Elue à la présidence du MEDEF le 5 juillet dernier, Laurence Parisot effectue ces jours-ci ses premiers pas dans le débat public. Des changements de forme sont observés, sans que l'on observe pour autant un bouleversement des priorités.
Depuis le 5 juillet, date de son élection à la présidence du MEDEF (où elle a été élue dès le premier tour de scrutin, au terme d’une campagne où ont foisonné les candidatures et où l’issue du scrutin est restée longtemps incertaine), Laurence Parisot était restée relativement discrète, s’efforçant de prendre la mesure de l’appareil patronal dont elle a désormais la charge.
Deux mois après, sa « rentrée sociale » prend forme. A l’occasion de la 7ème Université d’été du MEDEF, sur le campus de HEC à Jouy en Josas, Laurence Parisot a pu annoncer ses premières orientations et décisions, dans une ambiance à la fois studieuse et décontractée (depuis 1999, date de la première Université d’été, le MEDEF renouvelle chaque année une brillante prestation de réflexion collective, réunissant cette année 3000 participants et 140 intervenants sur trois jours).
Nouvelle équipe dirigeante
Au matin du 29 août, premier jour de l’Université d’été, le Conseil exécutif du MEDEF a entériné la nouvelle composition du Bureau ainsi que la liste des commissions de travail. Quelques départs (dont celui de Guillaume Sarkozy, candidat malheureux à la présidence) et quelques arrivées ne signent pas une franche rupture dans l’équipe de direction, tout au plus une inflexion vers une présence plus marquée des représentants des entreprises et des branches non-industrielles du MEDEF. Cette inflexion est somme toute logique, en ce sens qu’elle reflète la montée en puissance de l’emploi non-industriel en France et, partant, le désir croissant des fédérations professionnelles du MEDEF concernées à prendre plus de poids dans l’appareil de direction.
Lors de la campagne pour la succession d’Ernest-Antoine Seillière, le phénomène était déjà visible. Il a constitué une sorte de toile de fond à la pièce de théâtre qui se jouait alors entre fédérations. L’UIMM est ainsi apparue, au terme d’une campagne où elle n’avait pas soutenu Laurence Parisot, comme un peu touchée dans sa puissance.
Le savoir-faire de l’UIMM
La réalité quotidienne de la vie du MEDEF ne doit pas pour autant faire lire cet évènement comme une rupture. Le savoir-faire, l’organisation, la capacité d’action, le professionnalisme de l’UIMM sont tels (services aux adhérents, production juridique, capacité à négocier avec les syndicats et les pouvoirs publics) que cette fédération demeure - et pour quelque temps encore - l’axe fort du MEDEF dans son développement général.
La suppression des 9 groupes de proposition et d’action (GPA), qui pilotaient les travaux thématiques du MEDEF laisse place à 10 commissions ainsi qu’à 3 commissions « grands chantiers », dont celle nommée « dialogue économique » dont nous reparlerons.
Cette organisation n’est pas définitive. Dans les semaines à venir, l’équipe des permanents du siège se verra aménagée autant que de besoin et, lors de la prochaine assemblée générale du MEDEF, en janvier 2006, le conseil exécutif sera à son tour actualisé. La question du rôle des MEDEF territoriaux et de l’action du MEDEF dans sa dimension territoriale (par rapport à ses actions professionnelles), question peu débattue ces derniers mois, sera-t-elle alors évoquée ? Affaire à suivre.
Autre discours, même ligne
Par-delà les adaptations de l’appareil et des instances du MEDEF, l’Université d’été a été l’occasion d’apprécier le positionnement de Laurence Parisot sur les thèmes d’action à venir et sur le style qu’elle entend donner à ses relations avec les syndicats et les pouvoirs publics.
L’impression est nette : Laurence Parisot développe un discours plus mesuré que son prédécesseur, sur une ligne générale proche. Les critiques et les formules à l’emporte-pièce des trois dernières années de la présidence Seillière (souvenons-nous du faux pas exprimé en direction du Premier ministre, qualifié en 2004 de « pauvre Monsieur Raffarin ») disparaissent. Place au dialogue, à l’écoute.
Si les critiques de fond demeurent à l’encontre de l’Etat et de ses interventions exagérées dans la vie économique et sociale, l’heure est à l’appel à une démarche de construction et de partenariat.
Rencontres avec les syndicats
Le 6 septembre, Laurence Parisot, entourée d’une dizaine de dirigeants et grands permanents du MEDEF, a entamé une série de rencontres au sommet avec les dirigeants des grandes confédérations syndicales. Premier invité le 6 septembre, François Chérèque, de la CFDT, déclarait en sortant que « le ton a changé au MEDEF ». Le lendemain 7 septembre, Jacques Voisin, de la CFTC, se félicitait pareillement d’un « échange très direct et sans langue de bois ».
A l’issue de l’ensemble de ces rencontres, la présidente du MEDEF fera « un point général sur notre façon de travailler avec les syndicats ».
Encore prudente sur les sujets de brûlante actualité (Laurence Parisot s’est très peu exprimée cet été sur l’actualité économique, pourtant fournie en motifs à prise de position), la nouvelle présidente du MEDEF entend développer une autre pédagogie sur l’économie, sur l’Europe, sur le fonctionnement de la société, sur le rôle des entreprises dans le développement de notre pays.
Les thèmes traditionnels sont rappelés : redonner goût au travail (notamment en creusant l’écart entre revenus du travail et revenus de l’assistance), réformer le code du travail, améliorer l’environnement juridique, fiscal et psychologique des entreprises.
C’est donc une sorte de main tendue aux syndicats qu’opère Laurence Parisot.
Quelle réponse syndicale ?
Ces derniers, aujourd’hui en recherche d’affirmer un rapport de force visible dans la rue (organisation d’une journée intersyndicale le 4 octobre) sauront-ils répondre ? Plus de quatre ans après la fin de l’opération « refondation sociale » lancée en 1998, le besoin est grand dans notre pays d’affirmer la capacité des partenaires sociaux à construire un dialogue social débouchant sur des accords nationaux importants. Car l’enjeu est là : la meilleure façon de ne pas laisser la loi et les règlements étatiques envahir la vie des entreprises et définir la norme sociale, c’est bien de voir syndicats et patronat construire ensemble, par eux-mêmes, les règles qui leur sont nécessaires. C’est ce que l’on appelle la politique contractuelle. La vitalité des négociations collectives constitue le meilleur traitement à opposer à l’embonpoint aujourd’hui inquiétant des règles étatiques.
Les avancées sociales opérées dans l’ensemble des pays européens montrent l’efficacité de cette démarche. Les « pactes sociaux » fleurissent en Espagne, en Allemagne, en Italie, ailleurs encore, qui voient se réunir régulièrement gouvernement, syndicats (souvent coordonnés entre eux) et patronat pour opérer les ajustements nécessaires et définir les nouveaux équilibres économiques et sociaux.
L. Parisot accueille J. Cl. Mailly (FO)
A entendre les leaders syndicaux, y compris ceux dont une partie de leurs effectifs reste collée à une conception guerrière des relations sociales (la CGT, parfois aussi à la CFDT ou FO, sont soumises à ces pressions internes), une telle évolution n’est plus une vue de l’esprit. La façon de faire, la pédagogie de la nouvelle équipe du MEDEF auront à tenir compte tout à la fois de cette perspective et des freins culturels qui subsistent dans notre pays.
Une nouvelle commission
La création d’une nouvelle commission, intitulée « dialogue économique » et présidée par Véronique Morali, apparaît ici comme un outil particulièrement utile à la démarche. En nouant des contacts avec les syndicats, les associations, les ONG et les mouvements concernés par les questions économiques et sociales, en développant une vraie culture économique, en diffusant une information simple et complète à la fois sur les enjeux, les chances et les risques de notre économie, le MEDEF peut contribuer à changer l’image des entreprises, trop souvent mises en avant dans les média pour les moments difficiles qu’elles vivent (licenciements, restructurations) et insuffisamment pour les évènements heureux qu’elles créent (embauches, formation, etc).
Là encore, cette nouvelle commission peut participer à la démarche de pédagogie en profondeur qui semble caractériser les premiers pas de la présidence de Laurence Parisot.
Au lendemain de l’Université d’été qui avait pour thème « Réenchanter le monde », Laurence Parisot dispose d’un premier mandat de cinq ans pour relancer le dialogue social... et réenchanter le MEDEF.
La nouvelle organisation du MEDEF (29 août 2005)
Membres du bureau
- Laurence Parisot (présidente)
- Jérôme Bédier
- Patrick Bernasconi
- Jean-René Buisson
- Daniel Dewavrin
- Georges Drouin
- Denis Gautier-Sauvagnac
- Dominique Hériard-Dubreuil
- Yvon Jacob
- Hugues-Arnaud Mayer
- Bernard Mesuré
- Ariane Obolensky
- Christian Baffy, vice-président trésorier (invité permanent)
Commissions et leur présidence
- Commission économie - Président : Pierre Nanterne
- Commission relations du travail et politiques de l’emploi - Président : Denis Gautier-Sauvagnac
- Commission protection sociale - Président : Jean-René Buisson
- Commission fiscalité - Présidente : Marie-Christine Coisne
- Commission développement des territoires - Président : Hugues-Arnaud Mayer
- Commission Europe - Président : Jérôme Bédier
- Commission international - Président : Manuel Gomez
- Commission recherche et innovation - Président : Charles Beigbeder
- Commission formation - Président : Francis Da Costa
- Commission droit de l’entreprise - Président : Bernard Field
Commissions « Grands chantiers » et leur présidence
- Commission entreprises et société - Président : Pierre Fonlupt
- Commission dialogue économique - Président : Véronique Morali
- Commission nouvelles génération - Président : Laurence Danon
Pour en savoir plus
A lire dans« Les Etudes sociales et syndicales »
- 29 janvier 2002 :le MEDEF est-il en campagne électorale ?
- 24 septembre 2004 :le MEDEF en bref
- 20 mai 2005 :aux origines du MEDEF : la CGPF
- 24 juin 2005 :comment fonctionne le MEDEF ?
- 1er juillet 2005 :quel successeur au président Seillière ?
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