Toutes tendances confondues, le syndicalisme français ne regroupe que 7 % des salariés français. C'est trois fois moins qu'il y a trente ans. Le déclin syndical s'exprime de trois façons : crise de confiance, crise d'effectifs, crise d'audience. Avant d'analyser les causes du déclin syndical puis les actions de redressement possible, il faut d'abord observer les manifestations de la crise.
Si les instituts de sondage éprouvent des difficultés croissantes à estimer à l’avance les résultats des élections présidentielles, ils n’en ont guère pour annoncer la poursuite du déclin syndical dans notre pays.
- Crise de confiance -
Le dernier sondage réalisé par l’Institut CSA en janvier 2008, à la demande de l’Institut supérieur du travail et de l’association Entreprise et Personnel montre combien les salariés portent un jugement mitigé sur leur représentation syndicale.
Près d’un salarié sur deux (47 %) estime que les organisations syndicales nationales représentent bien les salariés. A contrario, 49 % pensent qu’elles représentent mal (4 % ne se prononcent pas).
Lorsqu’on se place à un niveau personnel, le regard est plus sévère encore : 50 % des salariés se sentent personnellement mal représentés, 38 % se sentent bien représentés tandis que 12 % ne se prononcent pas (voir article« Dialogue social et représentativité : un sondage exclusif »)
Cette perte de confiance n’est, en fait, qu’une des expressions à la crise que connaît le syndicalisme français. Cette crise s’exprime de deux autres manières : par une crise des effectifs et par une crise d’audience.
- Crise d’effectifs -
La crise des effectifs, qu’ont particulièrement étudié Dominique Andolfatto et Dominique Labbé, est forte (lire notammentLes syndiqués en FranceEd. Liaisons sociales, 2007, 240 pages, 27 €). Même si l’on met à part les deux périodes exceptionnelles de très forte syndicalisation (le Front populaire et la Libération), la France a connu pendant longtemps un taux significatif de syndicalisation. Jusqu’à la fin des années 1970 (la fin des « trente glorieuses »), plus du quart des salariés français possédaient une carte syndicale. Un taux certes moins élevé qu’en Europe du nord, mais comparable à celui d’Amérique du nord et supérieur à celui de l’Italie.
Le taux de syndicalisation en France (1949-2004)
source : D. Andolfatto et D. Labbé
En trente ans, le mouvement syndical français a vu ses effectifs divisés par trois. Toutes tendances et tous secteurs confondus, le taux de syndicalisation tourne aujourd’hui autour de 7 % des salariés français.
La situation est très différente d’un secteur à l’autre : 5 % dans le privé, 15 % dans le public. Si la syndicalisation reste forte dans les bastions traditionnels du syndicalisme (industries de transformation, enseignement public), elle se montre très faible dans les secteurs nouveaux de l’économie. Dans le commerce et la distribution, le taux de syndicalisation ne dépasse guère 2 % des salariés.
C’est ainsi qu’à son dernier congrès confédéral, en avril 2006, la CGT indiquait syndiquer 75 000 des 525 000 salariés du secteur énergie, soit 14 % à elle seule. Mais elle indiquait aussi que ses adhérents dans les secteurs du commerce et des services tournaient autour du nombre de 25 000, pour 4 500 000 salariés concernés, soit un taux de syndicalisation de 0,55 % !
S’il est vrai que le syndicalisme français a toujours été un syndicalisme de militants plus qu’un syndicalisme d’adhérents, s’il est vrai aussi que sa vigueur ne se mesure pas seulement à son poids numérique, le seuil critique de sa perte de crédit n’est pas loin d’être atteint.
- Crise d’audience -
Crise de confiance et crise d’effectifs donc. Et aussi crise d’audience. Les élections professionnelles font apparaître une baisse régulière de la participation, c’est à direa contrarioune indifférence croissante à l’égard du mouvement syndical.
Aux élections prud’homales de 1979, 8 millions de salariés du secteur privé sur 12,8 millions d’inscrits s’étaient rendus aux urnes. En 2002, lors du dernier scrutin, 5,3 millions sur 16,4 millions ont voté. Le taux de participation a ainsi chuté de 63 % à 32,6 % en moins de 25 ans.
Les élections professionnelles en entreprise, qui permettent d’installer les délégués du personnel (entreprises d’au moins 11 salariés) et les représentants au comité d’entreprise (entreprises d’au moins 50 personnes) connaissent aussi une érosion de la participation des électeurs.
Cette participation reste significative (64,5 % sur les élections 2004-2005) mais se dirige de façon plus affirmée que naguère vers des représentants non syndiqués. Ceux-ci recueillaient 15 % des suffrages il y a quarante ans, tandis que la CGT attirait plus de 45 % des électeurs. En 2004-2005, les courbes de résultat se rejoignent : 22,9 % pour les non-syndiqués et 23,6 % pour la CGT. Conséquence : 44 406 des 114 535 élus titulaires des comités d’entreprise (soit 38,77 % du total des sièges) sont non-syndiqués : c’est deux fois plus que la CGT ou la CFDT, quatre fois plus que FO, sept à huit fois plus que la CFTC ou la CFE-CGC.
Cette crise du syndicalisme s’exprime par un lent déclin et non par une attaque soudaine. Elle s’explique donc par des raisons qui, elles aussi, ne sont pas récentes.
Article à paraître :La crise du syndicalisme : petit inventaire des causes.
A lire aussi dans Les Etudes sociales et syndicales : Les élections au comité d’entreprise. par Bernard Vivier le 20 avril 2007. Combien sont-ils ? Le point sur les effectifs syndicaux. par Dominique Andolfatto le 15 novembre 2006. Peut-on faire confiance aux syndicats ?. par Dominique Andolfatto le 17 février 2006.
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