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Photo du rédacteurBernard Vivier

Comment réécrire le code du travail ?

Le code du travail est devenu obèse. L'inflation législative est devenue un obstacle à l'efficacité. Le besoin de simplification s'impose. Mais peut-on simplifier sans réduire ?


En nous adressant l’édition 2005 du code du travail, les éditions Dalloz nous préviennent : « Avec plus de 600 articles modifiés, cette 67ème édition se caractérise par une grande richesse (sic) en nouveautés législatives et réglementaires ». Sur cédérom (code du travail Dalloz expert), la même maison d’édition met à disposition des lecteurs, en « navigation simple et rapide » 7.000 arrêts de jurisprudence en texte intégral.


Avec 2.720 pages, cette 67ème édition du code du travail franchit une nouvelle étape dans l’obésité.


A la différence du code civil de 1804, fruit d’une réflexion cohérente sur l’organisation de la société et des relations entre les personnes, le code du travail n’est guère que le résultat des additions successives des lois sociales depuis le début du XXème siècle. Lois, décrets et règlements s’accumulent régulièrement chaque année ; bien peu sont déclarés obsolètes et ôtés du recueil.



Les "perles" du code du travail


Conséquence : par-delà son volume, le code du travail multiplie les risques de complication, de confusion, voire de contradiction, propres à créer une insécurité juridique croissante. Sans parler des anachronismes qu’aucun inspecteur du travail, même irascible ou provocateur, se permettrait de faire appliquer. Exemple : l’article R 224-4 qui impose aux entreprises employant plus de 100 ouvrières de mettre à disposition des chambres d’allaitement. Ou encore l’article L 323-36 qui exige des entreprises d’embaucher un quota (fixé par le préfet) de pères de famille de trois enfants ou de veuves ayant au moins deux enfants à charge. La sanction est même fixée : 10 centimes de franc (0,02 euro) par jour ouvrable et par manquement constaté. Ou encore l’interdiction de faire travailler les femmes au transport de marchandises « sur tricycles porteurs à pédales » ou « sur diables, cabrouets, charrettes à bras ».


400.000 textes réglementaires


Ce phénomène ne concerne pas le seul droit du travail. Notre pays est régi, est-il estimé, par quelque 8.000 lois et 400.000 textes réglementaires, sans compter les circulaires administratives et les textes de jurisprudence.


En une trentaine d’années, le nombre moyen annuel de lois votées a augmenté de 35 % tandis que le Journal officiel compte en moyenne chaque année 500 pages supplémentaires. La loi sur la réforme des retraites comportait 81 articles au début de la discussion au Parlement et 116 à la fin de la discussion, après examen de 11.153 amendements à l’Assemblée nationale et 1.153 au Sénat.


Comment continuer à prétendre que tout citoyen peut vivre de façon certaine en conformité avec les textes, à soutenir que « nul n’est censé ignorer la loi » ? Appliquée aux relations sociales, cette observation permet d’affirmer que, dans les faits, un chef d’entreprise n’est rien de moins qu’un délinquant en puissance...


Un des pères du code civil, Portalis, le disait en son temps : « Il ne faut point de lois inutiles ; elles affaiblissent les lois nécessaires ».



Marc-Antoine Baudot (1765-1837) fut conventionnel et représentant du peuple en mission aux armées. Il avait une méthode claire et directe pour procéder à ce que l’on appelle aujourd’hui des simplifications administratives...

Les propositions du CES


Dans un avis présenté le 25 mai dernier par Mme Anne Duthilleul, le Conseil économique et social énonce avec clarté sept axes d’amélioration pour simplifier les procédures administratives : rendre lisible le droit, faciliter l’accès au droit pour tous, utiliser les moyens électroniques de communication, structurer en réseau les services rendus au public, accompagner le public dans une relation de confiance, mieux légiférer (notamment en séparant le législatif du réglementaire), simplifier ce qui est le plus complexe.


Ce dernier point concerne très directement le monde des entreprises et le droit du travail. La loi d’habilitation du 9 décembre 2004 (la deuxième du genre, après celle du 2 juillet 2003) portant simplification du droit autorise, dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le gouvernement à modifier par ordonnance le code du travail. Et un troisième projet de loi d’habilitation est prévu pour les semaines à venir.


Une commission au travail


C’est dans cette visée que M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, a installé, le 16 février dernier, une commission visant à rédiger un nouveau code du travail, « à la fois plus sûr, plus clair et plus compréhensible ».


La tâche est des plus délicates. Car, derrière l’ardente obligation d’un code du travail plus efficace parce que plus simple, se dégagent des intentions opposées. Les organisations syndicales se contenteraient volontiers d’un travail technique de révision du plan, d’harmonisation du vocabulaire, de mise en cohérence des textes existants. Certains milieux politiques plaident pour un profond « assouplissement » du code du travail, affirmant (Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, Les Echos, 25 mai 2005) que « trop rigide, le code du travail est devenu un frein à l’emploi ». Des propos repris en des termes proche par Mme Laurence Parisot, une des candidates au poste de président du MEDEF. L’exigence dictée par la campagne électorale pour succéder à M. Seillière (il faut bien séduire son électorat...) n’explique pas tout le propos. Un rapport remis en 2004 par M. Michel de Virville, secrétaire général de Renault (et ancien directeur de cabinet d’un ministre du travail) ouvre la voie à une recodification qui ne se ferait pas strictement à droit constant.


La question est bien là : comment inscrire dans les textes l’indispensable mobilité du travail et, en même temps, les non moins nécessaires garanties individuelles et collectives des travailleurs ? Comment éviter que trop de lois finissent par étouffer la société et les entreprises et, en même temps, éviter que, faute de lois suffisantes, la liberté n’en vienne à opprimer les plus démunis (Lacordaire le disait en 1848 : « Entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ») ?


Les chefs d’entreprise, les salariés aussi... et les éditeurs des codes du travail souhaitent, au fond plus qu’il n’y parait dans certains propos à l’emporte-pièce, un droit plus efficace parce que plus simple et plus clair.

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