{{Au niveau international, les gouvernements se concertent pour organiser une réponse à la triple crise financière, économique et sociale que nous vivons. Dans le même temps, des réflexes protectionnistes se développent dans les différents pays concernés. Une régulation mondiale est-elle réaliste ? Quel rôle les Etats-nations peuvent-ils jouer ? L'Europe peut-elle s'affirmer ou, au contraire, s'affaiblir ? Les nouvelles frontières du monde se cherchent, sur fond d'inquiétude généralisée. }}
Le monde d’avant la chute du mur de Berlin était violent et simple à la fois. La logique des blocs faisait s’affronter l’économie libérale et l’économie collectiviste, le monde libre et le système communiste, les sociétés ouvertes et les sociétés fermées. Nixon contre Brejnev, Ouest contre Est, OTAN contre Pacte de Varsovie, zone dollar contre COMECON, monde syndical libre (celui de la CISL) contre monde syndical communiste (celui de la FSM).
Pour qui a eu l’occasion douloureuse de franchir à Berlin le point de passage entre l’Est et l’Ouest, au lieu dit Charlie check-point, l’annonce de la chute du mur de Berlin, en ce jour historique du 9 novembre 1989, a marqué la libération des peuples opprimés par le communisme et a ouvert la voie à un monde sans frontière.
Cette ouverture politique s’est produite de façon concomitante - ce n’est pas un hasard total - au formidable développement des technologies de l’information et à l’accélération des échanges industriels et commerciaux.
- Effacement des frontières -
Vingt ans après la chute du mur de Berlin, l’Internet traverse la planète, réduit les distances, rapproche et bouscule à la fois les cultures et les sociétés.
La facilité à organiser les transports de marchandise et les transferts d’argent donnent à la mondialisation de l’économie, phénomène pourtant ancien, une vitesse et des expressions nouvelles. Mêlant efficacité et brutalité, cette mondialisation apporte à de nouvelles régions du monde des opportunités de développement et d’accès à la production de masse. Elle inverse aussi l’ordonnancement traditionnel de la production avec son cortège de délocalisations et de concentrations.
Berlin, 09 novembre 1989 - New York, 11 septembre 2001
L’effacement des frontières constitue ainsi une donnée majeure de notre époque. Progrès incontestable, cet effacement des frontières produit aussi, du fait de son ampleur et de sa soudaineté, des chocs en retour.
Sur le plan politique, la puissance américaine s’affirme sur l’ensemble du monde comme le gendarme des crises. Les réactions nationalistes et identitaires, contre-coup de la globalisation, s’expriment alors contre elle. Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 sur le territoire américain marquent une autre date historique de ce tournant de siècle.
Sur le plan économique, la relation entre production et producteurs change de sens. Naguère centrée sur les territoires de l’Europe et des Etats industriels traditionnels, la production industrielle migre vers les zones à faible coût de main d’œuvre. Alors que les travailleurs des pays pauvres migrent encore vers les pays riches, le travail effectue, pour sa part, un mouvement inverse, en étant déplacé des pays riches vers les pays émergents.
Le phénomène concerne la planète entière tout autant que l’Europe en construction, désormais zone sans frontière entre 27 pays appelés à vivre dans la même Union.
Sur le plan financier, les mouvements de capitaux ont pris des dimensions considérables. Des volumes d’argent ont pu se mouvoir à travers la planète, en dehors de toute régulation. Les risques pris aux Etats-Unis ont été diffusés au monde entier, en l’espace de deux ans, depuis la crise des subprimes de l’été 2006 jusqu’à l’effondrement actuel, en passant par les défaillances bancaires et la chute des marchés boursiers.
Sur le plan social, la perte de repères est grande, tout particulièrement en Europe et plus encore en France, où le rôle de l’Etat a, jusqu’à ce jour, été très fort. Pendant de longues décennies, l’Etat a joué un rôle central dans l’organisation de l’économie et dans l’édification des règles sociales. Des statuts sociaux avantageux ont été mis en place ou validés par l’Etat.
- Les statuts ne sont plus protecteurs -
Plus rien de tel aujourd’hui. Les statuts ne sont plus protecteurs et les Etats ne sont plus régulateurs. Plusieurs millions de personnes en France découvrent peu à peu l’exigence du passage de la notion de statut à la notion de contrat et l’apparition du marché du travail en lieu et place de la puissance publique, comme régulateur de l’emploi et comme lieu producteur de la norme sociale. La réforme des retraites, en 2003, a constitué une étape significative de cette prise de conscience.
Les corps intermédiaires de la société (patronat et syndicats de salariés) ayant été longtemps contenus par l’Etat dans leur capacité à produire de façon autonome la norme sociale, ne se trouvent pas aujourd’hui en situation de gérer les transitions et d’ordonner les priorités.
Les réglementations sont restées nationales alors que les réalités économiques et sociales sont devenues mondiales ou, à tout le moins, européennes. Le déficit de gouvernance sociale au niveau européen manque cruellement pour répondre au besoin d’organiser, à cet échelon, un marché du travail désormais sans frontière.
- Inquiétude sociale -
Les inquiétudes sociales et les manifestations syndicales des semaines dernières et des semaines à venir (les syndicats envisagent, après le succès des mobilisations du 29 janvier, une nouvelle journée le 19 mars prochain) sont ouvertement centrées sur l’exigence du pouvoir d’achat et le soutien à la consommation. Elles expriment aussi une inquiétude généralisée sur l’emploi et sur l’avenir du dispositif de production industrielle.
Mais l’ampleur de ces manifestations révèle des inquiétudes plus profondes et plus lourdes encore, qui ne procèdent pas du seul porte-monnaie. Elles tiennent aux interrogations sur le rôle régulateur et protecteur des Etats ; elles se nourrissent aussi de la déconnection observée entre les exigences du développement durable des entreprises et les pratiques de rendement à court terme de certains actionnaires.
Répondre à ces inquiétudes profondes, c’est éviter de transformer une lourdeur sociale croissante en une crise politique lourde.
Les grands rendez-vous contre la crise 29 janvier 2009 : manifestations syndicales en France 02 février 2009 : — annonce du plan de relance gouvernemental par François Fillon, premier ministre, pour un montant de 26 milliards d’euros — rencontre intersyndicale 05 février 2009 : entretien télévisé du président de la République, annonce du sommet social du 18 février 09 février 2009 : 2ème rencontre intersyndicale 13 et 14 février 2009 : réunion des ministres des finances du G7 à Rome
18 février 2009 : sommet social à l’Elysée, réunissant gouvernement, patronat, syndicats. Annonce de nouvelles mesures sociales pour 2,6 milliards d’euros 22 février 2009 : réunion des chefs d’Etat européens du G20 à Berlin 23 février 2009 : 3ème rencontre intersyndicale 1er mars 2009 : sommet informel des chefs d’Etat de l’Union européenne à Bruxelles, sur le protectionnisme 14 mars 2009 : réunion des ministres des finances du G20 à Londres 19 mars 2009 : manifestations syndicales en France 19-20 mars : conseil européen des 27 chefs d’Etat à Bruxelles 02 avril 2009 : sommet des chefs d’Etat du G20 à Londres
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