Dirigeants syndicaux et patronaux ne savent pas où donner de la tête. Les quatre chantiers de la délibération sociale, les trois conférences tripartites, le Grenelle de l'environnement et les autres chantiers de la réforme sociale donnent le sentiment d'un mouvement à marche forcée.
Le président de la République l’avait rappelé au lendemain même de son élection : « J’ai dit ce que je ferai, je ferai ce que j’ai dit » ou encore (sur TF1 le 20 juin 2007) : « J’ai été élu pour faire quelque chose sur tout ».
En quelques mois, cette volonté de réforme - de rupture, pourrait-on dire, en reprenant le vocabulaire du candidat Sarkozy - se traduit par un tourbillon de mesures législatives, de consultations et d’invitations à négocier.
Le besoin de changement était attendu, comme en témoignent tout à la fois la cote de popularité du président de la République et de son gouvernement - cote restée élevée au delà de la traditionnelle période dite « état de grâce » - et l’accueil somme toute favorable que les syndicats apportent au principe des réformes, sinon au contenu même de ces réformes.
Alternant les techniques de la concertation sociale et celles de l’affirmation de mesures décidées en haut lieu, le gouvernement s’est lancé avec détermination dans un vaste chantier de réformes.
- « Quoi faire » n’est plus la question -
La question n’est pas tant aujourd’hui de savoir quoi faire que de définir quand le faire et qui doit le faire.
Le « quoi faire » est une question presque dépassée. Sur bien des sujets, les esprits convergent, qu’ils soient de droite ou de gauche, qu’ils soient syndicaux ou patronaux. La réforme des retraites en est un bel exemple, où l’on voit le Parti socialiste accepter sans mot dire la réforme gouvernementale et les syndicats, à quelques exceptions corporatistes près, laisser s’installer les mesures réglementaires.
Si le fond des dossiers est connu et partagé, il en va différemment de la définition des étapes et du choix des acteurs de la réforme.
- Quel rythme donner aux réformes ? -
La question du calendrier est importante. Mener les réformes à un rythme trop lent, laisser les partenaires sociaux s’enfermer dans de trop longues négociations, c’est pour le gouvernement courir le risque de l’enlisement. En revanche, brûler les étapes et brusquer les esprits lui fait courir le risque de l’incompréhension, voire même du refus. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT pourtant grandement acquis à la réforme, prévient le gouvernement des risques pris à travailler à marche forcée : « Super Dupont qui change la France en six mois, ça n’existe pas » (La Tribune, 24 septembre 2007).
Le temps du social n’est pas celui du politique. Celui-ci est nécessairement alerte et conditionné par les exigences des élections politiques ; celui-là est fondamentalement plus lent et déterminé par le poids des masses à s’approprier la volonté des élites.
- Qui doit porter les réformes ? -
La dernière interrogation réside dans la définition des acteurs de la réforme. Celle-ci doit-elle être conduite principalement par l’Etat ou bien doit-elle être menée, beaucoup plus que par le passé, par des partenaires sociaux investis dans une mission de réelle gestion des réformes ?
La loi du 31 janvier 2007 invite clairement l’Etat à laisser les partenaires sociaux s’emparer d’une bonne partie des réformes et aussi à définir eux-mêmes le calendrier qu’ils estiment souhaitable.
Interventionniste ou libéral ? Le positionnement du gouvernement est, à ce jour incertain. Et la récente déstabilisation du dirigeant patronal qui conduit les négociations avec les syndicats sur la réforme du marché du travail n’est pas pour faciliter la voie de réformes négociées directement entre acteurs syndicaux et patronaux. Cette déstabilisation de M. Denis Gautier-Sauvagnac (qui peut en annoncer d’autres) peut conduire le gouvernement à contrôler de façon plus énergique le train des réformes.
On trouvera ci-après une présentation synthétique des étapes et des thèmes de la grande série de réformes sociales que connaît en ce moment notre pays.
1. Le calendrier politique et social.
22 avril 2007 :1er tour élection présidentielle 6 mai 2007 :2ème tour élection présidentielle 14-15 mai 2007 :premières rencontres N. Sarkozy - partenaires sociaux 18 mai 2007 :formation du premier gouvernement Fillon (au social : Borloo +Bertrand) 25 au 30 mai 2007 :deuxièmes rencontres N. Sarkozy - partenaires sociaux 10 juin 2007 :1er tour élections législatives 17 juin 2007 :2ème tour élections législatives 19 juin 2007 :formation du second gouvernement Fillon (au social : Lagarde + Bertrand) fin août - début septembre 2007 :troisième série de rencontres N. Sarkozy - partenaires sociaux 15-16 septembre 2007 :quatrième consultation N. Sarkozy - partenaires sociaux 31 décembre 2007 :achèvement des conférences tripartites, examen des négociations sociales 9 et 16 mars 2008 :élections municipales 1er juillet 2008 :la France prend la présidence (pour six mois) de l’Union européenne 3 décembre 2008 :élections prud’homales
2. Les réformes sociales.
2.1. Intervention gouvernementale directe.
Deux priorités affichées en mai 2007, pour réalisation rapide : Heures supplémentaires : « travailler plus pour gagner plus » loi du 21 août 2007 et décret d’application du 25 septembre 2007 (entrée en application le 1er octobre 2007). Le service minimum loi du 21 août 2007.
2.2. Négociations entre partenaires sociaux et/ou intervention gouvernementale.
Les quatre chantiers de la délibération sociale 23 octobre 2006 :rencontre MEDEF-syndicats : contrat de travail, sécurisation parcours professionnels, assurance-chômage. 31 mai 2007 :lettre F. Fillon invitant à ouvrir des négociations sur ces trois thèmes + un (démocratie sociale). 19 juin 2007 :rencontre MEDEF-syndicats décidant l’ouverture de trois ateliers à partir du 4 juillet. 7 septembre 2007 :début des négociations sur la réforme du marché du travail.
Les trois conférences tripartites 4 octobre 2007 :conditions de travail (réunions préparatoires depuis le 3 septembre). 25 octobre 2007 :emploi, pouvoir d’achat, salaires (préparation depuis le 10 septembre). 12 novembre 2007 :égalité professionnelle entre hommes et femmes (préparation à partir du 18 septembre).
Le « Grenelle de l’environnement » 6 juillet 2007 :lancement des six groupes de travail. 27 septembre 2007 :publication des propositions des groupes. 1er au 15 octobre 2007 :consultation publique. Après le 22 octobre 2007 :annonce des mesures retenues. 2009 :réunion de suivi.
Les autres chantiers Fonction publique : 4 conférences.
les valeurs et les missions de l’Etat (à partir du 1er octobre).
les parcours professionnels (à partir du 8 octobre).
les salaires et le pouvoir d’achat (à partir du 21 octobre).
le dialogue social.
Travail des seniors. Réforme des retraites (régimes spéciaux, poursuite de la réforme de 2003). Ouverture des commerces le dimanche. TVA sociale (thème transmis pour avis au Conseil économique et social). Mesures visant à réduire les déficits des systèmes de Sécurité sociale. Rapprochement UNEDIC-ANPE.
A lire aussi dans les Etudes sociales et syndicales : Les risques d’un troisième tour social. 17 mai 2007 Comment organiser la rupture sans créer de cassure sociale. 26 mai 2007 Rentrée sociale : la pression élyséenne. 6 septembre 2007 « Grenelle de l’environnement » : nouveaux acteurs, nouveaux enjeux. 21 septembre 2007
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