Comment évolue la population active en France et dans les autres pays industrialisés ? Quelles perspectives se présentent à nous ?
- Eléments de comparaison internationale sur l’évolution du marché du travail [1] -
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les grands pays industrialisés ont connu plusieurs évolutions communes : chute du taux de fécondité et vieillissement de la population, transformations des modes de vie, ralentissement de la croissance et fin du plein emploi après 1975. Cependant, en fin de période, le contraste est fort entre, d’une part les Etats-Unis et le Japon, et d’autre part les pays de l’Europe occidentale, au sein desquels la France occupe, en outre, une place particulière.
Depuis 1949, la population active a progressé beaucoup plus vite aux Etats-Unis et au Japon que dans les grands pays d’Europe occidentale, avec toutefois une forte inflexion de cette population dans les années quatre-vingt dix pour le Japon. La France se distingue avec une augmentation plus rapide que celle des pays voisins au cours des années soixante à soixante dix, pour ralentir ensuite. On observe partout un recul du taux d’activité pour les hommes, plus fort en Europe, et notamment en France, qu’aux Etats-Unis et surtout au Japon. Parallèlement, est constatée une progression de l’activité féminine, continue aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, alors que dans les autres pays, à l’exception de l’Italie, elle n’émerge véritablement qu’à partir des années soixante.
L’emploi a fortement augmenté aux Etats-Unis et au Japon, même si une inflexion de même nature que celle repérable pour la population active est visible pour le Japon. Dans la même période, l’emploi augmente beaucoup moins en Europe. Le tournant de 1974 a eu des conséquences diverses : simple ralentissement aux Etats-Unis et au Japon, chute des effectifs en Allemagne et au Royaume-Uni et stagnation en France jusqu’au milieu des années quatre vingt. La décennie 85-95 s’est soldée à nouveau par des créations d’emplois, plus modestes cependant en Europe et particulièrement en France. La répartition sectorielle de la main d’œuvre a, en revanche, connu une évolution commune : baisse de la part de l’agriculture, plus marquée au Japon, en Italie et en France, prédominance croissante des services. La part de l’industrie a quant à elle augmenté jusqu’en 1974 au Japon et en Italie et s’est maintenue en Allemagne, trois pays où les branches manufacturières continuent d’occuper le tiers des effectifs, au lieu du quart ailleurs.
Enfin, si, aux Etats-Unis et au Japon, le taux de chômage a peu progressé à long terme, de pair avec la croissance de la population active, en Europe, en revanche, la montée du chômage, après une amorce dès le milieu des années soixante, s’est considérablement aggravé après 1974.
- La population active aujourd’hui -
Le baby boom de l’après-guerre marque une rupture avec une croissance démographique faible, voire nulle. Il entraîne une forte augmentation de la population active qui, sur les trente dernières années, croît de façon presque continue passant de 21,4 millions de personnes en 1970 à 26,4 millions en 2001, alors qu’elle était en 1950 identique à celle du début du siècle. Cette croissance est due pour une grande partie également à l’entrée massive des femmes sur le marché du travail. En effet, la population active féminine passe de 7,6 millions à 12,1 millions sur cette période tandis que la population active masculine oscille autour de 14 millions.
En 2002, la population active comprend 26,3 millions de personnes décomposée en 24 millions de personnes ayant un emploi et 2,3 millions de chômeurs recensés au sens du BIT [2]. En dix ans la population active a ainsi augmenté de 1,4 millions de personnes. Elle a également connu un certain nombre d’évolutions marquantes dans ses diverses composantes.
Ainsi, en premier lieu, on observe que le secteur tertiaire est de plus en plus important en matière d’emplois, leur part ayant presque doublé en un demi-siècle, passant de 39 % en 1955 à 72 % en 2000. Cette formidable progression s’est accompagnée de l’effondrement du secteur de l’agriculture (3,8 % en 2000) et du recul du secteur de l’industrie à partir de la seconde moitié des années soixante-dix.
Par ailleurs, sur les quarante dernières années, les catégories socioprofessionnelles ont connu des évolutions contrastées. Lié au déclin du secteur de l’agriculture, les agriculteurs ne forment plus aujourd’hui qu’une minorité numérique de la population. Les ouvriers, même s’ils restent nombreux, représentant près de 7,1 millions d’actifs, ont également vu leur importance décroître dans la population active totale. Leur situation semble s’être stabilisée depuis le milieu des années quatre-vingt dix. Les artisans, les commerçants et les chefs d’entreprise sont également moins nombreux. Les cadres et professions intellectuelles, les professions intermédiaires et les employés ont, en revanche, vu progresser à la fois leurs effectifs et leur poids dans la population active totale. La proportion des cadres et des professions supérieures dans la population active totale a ainsi triplé.
Autre élément d’importance, la population active s’est très largement féminisée en France. Le taux d’activité féminin n’a cessé de croître en France depuis 1975, se stabilisant depuis 1995 autour de 62 %, contre 74 % pour les hommes. Le rapprochement tendanciel des carrières des femmes et des hommes qui en résulte est notamment du au fait que de moins en moins de femmes s’arrêtent de travailler après le premier enfant.
La proportion de femmes dans la population active reste dans une logique de progression : 38,2 % en 1970 contre 48,5 % en 2002. Selon la catégorie professionnelle observée, la proportion de femmes varie. Dès 1962, elles sont en effet majoritaires parmi les employés, où elles continuent aujourd’hui encore à progresser. Elles progressent également parmi les professions intermédiaires et les cadres et professions intellectuelles, et demeurent peu nombreuses parmi les ouvriers.
Enfin, on constate que la population active s’est resserrée sur la classe d’âge « des 25 à 54 ans » au cours des cinquante dernières années. En effet, les taux d’activité des personnes âgées de 15 à 19 ans et de 20 à 24 ans ont fortement diminué, du double fait de l’allongement de la scolarité et de la difficulté d’accès à un premier emploi. A l’autre extrémité de la pyramide des âges, les taux d’activité des personnes âgés de 55 ans et plus ont également chuté, dans un contexte de chômage et de retraites anticipés des travailleurs « vieillissants ».
- La population active demain -
Avec l’arrivée à l’âge de 60 ans des générations issues du baby-boom, la forte croissance de la population active devrait commencer à se ralentir. Selon une projection tendancielle établie par l’INSEE [3], le nombre d’actifs augmenterait d’environ 500 000 au cours des prochaines années, portant leur nombre total à 26,9 millions à l’horizon 2006. Puis, le nombre d’actifs devrait diminuer d’environ 30 000 par an de 2006 à 2010, et le rythme devrait s’accélérer au fur et à mesure du vieillissement de la population pour atteindre 80 000 par an vers 2025. A l’horizon 2020, la baisse cumulée devrait atteindre 750 000 personnes. En 2050, elle pourrait atteindre 2,8 millions de personnes, la population active retrouvant alors son niveau du début des années quatre vingt. Parallèlement, le rapport entre actifs et inactifs de 60 ans et plus chuterait de 2,2 en 2001 à 1,5 en 2020 et continuerait à diminuer par la suite.
Selon un scénario de tendance haute de l’INSEE, cette diminution de la population active pourrait être retardée et atténuée par une remontée de l’activité de certaines catégories de travailleurs, pour lesquelles existent encore des marges de progression. Ainsi, le taux d’activité des femmes pourrait encore sensiblement augmenter. S’agissant des travailleurs les plus âgés, la France se distingue par un niveau d’activité faible, dans un contexte de chômage de masse, qui pourrait sans doute évoluer à la faveur d’une amélioration durable des conditions du marché du travail. Enfin, le taux d’activité des moins de 25 ans est particulièrement bas [4], en raison du faible cumul numérique entre emploi et formation initiale. On relève cependant une légère tendance au développement de l’apprentissage depuis 1993 et à l’augmentation d’emplois de la part des étudiants parallèlement à leurs études. Mais ces tendances restent difficiles à extrapoler.
[1] Eléments issus de « 45 ans de marché du travail dans les grands pays industrialisés », INSEE, n° 424, janvier 1996
[2] Tableaux de l’Economie française, 2002/2003
[3] INSEE Première, n° 838, mars 2002
[4] Le plus bas des pays de l’OCDE en 1998
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