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Espagne : comment s'organise le dialogue social ?

Notre pays s'interroge sur la modernisation du dialogue social (rapport Chertier en mars 2006, avis du Conseil économique et social en novembre 2006). Comment, ailleurs en Europe, s'organise le dialogue social ? Un récent voyage du ministre du travail au Pays-Bas et en Espagne nous donne l'occasion d'observer les pratiques dans ces pays.


La réforme des retraites engagée début 2003 par le ministre du travail du moment, François Fillon, fut l’occasion d’une démarche inédite en direction des partenaires sociaux. Ceux-ci furent invités par le ministre à l’accompagner dans une série de déplacements en Europe. Objectif : rencontrer les représentants des gouvernements et les partenaires sociaux des pays visités pour comprendre, dans le contexte économique et culturel, la façon dont la question des retraites était abordée et la méthode utilisée pour procéder aux réformes nécessaires.


Si l’accueil réservé à cette proposition fut inégal d’une organisation syndicale à une autre, la démarche fut globalement bien accueillie. Comment, aujourd’hui, pourrait-il en être autrement ? L’internationalisation des échanges (et, au premier chef, des échanges humains et du marché du travail) tout comme la lente mais certaine construction sociale européenne poussent les partenaires sociaux à intégrer, dans leurs réflexions et leurs actions nationales, les autres expériences européennes.


Un travail d’appropriation


La méthode vient d’être reprise avec, à nouveau, un résultat certain par Gérard Larcher, ministre du travail, pour observer les conditions d’exercice du dialogue social. Un voyage a ainsi été organisé à La Haye et à Madrid les 21-22 et 23 septembre dernier où le ministre s’est rendu, en compagnie de partenaires sociaux et d’observateurs.


Par-delà les effets produits sur les personnes voyageant ensemble (meilleure connaissance des logiques perspectives), la démarche favorise grandement l’appropriation de la problématique française par la mise en perspective d’expériences étrangères, ainsi que l’évaluation des enjeux et la compréhension des différents schémas d’action possibles.


Dans quelques grandes entreprises à dimension internationale dotées de structures de concertation européenne (comités d’entreprise européens), la méthode commence à être aussi observée. Elle est, dans le respect des positions de chacun, source de progrès.


On trouvera ci-après la synthèse réalisée par le ministre du travail Gérard Larcher à l’occasion de son périple en Espagne.


Bernard VIVIER


Le contexte du dialogue social en Espagne est marqué par l’évolution historique du pays et la volonté clairement affichée des partenaires sociaux de consolider le processus démocratique. Cette culture de dialogue remonte aux accords politiques de la Moncloa (1977) même si les partenaires sociaux n’en étaient pas partie mais qu’ils ont soutenus.




L’évolution de ce dialogue social est passée par plusieurs phases :

  • de la fin du franquisme jusqu’en 1986 : forte implication des syndicats dans la transition démocratique ;

  • de 1986 jusqu’à 1994 : affaiblissement du dialogue social ;

  • de 1994 jusqu’à aujourd’hui : dialogue social vivant, de nombreux sujets étant renvoyés directement à la négociation. Cela ne signifie d’ailleurs pas que des accords ont toujours été trouvés, soit que la négociation ait échoué, soit que le gouvernement privilégie le passage en force sur certains aspects de son programme, entraînant des grèves générales (en 2002 notamment sous le deuxième gouvernement Aznar).

Un accord cadre en 2004


Une innovation majeure a eu lieu en 2004 avec la signature d’un accord cadre, passé en début de législature par le gouvernement et les partenaires sociaux. Celui-ci, rédigé à l’initiative du gouvernement mais à l’issue de discussions tripartites approfondies, comportait :

  • un diagnostic sur les défis à relever dans le champ économique et social,

  • un agenda de réforme présenté par thèmes,

  • et, pour ces thèmes, la répartition entre les champs réservés au bipartisme et au tripartisme (parmi ces derniers, ceux impliquant l’Etat, notamment en raison de leurs conséquences sur les finances publiques). De plus le nouveau gouvernement Zapatero a annoncé d’entrée de jeu son intention de ne pas légiférer faute d’accord des partenaires sociaux, donnant ainsi un relief et une importance particuliers aux discussions qui s’engageaient.



Sous cet « accord chapeau », plus d’une dizaine d’accords ont été passés entre 2004 et aujourd’hui, dont certains de portée majeure comme l’immigration du travail, la formation professionnelle, la modernisation du service public de l’emploi, la prise en charge de la dépendance, la sécurité sociale (sur ce champ une négociation intervient tous les 4 ou 5 ans, pour garantir la viabilité financière du système), la réforme du contrat de travail (réforme globale portant à la fois sur le contrôle du recours au CDD, sur les indemnités de licenciement, sur les cotisations d’assurance chômage). Ont également été abordés le salaire minimum et l’égalité hommes femmes, par exemple.


Ce système repose sur un grand pragmatisme et sur une absence de formalisme : en témoigne notamment la succession à différentes périodes de pratiques très différentes des partenaires sociaux.

Prochain article : « Le dialogue social au Pays Bas »

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