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Photo du rédacteur Javier Aguilar García

Syndicats et syndiqués au Mexique

{{Le Mexique est aujourd'hui la quatorzième puissance économique mondiale et un des nouveaux membres de l'OCDE. Les mutations politiques et économiques ont des conséquences sur le paysage syndical, qui évolue vers plus d'hétérogénéité. Javier Aguilar García, de l'Institut de recherches sociales au sein de l'Université nationale autonome du Mexique (UNAM), décrit les réalités syndicales de son pays. }}


Au cours de la décennie écoulée, le Mexique a connu d’importantes transformations économiques, même si son économie demeure duale et si la répartition de la richesse nationale est encore très inégalitaire. Le pays a connu aussi d’importants changements politiques, avec la fin du monopole du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) et avec l’arrivée au pouvoir du Parti d’action nationale qui a ouvert un processus d’alternance politique. Ces mutations n’ont pas été sans conséquence sur les syndicats mexicains, longtemps très liés au pouvoir en place. Tandis que les vieilles organisations sont en train de décliner, des organisations autonomes et indépendantes émergent et s’efforcent de porter des revendications plus concrètes, notamment celle du « travail décent ». A travers ces transformations du paysage syndical mexicain, qui évolue vers plus d’hétérogénéité, ce sont plus en profondeur les changements socio-économiques et politiques du Mexique qui se lisent.

- Un paysage syndical complexe -

Le syndicalisme au Mexique est éclaté entre plusieurs organisations : confédérations nationales, fédérations, syndicats nationaux, associations syndicales autonomes.

De 1929 à 2000, le syndicalisme mexicain a été étroitement lié au parti au pouvoir (PRI), surtout à partir de 1936 quand est née la Confédération de Travailleurs du Mexique (CTM). Ce syndicalisme n’était donc pas indépendant et on parlait de « syndicats officiels » ou de syndicats « corporatifs ». Mais les évolutions politiques de ces dernières années et l’alternance politique qu’a connu le Mexique en 2000 ont bouleversé cette situation.




La population salariée du Mexique a connu d’importantes transformations dans son environnement économique et légal. Cela a eu pour traduction une baisse du taux de syndicalisation. Voyons les chiffres. En 1993, on comptait quelque 4,4 millions de syndiqués dans les secteurs privé et public, soit un taux de syndicalisation de 13 % des salariés. En 2000, 4,7 millions de syndiqués sont recensés - ce qui marque une sorte d’apogée en termes d’effectifs - mais le taux de syndicalisation a commencé à reculer. Il s’établit alors à 11,7 %. En 2005, le nombre des syndiqués retrouve son niveau de 1993 (avec 4,3 millions), mais le taux de syndicalisation recule à 9,9 %.



Sources : Aguilar García, Javier, La población trabajadora y sindicalizada en México en el periodo de la globalización, ed. FCE-IISUNAM, 2005, Mexico, con datos de Secretaría del Trabajo y Previsión Social (STPS), Dirección General de Registro de Asociaciones (DGRA)

- Syndicats et syndiqués du Congrès du Travail -

Le syndicalisme « officiel » a été groupé en 1966 dans le Congrès du Travail (CT). Cette structure a réussi à rassembler la majorité des travailleurs mexicains, groupés en différentes confédérations :

  • la Confédération de Travailleurs du Mexique (CTM), créée en 1936, est la plus importante et la mieux implantée de ces organisations, dans les 32 Etats fédérés et 36 branches industrielles. En 1997, elle comptait 926 000 adhérents (du secteur privé). En 2005, elle en comptabilise encore 754 000. Au plan doctrinal, elle a longtemps été alignée sur le PRI. De 1966 à 2005, la CTM a été la centrale qui exerçait la plus grande influence sur le CT et sur les relations politiques avec le gouvernement mexicain,

  • la Confédération Révolutionnaire des Ouvriers et des Paysans (CROC), créée en 1952, est la deuxième centrale du secteur privé. En 1997, elle comptait 166 000 adhérents. En 2000, elle en totalise même 176 000 avant de décroître à 81 000 en 2005. Elle n’est implantée que dans quelques Etats et branches d’activité et connaît une chute prononcée de sa représentativité,

  • la Confédération Régionale Ouvrière Mexicaine (CROM), créée en 1918, est la troisième organisation du CT. En position dominante au début du 20ème siècle, elle a fortement reculé. En 2005, elle ne comptait plus que 30 000 adhérents,

  • le CT rassemble d’autres structures, de taille encore plus réduite (COR, CGT, CRT, FAO). Ces quatre organisations additionnaient 15 000 membres en 2005, en fort recul depuis quelques années,

  • au total, la CTM domine largement au sein du CT. Toutes les décisions sont donc prises en fonction des propositions et des intérêts de la CTM. Les autres syndicats et organisations du CT appartiennent au secteur public (institutions publiques et entreprises étatiques ou para-étatiques).



Le siège de la CTM


Les syndicats des administrations d’Etat sont regroupés au sein de la Fédération de Syndicats de Travailleurs au Service de l’État (FSTSE), fondé en 1938. Avec la CTM, la FSTSE, généralement sur la même ligne, a orienté la politique du syndicalisme officiel. Ses effectifs ont régulièrement augmenté. La FSTSE regroupaient 2,4 millions d’adhérents en 2005, malgré la privatisation des entreprises publiques et des licenciements au sein des institutions publiques.


Mais en 2005, la FSTSE a connu une scission qui a donné naissance à la Fédération Démocratique de Syndicats du Secteur Public (FDSSP). Environ 1,6 millions des affiliés ont rejoint la nouvelle organisation qui se veut autonome. La FSTE a conservé 746 000 adhérents.


Les organisations présentées ci-dessus comptent en leur sein d’importants syndicats nationaux qui groupent les travailleurs de toute une branche industrielle. Cela concerne tant le syndicalisme officiel (c’est-à-dire dans le CT et la CTM) que les organisations indépendantes évoquées plus bas.


Au sein du CT, il faut tenir compte du Syndicat des Employés des chemins de fer (STFRM) qui, au début des années 2000, regroupait encore 134 000 adhérents avant de s’effondrer à 11 000 adhérents en 2005. Cette chute découle du processus de privatisation qui a aboutit à d’importants licenciements. Le syndicat des mineurs (SNTMMSRM) a connu une évolution assez comparable, passant de 120 000 adhérents en 2000 à 64 000 en 2005. Cela s’explique également par le mouvement des privatisations. Il en va de même du Syndicat des Pétroliers (STPRM). Il groupait 113 000 affiliés en 2000. Il n’en comptait plus que 92 000 en 2005, consécutivement à d’importantes réductions d’effectifs. Le Syndicat des Électriciens (SUTERM) a mieux résisté, malgré des licenciements. Il recense encore 80 000 affiliés en 2005 (contre 85 000 en 2000). Le déclin de ces organisations s’explique aussi par le lien privilégié qu’ils entretenaient avec l’idéologie révolutionnaire mexicaine. Ils ont perdu ce point de repère sans réussir à imposer un nouveau modèle.



Mêmes sources que le tableau 1.



- Syndicats et syndiqués « indépendants » -

Plusieurs organisations nouvelles se sont développées en dehors du CT.

L’Union Nationale de Travailleurs (UNT) s’est formée en 1997, avec quelques syndicats nationaux qui ont fait scission du CT et des syndicats indépendants constitués depuis les années 1970. Au total, l’UNT, fidélise 477 000 adhérents. Les organisations principales sont le Syndicat National de l’Assurance Sociale (SNTIMSS) avec 350 000 adhérents en 2005 (en recul de 100 000 membres en 5 ans), le Syndicat des télécommunications (STRM), avec 46 000 affiliés en 2000 puis 54 000 en 2005, l’Association de Pilotes d’Aviation, avec un peu plus de 2 000 adhérents en 2005. L’UNT critique le syndicalisme officiel et essaie de prendre la place du CT comme interlocuteur principal des pouvoirs publics.

Le Front Syndical Mexicain (FSM) s’est constitué en 1998. Il a été structuré par quelques syndicats, parmi lesquels le Syndicat Mexicain des Électriciens (SME). Le FSM concurrence tant le CT que l’UNT. Il s’agit d’un front syndical plus ouvert qui inclut des syndicats du secteur privé et du secteur public. Il regroupe une vingtaine d’organisations syndicales, mais aussi des associations professionnelles, représentant au total 130 000 adhérents. Le Syndicat Mexicain des Électriciens, SME, représente plus du tiers des effectifs (en progrès). Le FSM entend se distinguer tant du corporatisme du CT que du néocorporatisme de l’UNT. Il a initié les Dialogues Nationaux (2005) impliquant les syndicats, les paysans, les populations autochtones, les migrants, pour construire un projet nouveau de nation.



La Fédération Démocratique de Syndicats du Secteur Public (FDSSP) est issue d’une scission de la FSTSE, soit de la fédération la plus ancienne du secteur public. La nouvelle organisation regroupe, comme on l’a déjà dit, 1,6 millions d’affiliés. En son sein, on retrouve le Syndicat National des Travailleurs de l’Education (SNTE), fondé en 1943, avec 1,3 millions d’adhérents en 2005, il s’agit du plus grand syndicat du Mexique et d’Amérique latine. Si la nouvelle FDSSP se montre critique à l’égard du CT, elle n’est pas favorable à un rapprochement avec l’UNT ou avec la FSM. Elle entend afficher son indépendance.


Enfin, début 2006, une nouvelle rupture est intervenue au sein du CT. A la suite de divergences internes, quelques organisations ont décidé de prendre leur distance : le Syndicat National des Mineurs et Métallurgistes (SNTMMSRM) qui regroupait 64 000 adhérents en 2005, la Confédération Révolutionnaire des Ouvriers et Paysans (CROC) qui, en 2005, revendiquait 81 000 adhérents, la Confédération Régionale Ouvrière Mexicaine (CROM) qui, la même année, affichait quelque 30 000 affiliés. Le nouveau courant, animé par ces organisations, est en cours de consolidation.


Si le rapport au politique constitue la clé pour comprendre ces diverses scissions et mutations qui ont déchiré les organisations syndicales mexicaines dans la dernière période, le déclin du Congrès du Travail s’explique aussi par son appui sans réserve à la politique néolibérale, à la remise en cause de certains avantages, à l’augmentation de l’immigration aux Etats-Unis. A l’inverse, la meilleure tenue de l’UNT et du FSM tient à leur critique du néolibéralisme, des privatisations et leur défense des salaires et de l’emploi (voir tableau 3).





Sources : Aguilar García, Javier, Globalización, trabajo y sindicalismo en México, ed. ITACA, México, 2008.

- Désyndicalisation et recomposition du paysage syndical mexicain -

Au total, le syndicalisme mexicain connaît un reflux, notamment des organisations les plus anciennes et les plus officielles, appartenant au CT, qui ont connu des scissions au cours de la dernière décennie.


Sur le fond, c’est un mode d’organisation politique, vertical et centralisé qui se trouve en cause. A l’inverse, les organisations plus décentralisées progressent. Des expressions syndicales et des associations professionnelles nouvelles s’affirment. Cela oblige les pouvoirs publics à négocier avec des syndicats plus hétérogènes, tandis que ces derniers doivent veiller à mettre en cohérence leurs propositions s’ils veulent peser sur les décisions.


Ainsi, on assiste à une recomposition assez remarquable du syndicalisme mexicain. Les vieilles organisations du CT et du CTM déclinent. Un nouveau syndicalisme s’affirme, plus impliqué dans les manifestations en faveur du pluralisme politique, tout à la fois acteur social au sens traditionnel mais aussi acteur des « dialogues nationaux », avec le FSM. Le syndicalisme du secteur public est également en pleine évolution. On observe en particulier un rapprochement avec le parti au pouvoir (PAN) à travers la création du FDSSP.



Chronologie du syndicalisme au MexiqueCENTRALES SYNDICALES 1918 : Confederación Regional Obrera Mexicana, CROM. 1923 : Confederación General de Trabajadores, CGT. 1936 : Confederación de Trabajadores de México, CTM. 1938 : Federación de Sindicatos de Trabajadores al Servicio del Estado. Apartado “B”. FSTSE 1952 : Confederación Revolucionaria de Obreros y Campesinos, CROC. 1966 : Congreso del Trabajo, CT. 1997 : Unión Nacional de Trabajadores, UNT. 1998 : Frente Sindical Mexicano, FSM. 2005 : Federación Democrática de Sindicatos de Servidores Públicos, FDSSP. Apartado “B”. SYNDICATS ET ASSOCIATIONS SYNDICALES AUTONOMES 1914 : Sindicato Mexicano de Electricistas, (SME). 1933 : Sindicato Nacional de Trabajadores Ferrocarrileros de la Republica Mexicana, (SNTFRM). 1934 : Asociación Nacional de Actores, (ANDA). 1934 : Sindicato Nacional de Trabajadores Mineros, Metalúrgicos y Similares de la Republica Mexicana, (SNTMMSRM). 1935 : Sindicato de Trabajadores Petroleros de la Republica Mexicana, (STPRM) 1943 : Sindicato Nacional de Trabajadores de la Educación, (SNTE). 1943 : Sindicato Nacional de Trabajadores del Seguro Social (SNTIMSS) 1950 : Sindicato de Telefonistas de la Republica Mexicana, (STRM). 1958 : Asociación Sindical de Pilotos Aviadores, (ASPA). 1960 : Asociación Sindical de Sobrecargos de Aviación, (ASSA). Sources : Aguilar García Javier, Historia de la CTM, 1936-1990. El movimiento obrero y el Estado mexicano, 2 vol., Universidad Nacional Autónoma de México, FCPS-IIS-FE, 1990.


Fuente : Aguilar García, Javier, La población trabajadora y sindicalizada en México en el periodo de la globalización, ed. FCE-IISUNAM, 2005, México, con datos de la Secretaría del Trabajo y Previsión Social (STPS), de la Dirección General de Registro de Asociaciones (DGRA).



Pour aller plus loin (en espagnol) :

1. Aguilar García, Javier, La población trabajadora y sindicalizada en México en el periodo de la globalización, 2ª. ed. Fondo de Cultura Económica-IISUNAM, 2005, México..

2. Aguilar García Javier, Los sindicatos nacionales en el México contemporáneo, 5 vol.. [Vol. 1, Petroleros, 1986 ; vol. 2, Minero-metalúrgico, 1987 ; vol. 3,Industrias dinámicas, 1988 ; Vol. 4, Educación, telefonistas y bancarios, 1989 ; Vol. 5 Electricistas, 1989], G.V. Editores, 1986-1989.

3. Aguilar García, Javier, Globalización, trabajo y sindicalismo en México, ed. ITACA, México, 2008.

4. Aguilar García Javier, Historia de la CTM, 1936-1990. El movimiento obrero y el Estado mexicano, 2 vol., Universidad Nacional Autónoma de México, FCPS-IIS-FE, 1990.

5. Aguilar García, Javier, Reyna Vargas Guzmán, La CTM en el periodo de la globalización, ed. Universidad Autónoma del Estado de México, 2006.

6. Zazueta César y de la Peña Ricardo, La estructura del Congreso del Trabajo. Estado, trabajo y capital en México, México, Fondo de Cultura Económica, 1984.


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