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Les priorités du gouvernement, conséquences pour les entreprises

Photo du rédacteur: Patrick ChalmelPatrick Chalmel

Des conséquences de la canicule à l'avalanche des restructurations et plans sociaux ainsi qu'à l'augmentation des déficits publics, l'image des pouvoirs publics s'est sensiblement dégradée dans notre pays au cours de l'été. Et avec elle, la cote du gouvernement, sur fond de rancoeur des fonctionnaires, enseignants et autres intermittents du spectacle, avides de revanche ; avec en embuscade une gauche radicale et autres antimondialistes, plus que jamais décidés à fomenter désordres et conflits.


Autant de raisons qui invitent M. Raffarin et ses ministres à gérer la rentrée en douceur.


1) Le gouvernement doit faire face, cette année, à deux difficultés majeures


Un exercice délicat, dans la mesure où sur le terrain économique et social, le Premier ministre voit sa marge de manœuvre réduite par une redoutable difficulté : l’équation infernale du budget ! Comment concilier baisse des impôts, limitation des déficits publics et moindres rentrées fiscales ou sociales pour cause de faible croissance et de chômage ? Comment faire face, par exemple, au dérapage financier de l’assurance maladie ? (le déficit de l’assurance-maladie, de 1,6 milliards en 2000, devrait être de 8,9 milliards en 2003 et pourrait dépasser les 13 milliards en 2004).


La surenchère syndicale, les conflits sectoriels mal éteints et la volonté d’en découdre des mouvances radicales, peuvent aussi mettre à mal la volonté d’apaisement du gouvernement. Tout projet ou décision susceptible de coaliser le mécontentement de quelques catégories sociales risquerait, en effet, de relancer les mouvements sociaux avec leurs cortèges de grèves et de manifestations. Ce qui là encore réduit la marge des possibles. Peut-être la volonté, inhabituellement courageuse de la part d’un gouvernement de notre pays, de décompter assez strictement des salaires des fonctionnaires les jours de grève du printemps, anticipait-elle cette crainte. Et avec succès semble-t-il, puisque, les traditionnelles grèves et manifestations de rentrée des enseignants, par exemple, se sont avérées jusqu’ici plutôt maigres.


2) Des orientations maintenues


En dépit de ces difficultés, les orientations initiales définies par le Président de la République et le Premier ministre pour traiter les questions sociales semblent toujours à l’ordre du jour pour cette rentrée, à savoir :


- favoriser le dynamisme économique des entreprises,


- miser sur l’amélioration des salaires et des revenus des particuliers,


- reconnaître davantage d’autonomie aux partenaires sociaux et à la négociation.


Alors que Lionel Jospin entendait agir sur l’emploi autant que la croissance le permettait, Jean-Pierre Raffarin persiste à agir plutôt en faveur de la croissance pour relancer la création d’emplois. D’où certainement le choix de baisser à nouveau l’impôt sur le revenu en 2004 et de laisser filer les déficits publics, quitte à affronter les foudres de Bruxelles.


3) Des projets sociaux inchangés


Cette nouvelle politique sociale s’était traduite pour le gouvernement en un certain nombre de projets décidés soit à l’Elysée, soit à Matignon. Les uns se présentaient comme de simples corrections des décisions prises par les gouvernements précédents, d’autres visaient à des réformes plus profondes, en harmonie avec la nouvelle politique ou devenues inéluctables.


a- les mesures correctives :


Au titre de mesures correctives divers projets ont ainsi été mis en œuvre, tels que :


- assouplissement des 35 heures,


- harmonisation par le haut des différents smics engendrés par les lois Aubry,


- suspension de certaines règles décidées par la loi « de modernisation sociale » en matière de licenciements économiques (les partenaires sociaux se sont vus accorder un délai de 18 mois pour négocier de nouvelles règles).


D’ autres, comme la baisse des charges des entreprises ou la réduction des contraintes qui pèsent sur la création ou la transmission d’entreprise ont fait l’objet de mesures qui se veulent simplement une première étape dans un processus à poursuivre. (Selon M. Fillon, le plan d’allègement des charges des entreprises de 7 milliards d’euros, engagé le 1er juillet, devrait favoriser les entreprises de main d’œuvre d’une baisse de coût du travail allant jusqu’à 5%, cf. interview au Nouvel Obs. du 4 sept. 2003 ; la ristourne Juppé sur les bas salaires et l’allègement lié aux 35 heures laissent la place à une diminution dégressive des cotisations patronales de Sécurité sociale dans la limite de 1,7 smic ).


b- les réformes en profondeur :


S’agissant de réformes présentées comme plus radicales, une seule, parmi les projets du gouvernement, a réellement été effectuée :


- la réforme des régimes de retraite (qui doit assurer 40% du besoin de financement prévu à partir de 2008 pour assurer l’équilibre des régimes de retraites).


D’autres sont encore à conduire, à savoir :


- la réforme de l’assurance maladie (reportée, prévue avec une loi de financement de la Sécurité sociale pour 2005),


- la révision des règles de la négociation collective et de la représentativité syndicale (M. Fillon l’annonce comme l’un des chantiers majeurs des mois à venir et dit son souhait de voir s’instaurer l’accord majoritaire cf. Nouvel Obs. du 04/09/03),


- la réforme de l’école (reportée, prévue avec une loi d’orientation pour l’école en 2005),


- la décentralisation en matière sociale.


Une autre, enfin, a été reconnue de la compétence initiale des partenaires sociaux et laissée pour le moment à leur capacité de négociation (accord du 20 septembre 2003) :


- l’organisation (et la décentralisation) de la formation professionnelle.


c- les mesures annoncées pour 2004 :


- baisse de l’impôt sur le revenu de 3%, soit moins 1,7 milliards au budget (après 5% en 2002 et 1% en 2003 ; objectif du Président de la République pour la législature ’ 30% ; l’impôt sur le revenu représente 18% des recettes fiscales, contre 46% pour la TVA)......,


- ... mais augmentation du prix du gasoil pour les véhicules diesels des particuliers et probable nouvelle augmentation des impôts locaux,


- augmentation de la prime pour l’emploi de 500 millions (ristourne sur l’impôt ou chèque pour les foyers modestes dans lesquels une personne au moins a un emploi ; bénéficie à 8 millions de foyers fiscaux ; coût en 2003, 2,3 milliards ; devrait avoir plus d’effet direct sur la consommation que la baisse de l’impôt sur le revenu),


- relèvement du plafond des réductions fiscales pour l’emploi d’une aide à domicile de 7400€ à 10.000€,


- possible suppression d’un jour férié (le lundi de Pentecôte) pour financer la politique en faveur des personnes vulnérables,


- baisse possible de la TVA sur la restauration (fin 2004),


- le PEIR (plan d’épargne individuel pour la retraite) devrait faire l’objet d’une mesure de déduction fiscale fixée par la loi de finance.


Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) prévoit aussi pour 2004 un certain nombre de mesures destinées à limiter le déficit de la sécu, notamment :


- deux hausses des droits sur les tabacs et une taxe sur les alcools (plutôt que hausse de la CSG),


- la poursuite du déremboursement de médicaments (prise en charge à 35% au lieu de 65% des spécialités homéopathiques),


- le forfait hospitalier relevé à 13 euros,


- un meilleur contrôle des arrêts maladie.


En matière de santé sont prévues également des dépenses nouvelles :


- une loi de santé publique (conséquences de la canicule, effort en faveur de la prévention, plan hôpital 2007),


- de nouvelles aides aux personnes âgées et personnes handicapées (notamment sous forme de déduction du revenu les frais de placement en long séjour et de déduction fiscale pour travaux à domicile pour facilité l’accessibilité des lieux) ; un plan en faveur des personnes âgées doit être présenté en octobre et un plan handicap à l’automne avec réforme de la loi de 1975.


En matière d’emploi, dans son discours du 23 septembre, le Premier ministre a annoncé les projets suivants :


- droit au « reclassement régional »,


- réforme du service public de l’emploi (mise en cohérence de l’action des multiples organismes concernés et fin du monopole théorique de l’ANPE ; organisme qui de fait ne traite actuellement que 40% des offres d’emploi),


- poursuite des allègements de cotisation des employeurs (de 18 milliards actuellement à 21 milliards en 2006),


- aides à l’emploi des jeunes : objectif, 250.000 contrats jeunes en entreprise et 150.000 « Civis » en 2006, 500.000 apprentis en 2007.


4) De la prudence à l’inaction ? Un tempo fortement ralenti


Lors de sa conférence de presse du 24 juillet dernier, le Premier ministre avait annoncé « un programme d’initiative et d’action à trois ans » baptisé « Agenda 2006 ». Cet échéancier permettant de faire une pause dans les réformes, désormais baptisées plutôt modernisations, - et de les espacer dans le temps -, est structuré par trois priorités :


- la cohésion nationale et le dialogue social (comprenant l’éducation et la santé),


- la création de richesse par la mobilisation de l’intelligence (enseignement, recherche, culture),


- l’intégration européenne à laquelle « les Français ne sont pas assez préparés ».


Mais on peut se demander si la prudence avec laquelle le gouvernement a abordé cette rentrée, marquée par une volonté d’apaisement, la poursuite sine die des discussions engendrées par les projets de réforme de l’école ou le report à une date éloignée de la phase de décision sur l’assurance maladie, ne tourne pas plus prosaïquement en inaction pure et simple. La réforme de la négociation collective elle-même ne fait encore l’objet d’aucun calendrier défini, - malgré sa qualification de chantier majeur des prochains mois -, après le retrait d’un premier projet, aussi malhabile que novateur, remis aux partenaires sociaux en début d’année.


Comme si le gouvernement, premier surpris de son succès sur la retraite et, par les partenaires sociaux interposés, sur le chômage des intermittents du spectacle, ne croyait pas qu’une telle victoire de la démocratie sur la rue puisse se reproduire de si tôt...A moins que les échéances électorales de 2004 (régionales notamment) n’incitent par trop à ne fâcher personne dans les mois à venir.


5) Quelques conséquences pour les entreprises


a- conséquences à court terme :


- un certain calme social dans les entreprises privées en l’absence de plan de restructuration (pas de sujet qui fâche dans les projets sociaux ou fiscaux de M. Raffarin),


- peut-être modification des cotisations de Sécurité sociales et négociation d’entreprise sur les incidences salariales de la suppression du jour férié du lundi de Pentecôte ; possible nécessité de renégocier les accords RTT fixant la durée annuelle de travail.


b- incidences possibles à plus long terme :


- modifications du dispositif de la formation professionnelle accentuant les compétences régionales,


- nouvelles règles, par exemple renforçant le droit d’opposition, en matière de validité des accords collectifs,


- nécessité de gérer les rémunérations de certains salariés rattrapés par les hausses de salaires de smicards,


- possibles grèves et manifestations pour fin 2004 avec la 3e phase (décision) de la réforme de la Sécurité sociale et de l’école,


- réflexion à conduire sur l’évolution des emplois et/ou des postes de travail pour les salariés âgés appelés à demeurer plus longtemps dans l’entreprise suite à la réforme des retraites (aujourd’hui, seuls 37% des 55-64 ans sont en activité). Le gouvernement renvoie d’ailleurs également ce sujet à une négociation nationale des partenaires sociaux.

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