Le Parti communiste vient de fêter ses 80 ans. Sa création, en 1920, a été le résultat d'une scission avec le Parti socialiste. Une scission qui a précédé celle de la CGT, quelques mois plus tard.
Ce n’est point, comme on l’a écrit (Le Figaro, 16 décembre 2000), la " gauche plurielle " qui est née à Tours à la Noël 1920, quand le XVIIIè Congrès national du Parti socialiste consacra la scission de la " section française de l’Internationale socialiste " et la naissance du Parti communiste français. Le Parti socialiste n’était pas alors un parti de gauche, mais d’extrême-gauche, ce qu’il maintiendra jusqu’en 1936 environ. La gauche alors était libérale, et même sa branche la plus jacobine, celle que n’effrayait pas l’extension des services publics, par exemple l’étatisation des chemins de fer. Elle défendait vigoureusement la propriété privée, la libre entreprise, l’économie de marché.
Ce qui est né à Tours, c’est la pluralité du mouvement ouvrier, sa pluralité sur le plan politique, sa pluralité sur le plan syndical. Car la scission du parti socialiste -unifié depuis 1905- a entraîné celle de la CGT, créée en 1895, mais qui n’avait eu d’existence substantielle que depuis 1902 et l’absorption de la Fédération nationale des Bourses du travail. Ni Lénine ni Trotski qui souhaitaient la scission du parti pour avoir une organisation politique à leurs ordres, ne désiraient la scission de la CGT ; ils voulaient faire de celle-ci " l’organisation de masse " du parti, l’organisation à l’aide de laquelle le parti mobiliserait et manipulerait les masses, ce qu’il était incapable de faire en agissant ouvertement sous ses propres couleurs, et leur intérêt était donc que la CGT (alors pratiquement la seule confédération syndicale, malgré l’apparition récente d’une CFTC encore marginale) conservait son unité et avec son unité sa force qui alors en dépit de l’échec de la grève générale de 1920, dépassait toujours ses plus hauts sommets d’avant 1914.
Pourtant, ce sont eux, ce sont leurs exigences " organisationnelles " qui rendirent inévitables la scission syndicale.
Non seulement ils exigeaient que le parti -déjà le plus structuré et le plus discipliné qu’on connût en France, et, en cela, le plus contraire à l’esprit de la démocratie libérale- adoptât une discipline de type militaire, le centralisme démocratique et qu’il fût totalement soumis aux ordres de l’internationale, c’est-à-dire d’eux-mêmes.
Non seulement ils exigeaient que l’on doublât l’action publique d’une action clandestine et qu’on ne se servît des institutions parlementaires que pour les déconsidérer et pour empêcher toute réforme qui pourrait apaiser les mécontentements et, de ce fait, diminuer l’ " élan révolutionnaire " des masses.
Mais ils exigeaient aussi et surtout qu’on mit fin à ce modus vivendi établi depuis 1906 en France entre la CGT et le Parti socialiste et qui faisait que celui-ci s’interdisait d’intervenir dans les affaires de celle-là, à moins qu’elle n’eût demandé assistance.
La neuvième des vingt et une conditions auxquelles les partis socialistes devaient souscrire pour être admis dans l’internationale communiste ou Komintern était ainsi formulée :
"9. Tout parti désireux d’appartenir à l’I.C. doit poursuivre une propagande persévérante et systématique au sein des syndicats, coopératives et autres organisations des masses ouvrières. Des noyaux communistes doivent être formés dont le travail opiniâtre et constant conquerra les syndicats au communisme [...] Ces noyaux communistes doivent être complètement subordonnés à l’ensemble du Parti. "
Cette prétention de s’emparer par noyautage de la direction des organisations syndicales et de les mettre au service du Parti était si contraire à la tradition française que Boris Souvarine, l’auteur véritable de la " motion Frossard-Cachin " qui obtint la majorité au Congrès de Tours, avait tenté d’édulcorer, notamment en faisant disparaître le terme de noyautage. En vain. Les socialistes démocrates ne se laissèrent pas séduire par des concessions toutes verbales de ce genre, et ce fut la scission, celle du parti d’abord et, sept mois plus tard, lors du XVIè congrès confédéral tenu à Lille en juillet 1921, celle de la CGT.
Depuis lors, la mainmise du Parti communiste sur une large partie du mouvement syndical n’a pas cessé de peser lourdement sur l’action syndicale et la vie politique en France.
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