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Pages retrouvées : en 1937, Hyacinthe Dubreuil... (2)

Le vrai moyen d'augmenter les salaires.


" Passons maintenant au problème du salaire. Sous l’influence du socialisme " politique " qui reste indifférent aux questions d’organisation du travail, l’étude des problèmes relatifs à sa rémunération a toujours été complètement négligée.


Naturellement, je sais très bien qu’on répondra à cette affirmation par de vives protestations, et qu’on me rappellera l’effort incessant qui a été accompli pour l’" augmentation " des salaires.


Oui, je sais cela. Mais je n’en répliquerai pas moins que, sur ce point aussi, le moment me paraît venu de réviser une position qu’on pourrait également qualifier de routinière. Aussi faudrait-il maintenant examiner le problème de la rémunération du travail avec plus d’attention.


D’une manière générale, on peut dire que les ouvriers ne considèrent la solution de ce problème que d’une façon " simpliste ". Ils pensent à la caisse du " patron " un peu à la manière dont les enfants regardent une tirelire, c’est-à-dire d’après une conception très élémentaire du capital. Et si on leur dit que le patron ne peut pas accorder ce qu’ils demandent, ce qui, est parfois exact, ils pensent qu’on les trompe.


Or, s’il est certain que de telles revendications rencontrent souvent une opposition pas toujours justifiable, il n’en est pas moins vrai que l’augmentation des salaires n’est pas un problème aussi facile à résoudre que les ouvriers le croient généralement.


D’ailleurs, il faut reconnaître qu’ils sont assez mal placés et renseignés pour avoir une vue claire de cette question capitale, puisque personne ne prend jamais la peine de les informer exactement.


Il appartiendrait cependant aux " militants " qui se chargent de les conduire, de faire l’effort nécessaire pour atteindre à cette vue claire. Ils devraient savoir, eux, que la forme véritable du salaire à conquérir ne consiste pas dans une certaine quantité de monnaie entassée dans une tirelire, ou dans la caisse du patron, mais réellement dans la quantité des produits que l’on peut se partager, et dont la monnaie n’est qu’un signe factice.


Si l’on comprend bien cet aspect réel du salaire, alors on peut apercevoir aussi à quel point sont indissolublement liées les questions de rémunération et d’intensité du travail. Liées à tel point que l’on peut dire qu’il ne saurait y avoir d’augmentation réelle des salaires sans que la masse des produits ne soit augmentée.


Dans un certain sens, production et rémunération sont deux termes qui peuvent, ou tout au moins pourraient être synonymes si la répartition de la production était effectuée sur une base équitable, c’est-à-dire en dehors du principe arbitraire qui gouverne ordinairement la fixation des salaires.


En effet, dans l’état actuel des choses, le salaire n’est constitué en réalité que par la quantité de monnaie que l’on donne au travailleur pour qu’il puisse faire face à ses besoins élémentaires, et dans une mesure plus ou moins large selon la différence des taux obtenus par les différentes corporations. Dans le sens le plus strict des termes, c’est une somme qui n’est point en relation directe avec la valeur de son rendement.


C’est pourquoi il est si difficile de faire admettre au travailleur cette identité du salaire et de la production dont je parlais tout à l’heure. Car, en fait, il a raison : il n’y a point actuellement identité entre la monnaie qu’il reçoit et le rendement qu’il a donné.


Comment pourrait-on alors l’intéresser sérieusement au problème de la production ?


Nous arrivons ainsi devant les deux erreurs que nous devons combattre, l’une chez les employeurs, l’autre chez les ouvriers.


Ces derniers doivent renoncer à concevoir l’augmentation des salaires par le moyen d’un partage des sommes que les employeurs sont supposés avoir en caisse. Ils doivent savoir que c’est une erreur de considérer que l’augmentation des salaires est toujours possible par un prélèvement sur un avoir ou sur des bénéfices. Car il est, par exemple, et depuis des années, de nombreuses entreprises qui ne font pas de bénéfices. Malheureusement, les ouvriers ne le savent pas, et ce n’est pas de leur faute. C’est de la faute des chefs d’entreprise qui ne peuvent se résoudre à considérer leur personnel sous l’aspect de " participants " qui devraient être informés...


C’est pourquoi les employeurs ont aussi à renoncer à une erreur non moins néfaste, qui consiste à essayer de convaincre verbalement les ouvriers qu’un vague " intérêt national ", leur " honneur ", la " bonne volonté " ou je ne sais quoi encore, leur commandent - gratuitement - de travailler.


Tant que les ouvriers ne pourront être matériellement convaincus de recevoir la juste contrepartie de leur travail, il sera vain de les exhorter au travail. En termes plus abstraits, on peut donc déclarer aux employeurs que le problême de la rémunération du travail commande celui de la production.


Dans tous les cas, il est de la plus haute importance que ces problèmes soient bien compris de part et d’autre, car on pourrait alors espérer que tous ceux dont le concours est nécessaire à l’exécution du travail y trouveraient naturellement leur point de rencontre.


Comprenant enfin qu’ils doivent s’accorder pour faire de l’entreprise une véritable communauté, ils s’entendraient au mieux pour travailler à son succès.


Tout à l’heure, je disais qu’il n’est pas toujours possible d’améliorer les salaires par un prélèvement sur les bénéfices, car il arrive qu’il n’y en ait point. Cependant, s’il n’y a point de bénéfices à se partager, cela n’exclut pas absolument la possibilité d’augmenter la rémunération ouvrière.


Et ceci n’est pas un paradoxe, car il est sur ce plan un champ toujours ouvert, qui est celui des économies réalisables sur le prix du travail. Mais qui songe à mettre à la portée des ouvriers les moyens de s’intéresser à la réduction des prix de revient, en leur offrant une juste part des économies ainsi obtenues ? Et si personne n’y songe, n’est-ce pas vous, travailleurs, qui devriez être capables d’entreprendre cette conquête ? "

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