, le corps électoral s’avérait plus étroit et la participation plus importante). Dans ce dernier cas, la comparaison paraît optimale si l’on privilégie, d’une part, les résultats de la mesure d’audience dans les seules entreprises de plus de 10 salariés (déduites des données disponibles) et si l’on retranche, d’autre part, des résultats des élections aux CE les résultats des listes non-syndicales (qui n’ont pu se présenter qu’au second tour). La comparaison reste tout de même hypothétique : les résultats de premier tour (fondant la mesure d’audience) sont comparés à des résultats de tour décisif (premier ou second tour) s’agissant des élections aux CE de 2005-2006.



Cela dit, il apparaît que la CGT recule sensiblement : de l’ordre de 3 à 7 points selon le type de scrutin qui est comparé. FO maintient approximativement ses positions. La CFDT progresse de quelques dixièmes de points aux élections aux CE et, plus nettement, par rapport aux élections prud’homales (+ 5 points). La CFE-CGC et, dans une moindre mesure, la CFTC améliorent également leur audience. Par contre, la situation des autres organisations reste stable. Sur la base de ces éléments, les organisations qui privilégient le syndicalisme contestataire - même si leur ligne est souvent plus complexe que ce que ce terme laisse entendre - ont été sanctionnés par les électeurs.


Tableau n° 2 : L’évolution récente des audiences syndicales



- Une représentativité fondée sur un tiers du salariat -

La loi du 20 août 2008 « portant - selon son intitulé officiel - rénovation de la démocratie sociale » a refondé la représentativité juridique des syndicats. Compte tenu de la faiblesse du taux de syndicalisation en France (environ 7 % des salariés sont syndiqués), ces règles basant la représentativité sur l’élection devaient également renouveler la rencontre des salariés avec les organisations syndicales. En réalité, celle-ci demeure un défi car le niveau de participation aux différentes élections se révèle faible sinon problématique : seuls 4 salariés sur 10 ont participé globalement aux scrutins fondant la mesure d’audience. Pour autant, au contraire des élections dans les TPE (marqué par un record d’abstention touchant 9 salariés sur 10), la participation dans les entreprises de plus de 10 salariés a paru résister et ne reculer que faiblement par rapport aux résultats des élections aux CE de 2005-2006. Mais ce sont tout de même quelque 40 % des électeurs qui n’ont pas pris part au vote à ce dernier scrutin.


Plus globalement, le tableau n° 3 permet mesurer la représentativité syndicale effective - et non plus seulement juridique - dans l’ensemble du salariat. Elle agrège d’abord la mesure d’audience avec les résultats des élections dans les trois fonctions publiques (Etat, hôpitaux, collectivités territoriales). Globalement, avec le renfort des fonctionnaires, la CGT maintient un peu mieux ses positions par rapport à la CFDT. Mesuré par rapport aux électeurs inscrits, soit l’implantation réelle dans la population électorale, l’écart se révèle toutefois assez faible : l’électorat cédétiste n’est inférieur que de 10 % à celui de la CGT. FO conserve la troisième place, avec un tiers de forces en moins que chacune de ses deux principales concurrentes.


Enfin, rapportées à l’ensemble du salariat, les positions des organisations syndicales demeurent relativement faibles (et ne sont donc pas véritablement consolidées par la loi de 2008 qui, de ce point de vue, n’a produit aucun miracle). La CGT représente désormais sur la voix d’un salarié sur 12, la CFDT la voix d’un salarié sur 13, FO la voix d’un salarié sur 20, la CFE-CGC, la CFTC et l’UNSA la voix d’un salarié sur 50, les syndicats SUD la voix d’un salarié sur 70, la FSU la voix d’un salarié sur 100.


Tableau n° 3 : L’audience effective des organisations syndicales



- Le kaléidoscope des branches -

Les informations publiées par le ministère du Travail le 29 mars 2013 précisent également la représentativité des organisations selon les branches d’activité (il s’agit des branches non pas au sens économique mais au sens des conventions collectives). Le ministère du Travail en décompte 555, toutes très différentes les unes des autres, pour ce qui concerne leur étendue et, en conséquence, la taille des populations concernés. La CFDT est l’organisation dont la représentativité est établie dans le plus grand nombre de branches (voir le tableau n° 4). La CFTC, la CFE-CGC et, plus encore l’UNSA et les syndicats SUD, ne sont reconnus représentatifs que dans une minorité de branches. Enfin, dans un cinquième d’entre elles, on trouve un grand nombre d’organisations autonomes, sectorielle ou régionales qui ont franchi le seuil de 8 % d’audience (voir le tableau n° 5). Là aussi, la réduction de l’émiettement syndical que devait produire la loi du 20 août 2008 n’a pas eu les effets attendus. Comme avant la réforme, non seulement cinq confédérations demeurent donc représentatives au niveau national interprofessionnel, mais dans les branches cette même représentativité est éclatée entre une quarantaine d’organisations (une partie d’entre elles, en outre-mer, entretiennent toutefois des liens particuliers avec les confédérations nationales). De fait, globalement, la CGT, la CFDT et FO dominent nettement toutes les autres organisations. En outre, la réforme de 2008 - si elle n’a pas eu certains effets escomptés - a obligé les organisations syndicales à se remettre en cause, à revoir leurs implantations, tout en modifiant profondément le jeu du dialogue social.


Tableau n° 4 : La représentativité syndicale par branche conventionnelle



Tableau n° 5 : Les autres organisations syndicales représentatives au niveau des branches





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