La candidature de Philippe Poutou à l'élection présidentielle de 2012 a permis au Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) de s'exprimer sur la scène politique. Les militants NPA sont aussi présents dans le mouvement syndical. Ils y portent les thèmes jadis promus par la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), dont est issu le NPA.
Loin des débats français sur les dissensions internes au NPA, le numéro 584 de la revue INPRECOR faisait en mai 2012 l’éloge funèbre de Jakob Moneta (1914-2012), un des derniers leaders de la IVème Internationale à avoir commencé à militer du vivant de Trotski. INPRECOR est la revue d’information de la IVème Internationale trotskiste dont la section française fut des années 1970 à 2009 la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Le 5 février 2009, la LCR s’est auto dissoute au sein du Nouveau parti anticapitaliste (NPA). En ce mois juillet 2012, les dernières défections qui frappent le NPA lui rendent peu à peu la physionomie de la LCR à sa création.
1- Création
Le Nouveau Parti Anticapitaliste est né le 6 février 2009 d’une initiative de la LCR : créer un parti de masse implanté dans la jeunesse, les entreprises, les services publics et les quartiers populaires. Cette mue de la LCR était elle-même la reprise d’un mot d’ordre de la IVème Internationale : susciter partout la création de partis anticapitalistes comme instrument de lutte contre la mondialisation libérale. En France, l’héritage de la IVème Internationale était assumé depuis 1953 par le Parti communiste internationaliste de Pierre Franck, qui fut rejoint en 1965 par une partie de l’Union des étudiants communistes quittant le PCF, avec à leur tête un certain Alain Krivine. Ce dernier devint pendant quarante ans le chef de file le plus connu de l’extrême gauche trotskiste. Son parti, devenu Ligue communiste révolutionnaire en 1973, fut une importante fabrique de talents pour toute la gauche française jusqu’en 2009. Malgré des succès électoraux très hétérogènes, la LCR est une grande école de militantisme. C’est elle qui découvre le potentiel du jeune Olivier Besancenot alors qu’il n’est que lycéen et le conduit en 2002, à 27 ans, à la candidature à la présidence de la République, après qu’il ait appris le métier comme attaché parlementaire du député européen Alain Krivine en 1999-2000. Grâce à l’élan donné à la LCR par Olivier Besancenot, le parti se place en 2007 en deuxième position derrière le Parti socialiste parmi les partis de gauche. Il est alors temps pour la LCR de mettre à exécution son projet d’un grand parti « à gauche de la gauche ». C’est le NPA, qui voit le jour en février 2009. Lors de son congrès fondateur, il affiche un effectif de 9 000 militants, trois fois ceux de l’ex-LCR. Mais les succès du début vont peu à peu s’évanouir.
2- Structures
Siège : 2 rue Richard Lenoir, 93100 Montreuil Tél : 01 48 70 42 30 Site internet : www.npa2012.org Mail : ecrire@npa2009.org
3- Tendances internes et débats actuels
Le renoncement d’Olivier Besancenot à porter les couleurs du NPA pour l’élection présidentielle de 2012 est venu confirmer le malaise qui régnait au sein du parti depuis les élections régionales de mars 2010. A cette occasion, des tendances divergentes s’étaient manifestées sur la question d’un accord électoral avec le Front de gauche. Ces questions sont revenues, de façon cruciale, lors de la campagne de Philippe Poutou à l’élection présidentielle de 2012 et lors de la campagne législative qui suivi.
Deux tendances internes se sont opposées : l’une favorable à une alliance avec le Front de gauche, l’autre sur une stricte ligne d’autonomie du NPA. Le 8 juillet 2012, les premiers, réunis au sein de la fraction Gauche anticapitaliste, ont décidé de quitter le NPA pour rejoindre le Front de gauche. Ils disent avoir emmenés avec eux 40% des militants. La direction du parti estime cette défection à 20% de ses effectifs au plus.
Il s’agit du troisième mouvement de défection depuis sa fondation. Le premier eu lieu en 2010 quand une partie de la Gauche unitaire de Christian Piquet s’est rallié au Front de gauche pour les élections régionales. Le deuxième s’est produit en 2011 quand le courant Convergence et alternative a rejoint également le Front de gauche.
Il existe encore au sein du NPA deux tendances officieuses : le Courant communiste révolutionnaire et la fraction Pour le communisme, la lutte auto-organisée, internationaliste et révolutionnaire (CLAIRE), qui veulent toutes deux orienter le NPA vers le programme de la IVème Internationale.
4- Porte parole, figures de proues et personnalités diverses
Philippe Poutou : ouvrier métallurgiste chez Ford à Blanquefort et délégué syndical CGT. Il a d’abord milité à Lutte ouvrière avant une exclusion dans les années 1970. Il a été désigné candidat du NPA à la présidence de la République en 2012 et a obtenu 1,15% des voix au premier tour, le 22 avril 2012.
Philippe Poutou
Christine Poupin et Myriam Martin ont pris la succession d’Olivier Besancenot comme porte-parole du NPA en avril 2011, pour tenter de représenter le fragile équilibre interne du parti. Mais en mars 2012, Myriam Martin s’est prononcée pour un appel du NPA à voter pour Jean-Luc Mélenchon dès le premier tour de l’élection présidentielle, officialisant ainsi sa rupture.
Olivier Besancenot, François Sabado, Alain Krivine figurent parmi les leaders du NPA qui représentent l’ancienne LCR. Gérard Filoche, Julien Dray, Henri Weber ou Harlem Désir sont des anciens de la LCR qui ont rallié le PS, dans les années 1980, bien avant l’aventure du NPA.
Pierre Kalfa, membre dirigeant de l’association altermondialiste ATTAC, est aussi un ancien de la LCR. Il est membre de l’Union syndicale Solidaires.Daniel Gluckstein, co-secrétaire général du Parti ouvrier indépendant, a longtemps milité à la LCR avant de passer chez les frères ennemis lambertistes en 1980.
5- Direction
Le NPA est animé par un Conseil politique national (CPN) de 150 membres, qui élit en son sein un Comité exécutif (CE), doté d’un secrétariat permanent de plusieurs membres.
Des commissions locales représentent le NPA sur le territoire. Elles s’administrent librement.
Il existe aussi des commissions thématiques sur le féminisme, l’écologie, les quartiers populaires, l’intervention sur les lieux de travail, les questions homosexuelles, ou sur des domaines particuliers comme l’éducation, la santé, l’agriculture, etc.
Le secteur jeune du NPA dispose lui-aussi d’une certaine autonomie avec 60 comités locaux et une revue : L’Etincelle anticapitaliste.
6- Nombre d’adhérents revendiqués
Des 9 000 adhérents lors du congrès de fondation en 2009, le NPA est redescendu à 3 000 militants environ, soit les effectifs de l’ex-LCR lors de sa fusion au sein du NPA.
La récente défection du courant Gauche anticapitaliste aurait entrainé le départ de plusieurs centaines de militants. Elle représente aussi une perte financière pour le NPA, qui, selon ses statuts, a dû lui rétrocéder une part des subventions publiques perçues depuis 2009 au prorata des 40% que ce courant représentait lors du congrès du NPA de juin 2011.
7- Organes d’information
Contretemps est la revue mensuelle du NPA.
Le parti publie aussi un bulletin hebdomadaire : Tout est à nous ! et dispose d’un site internet d’information en ligne.
Certains secteurs professionnels ont leur propre site internet, comme Auto-critique pour le secteur automobile, et des comités locaux animent des blogs.
Enfin, le NPA continue de promouvoir la revue Inprecor, organe francophone de la IVème Internationale.
8- Affiliation internationale
La IVème Internationale continue de mentionner la LCR comme sa « section française », tout en précisant que celle-ci a rejoint le NPA en 2009. Officiellement, le NPA n’est pas adhérent de l’Internationale trotskiste. Toutefois, un des membres fondateurs du NPA, François Sabado, a publié dans Imprecor en janvier 2012 une « Note préparatoire à la réunion du Comité international » organisée par la IVème Internationale en février 2012.
Le NPA milite aussi pour la création d’un grand parti anticapitaliste européen.
9- Positionnement politique
Le NPA promeut le renversement de l’Etat, inapte selon lui à réaliser les aspirations égalitaires et démocratiques de la population. Celles-ci reposent, entre autres, sur la suppression du capitalisme et sur l’auto-organisation des producteurs. Plus largement, le NPA milite pour l’autogestion démocratique de la société. Sur le plan économique, le NPA s’affiche comme anticapitaliste et anti-productiviste. Cette dernière orientation lui dicte des positions écologistes et anti-nucléaire, mais aussi en faveur de la décroissance et de l’écosocialisme. Le NPA défend aussi un programme internationaliste, anticolonialiste et antiraciste. Il a pris position pour le parti anti-européen Syriza en Grèce et soutient la cause palestinienne depuis sa fondation. Sur les questions de société, le NPA promeut un féminisme radical et milite pour les droits « LGBT » (Lesbiens, gays, bi et transsexuels).
Son poids électoral est aujourd’hui anecdotique, avec 80 conseillers municipaux et 2 élus régionaux en Auvergne. En 2012, Philippe Poutou a enregistré 1,15% des voix au premier tour de l’élection présidentielle (411 178 suffrages). Aux élections législatives de cette même année, le score du NPA et de Lutte Ouvrière a totalisé 0,98% des voix.
10- Positionnement sur les questions sociales, relations avec les syndicats
En réclamant la semaine de travail de 32h, l’interdiction des licenciements et la taxation des fonds financiers, le NPA s’affiche comme un adversaire résolu de l’économie libérale. Il développe une analyse de la crise économique européenne qui exprime une remise en cause radicale des choix ayant jusqu’à présent orienté la construction européenne. Le NPA justifie aussi son refus d’une alliance avec le Front de gauche à cause de sa complaisance jugée trop grande à l’égard du PS et de la politique économique de rigueur du gouvernement Ayrault.
Il porte ses revendications et ses arguments dans le monde du travail à travers l’implantation de ses militants dans les syndicats. Ils sont influents à la CGT, en particulier dans les secteurs industriels comme la métallurgie ou la chimie. Philippe Poutou est lui-même un ouvrier de l’automobile. Une partie de l’Union syndicale des travailleurs de la métallurgie du Nord affiche également sa proximité avec le NPA. Dans les entreprises publiques, le NPA dispose de solides implantations à la Poste, où Olivier Besancenot est délégué syndical SUD PTT, et à la SNCF ou à EDF. Dans ces entreprises, les militants du NPA se retrouvent nombreux au sein des syndicats SUD. Le NPA est traditionnellement très présent dans l’éducation nationale, où ses militants animent la tendance Ecole émancipée, une des quatre tendances officielles au sein de la FSU.
En revanche, depuis l’éviction de ses militants révolutionnaires au début des années 1980, il ne reste à la CFDT que quelques altermondialistes, souvent issus d’ATTAC, qui ont pu se rapprocher du NPA à sa création. Les déchirements internes les ont depuis incités à prendre des distances.
L’action du NPA dans le monde du travail est de travailler à faire converger les luttes sociales en impulsant une unité d’action qui soit le prélude à une orientation révolutionnaire donnée aux conflits locaux. C’est pourquoi Olivier Besancenot est régulièrement venu apporter son soutien aux grèves dans les entreprises durant son mandat de porte-parole (2009-2011). Cette mission est aujourd’hui reprise par Philippe Poutou. Il s’agit à chaque fois de convaincre les grévistes que leur combat ne peut rester isolé et tourné vers de seuls objectifs financiers en termes d’indemnités, mais doit se connecter aux autres luttes de la région ou du secteur professionnel pour y puiser un élan révolutionnaire.
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