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Photo du rédacteurDominique Andolfatto

Syndicalisme et politique

A l'approche des élections présidentielle et législatives du printemps 2012, la sympathie des militants syndicaux en direction des formations politiques attire à nouveau le regard. Cette sympathie connait des évolutions sur le long et le court terme, qu'analysent les deux auteurs dans la troisième édition entièrement refondue et mise à jour de leur ouvrage « Sociologie des syndicats »


On a beaucoup discuté du rapport entre organisations syndi­cales et formations politiques. Mais les études précises sur l’inter-pénétration des univers militants demeurent peu nombreuses. Le fait est que les militants syndicaux sont plus fréquemment membres d’un parti que la moyenne. L’engagement politique demeurerait donc un élément discriminant dans leur processus de socialisation. Au début des années 1990, deux enquêtes sur les militants de la CGT indiquent que de la moitié aux deux tiers d’entre eux adhèrent à un parti politique. En outre, 10 % exer­cent une fonction politique locale. Cette « surpolitisation » caractérise également les militants des autres organisations. Au moins 10 % des délégués au congrès FO des métaux étaient encartés dans un parti politique en 2000 (le taux d’adhésion des Français à un parti avoisine 1 %). De même, les syndiqués de la FSU appartiennent deux fois plus que la moyenne des enseignants à un parti ; les délégués de congrès dix fois plus (soit 40 % d’entre eux).

CGT : la fin du monopole du Parti communiste

La proximité des militants de la CGT du Parti communiste n’est plus à démontrer. En dépit des affirmations de la CGT, ce « compagnonnage », sinon cette unité, est loin d’avoir disparu. Les communistes demeurent nombreux à la direc­tion confédérale et influents dans les appareils fédéraux ou départementaux. De surcroît, ces militants campent souvent sur des positions « conservatrices », se posant en gardiens du temple. En 2005, le désaveu infligé au secrétaire général, lors du débat sur le traité constitutionnel européen, doit beaucoup aux réseaux liant étroitement la CGT et le PCF et à leur recomposition autour de nouveaux enjeux militants et autour de la galaxie altermon­dialiste. La carte du PCF n’a toutefois plus valeur de sésame comme autrefois et, depuis quelques années, diverses organisa­tions se sont efforcées de construire leur autonomie par rapport au Parti. Si les évolutions paraissent lentes au niveau des militants, les sympathisants de la centrale se sont davantage émancipés du PCF, comme le montrent différents sondages « sortie des urnes » (principalement de l’institut CSA pour Liaisons sociales) : 51 % des sympathisants de la CGT ont voté communiste lors des légis­latives de 1993, 39 % en 1997. Les extrêmes - gauche et droite - et le PS sont les bénéficiaires de cette évolution. Dès l’élection présidentielle de 1995, les sympathisants de la CGT préfèrent L. Jospin (PS) à R. Hue (PCF). En 2007, ils ne sont plus que 7 % à opter pour M.-G. Buffet (PCF) contre 42 % pour S. Royal (PS). Les candidats de la LCR et du FN recueillent également davantage leurs suffrages que M.-G. Buffet.

La relation CFDT / Parti socialiste

Les militants de la CFDT sont traditionnellement proches du PS. Ainsi, 21 % des délégués au congrès confédéral de 1988 étaient membres de ce parti. En 1994, 61 % des adhérents se déclarent proches de ce parti. Mais la polarisation des sympathisants sur celui-ci est moindre : quatre sur dix ont voté socialiste lors des législa­tives de 1993 et de 1997 (et 45 % ont voté en faveur de L. Jospin en 1995). Une proportion assez comparable a choisi S. Royal (PS) en 2007 (39 %). Le reste des sympathisants optent pour le centre et la droite : 33 % lors des législatives de 1997 ; 44 % lors de la présidentielle de 2007. En revanche, le soutien aux écologistes (10 % en 1997) s’est volatilisé.



Si l’on s’interroge, dans l’autre sens, sur les préférences syndi­cales des socialistes, on relève un certain déclin de l’engagement dans les rangs de la CFDT. Un tiers de la génération socialiste des années 1970 avait fait ce choix. Dans la génération des adhérents du PS des années 1990, ils sont moitié moins à faire ce choix.

Diversité à Force ouvrière

Jusqu’aux années 1980, les adhérents de FO étaient égale-ment proches de la gauche socialiste (et le secrétaire général adhérent du PS). Depuis lors, des évolutions assez sensibles sont intervenues. La pression des militants d’extrême gauche - issus du Parti des travailleurs - s’est renforcée au niveau de l’appa­reil. Plus largement, les sympathies politiques des militants sont relativement diverses. Le vote des sympathisants témoigne d’une évolution comparable, mais volatile : 42 % d’entre eux ont voté pour le PS en 1997 (contre 22 % en 1993), 23 % pour des candidats UDF ou RPR (contre 40 % en 1993). L’extrême gauche a recueilli 5 % des suffrages en 1997, l’extrême droite 18 %. En 2007, les candidats d’extrême gauche et celui du FN se sont partagé un tiers des votes des sympathisants FO, les deux autres tiers se répartissant entre S. Royal (PS), F. Bayrou (UDF) et N. Sarkozy (UMP).

CFTC et CGC au centre et à droite

Les trois quarts des sympathisants de la CFTC et de la CGC se positionnent à droite en 1995. Ceux de la CFTC se déclarent majoritairement proches de l’UDF, ceux de la CGC font majori­tairement le choix du RPR. Sans surprise, en 2007, ils apportent massivement leur soutien à F. Bayrou et à N. Sarkozy. La personnalité du nouveau président et ses réformes seraient-elles à l’origine d’un réalignement à gauche des sympathisants des organisations syndicales ? C’est ce que semble montrer un sondage CSA lors des élections régionales de 2010. Les trois quarts des sympathisants de la CGT se positionnent à gauche. Ceux de la CFDT sont 61 % à le faire. La moitié des sympathi­sants de FO, et neuf sur dix à SUD se positionnent à gauche, mais c’est dans ces deux groupes que la sympathie pour l’extrême gauche est la plus forte (un dixième). En revanche, les sympathi­sants de la CFTC et de la CGC demeurent plutôt ancrés à droite, mais ils ne constituent plus qu’une majorité relative (47 % et 43 %).

Et le Front national ?

Une certaine impasse politique a conduit également une partie de ces sympathisants à se rapprocher du FN. Cela n’est pas nouveau. Déjà lors des élections prud’homales de 1997, le FN - premier parti ouvrier lors des élections présidentielles depuis 1995 - avait rencontré un électorat populaire. Lors des élec­tions cantonales de 2011, un sondage Harris Interactive estime à 9 % la proportion de sympathisants des syndicats à avoir voté en faveur d’un candidat FN (dont 6 % de sympathisants de la CGT, 8 % de ceux de la CFDT et de la CGC, 15 % de ceux de FO). À l’occasion de ce scrutin, plusieurs syndicats ont exclu des mili­tants qui avaient publiquement proclamé leur adhésion au FN. Les syndicats dénoncent également une idéologie qui - après le communisme - deviendrait un nouveau repère et, en l’occur­rence, un repoussoir pour réaffirmer les identités syndicales.


Sociologie des syndicats, par Dominique Andolfatto et Dominique Labbé, La Découverte, collection Repères, 3ème édition 2011, 128 pages, 9,50 €.

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