C'est sous ce titre qu'un ouvrage recense et commente l'utilisation du drapeau rouge par le système communiste, partout dans le monde depuis la révolution bolchevik de 1917. Un regard sur ce livre permet aussi de s'intéresser à l'exposition Lénine, Staline et la musique.
L’histoire du drapeau rouge nous est connue. En 1930, Gabriel Perreux avait rédigé un bref ouvrage aux Presses universitaires de France sur Les origines du drapeau rouge en France. En 1966, Maurice Dommanget avait publié une conséquente Histoire du drapeau rouge (Editions Librairie de l’Etoile, 504 pages), rééditée en 2006 aux Editions le Mot et le Reste.
Du drapeau rouge, nous savons déjà bien des choses. Symbole de la force (on lira aussi les ouvrages récents sur la couleur rouge, notamment celui de Annie Mollard-Desfour Le rouge (CNRS Editions, 2001, 492 pages, 27,50€) et celui de Amy Butler Greenfield L’extraordinaire saga du rouge (Autrement éditions, 2008, 323 pages, 20,- €), le rouge était, aux temps des Romains, l’insigne du général en campagne.
Il est entré véritablement dans notre histoire avec la Révolution française, le 21 octobre 1789 très exactement. Ce jour là, l’Assemblée Constituante l’adopta comme signe de la proclamation de la loi martiale. L’article 12 précise ainsi que « lorsque le calme sera rétabli, les officiers municipaux rendront un décret qui fera cesser la loi martiale et le drapeau rouge sera retiré et remplacé, pendant huit jours, par un drapeau blanc ».
- Le rouge, couleur de l’ordre -
Emblème de l’ordre rétabli, émanation de l’autorité, le drapeau rouge était donc en cette période le symbole opposé de la révolte et du désordre.
C’est en juin 1792 qu’une partie des révolutionnaires s’appropria le drapeau de la loi martiale pour le retourner contre ses ennemis. Il devint l’adversaire du drapeau tricolore, il devint le drapeau de la Terreur.
« La liberté guidant le peuple », le tableau d’Eugène Delacroix est devenu une des images les plus célèbres de la révolution des 27, 28 et 29 juillet 1830, qui vit la chute de Charles X (et du drapeau blanc) et l’arrivée sur le trône, avec le drapeau tricolore, de Louis-Philippe 1er. Le tableau, présenté au Salon de Paris en 1831, souligne l’union de la bourgeoisie et du peuple des faubourgs, en lutte pour la liberté. De grande dimension (3,25m sur 2,60m), il est exposé au Musée du Louvre à Paris.
Effacé sous le premier Empire et sous la Restauration, le drapeau rouge réapparaît furtivement en 1832, au cours des funérailles du général Lamarque. Les révolutions de 1830 et 1848 restent fidèles au drapeau tricolore, contre le drapeau blanc mais aussi contre le drapeau rouge qui porte le souvenir de la Terreur. On connaît le célèbre discours de Lamartine à l’Hôtel de ville de Paris le 25 février 1848, pour défendre le drapeau tricolore : « Le drapeau rouge que vous nous rapportez n’a jamais fait que le tour du Champ de Mars, traîné dans le sang du peuple en 91 et en 93 ; et le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie ».
La révolution de 1848 porte haut les couleurs du drapeau tricolore. La gravure de Franz Teichel, de facture simple et populaire, fait écho au célèbre tableau de Philippoteaux qui montre Lamartine le 25 février 1848 repoussant le drapeau rouge.
La France industrielle qui se développe au XIXème siècle est attachée au drapeau tricolore. Si les communards de 1870 utilisent le drapeau rouge, le monde ouvrier reste massivement favorable au drapeau tricolore, lui-même symbole de l’esprit républicain tandis que le comte de Chambord, par son entêtement à rétablir le drapeau blanc de la monarchie, ruina ses chances de régner sur la France.
Le drapeau noir, cher à Louise Michel et aux anarchistes, occupa lui-même un espace important dans la symbolique des partisans de la Révolution sociale, notamment jusqu’en 1914.
Les premiers congrès syndicaux (le syndicalisme est reconnu en 1884) marquent toujours leur attachement au drapeau tricolore, en même temps qu’une reconnaissance progressive du drapeau rouge.
C’est à partir du 1er mai 1890 que le drapeau rouge prend place peu à peu comme symbole des revendications sociales.
- La révolution de 1917 en Russie -
La révolution russe de 1905 lui donne une nouvelle dimension. L’échec de la révolution de 1905 en Russie voit l’effacement du drapeau rouge dans ce pays en même temps que son extension ailleurs dans le monde.
Lorsque, en mars puis octobre 1917, les Soviets s’emparent du pouvoir, le drapeau rouge devient le drapeau de la nouvelle Russie.
Drapeau internationaliste, il ne fait pas l’unanimité dans les rangs de la gauche politique dans de nombreux pays. Emblème du communisme, il n’est accepté en France qu’avec le Front populaire, en 1936.
L’ouvrage de Pierre Znamensky (photographies de Guy Gallice) est particulièrement riche. Son titre : Sous les plis du drapeau rouge (Editions du Rouergue, 2010, 352 pages, 49,- €). Il rappelle en quelques pages d’introduction l’histoire du drapeau rouge et son adoption par l’Union soviétique. Le 8 avril 1918, le Comité exécutif central panrusse décide par décret que « le drapeau de la République russe est une bannière rouge portant l’inscription RSFSR (République socialiste fédérative soviétique de Russie) ».
L’ouvrage est essentiellement une présentation photographique, accompagnée d’utiles précisions historiques, de quelque 120 drapeaux de l’URSS et des pays socialistes, de 1917 à la chute de l’Union soviétique en 1991. Même si la Fédération syndicale mondiale (FSM) n’est pas traitée (ce qui est un peu surprenant quand on sait le rôle qu’elle a joué pour cimenter le syndicalisme communiste - CGT en France - au régime soviétique), ses branches professionnelles - les Unions internationales de syndicats, UIS - font l’objet d’une étude.
A gauche : drapeau (recto-verso) pour les 60 ans de la CGT française (URSS, 1955). A droite : drapeau de l’Union internationale des syndicats de l’agriculture, rattachée à la Fédération syndicale mondiale (années 1960).
Ce bel ouvrage de 400 photos en couleur et en noir et blanc n’est pas seulement un ouvrage d’histoire d’art. Il témoigne de l’imprégnation d’une culture politique dans les moindres recoins de la société civile de Russie et des pays conquis au communisme. La Chine, la Corée du Nord et Cuba portent toujours les emblèmes nés de la Révolution d’octobre 1917.
- Le réalisme socialiste -
C’est pour cette même raison que l’exposition au Musée de la musique à Paris (jusqu’au 16 janvier 2011) présente un certain intérêt. Sous le titre Lénine, Staline et la musique, elle constitue une chronique documentée des relations entre art et pouvoir en Union soviétique de 1917 à 1953, année de la mort de Staline.
On y voit les efforts menés pour donner à l’homme soviétique nouveau une culture communiste absolue, un cadre intellectuel et artistique conforme à l’Etat totalitaire qui se construit.
La révolte contre l’ancien régime et l’abdication du tsar se fait au chant de la Marseillaise venue de France. L’exposition présente La Marseillaise communiste, adaptée comme hymne de la révolution de février 1917 par le poète Demian Bedny (1883-1945). Elle souligne l’installation par Lénine del’Internationale en 1918.
Les liens entre le communisme et la musique sont étonnement simples. Ils sont ceux d’une utilisation terrifiante de l’art comme moyen de contrôle de la sensibilité humaine. Le « pluralisme musical » énoncé en 1920 est surtout une invitation à construire, de différentes manières, le « réalisme socialiste » que Andreï Jdanov (1896-1948) a proclamé comme l’unique esthétique soviétique.
De grands compositeurs sont embrigadés dans la démarche, tels Dimitri Chostakovitch, trois fois lauréat du prix Staline ou encore Serge Prokoviev, prix Staline de première classe.
« L’art constructiviste » du cinéaste Serge Eisenstein fait écho aux ballets vantant les efforts productivistes de la période stakhanoviste, aux arts graphiques de Malevitch et Stepanova ou à la photographie de Rodtchenko.
- Une approche fonctionnelle de la musique -
On observe la méfiance du pouvoir à l’égard des œuvres instrumentales, trop abstraites pour porter de manière claire et pratique l’idéologie du matérialisme marxiste - léniniste - stalinien. La musique socialiste passe donc avant tout par l’écran de cinéma ou par la scène d’opéra. Une démarche fonctionnelle qui a longtemps permis de domestiquer un peuple russe pourtant sensible et profond.
L’exposition présente quelques initiatives d’artistes contestataires, comme Ossip Mandelstam et son Epigramme contre Staline en 1933. En fait, la présentation de ces initiatives sonne un peu comme une excuse. Organisée dans le cadre de l’année France-Russie 2010 avec le concours du gouvernement russe, l’exposition exprime une certaine distance vis-à-vis de la nature profondément inhumaine du système communiste. Une distance, pas une dénonciation profonde. Certes critique à l’encontre de la prise en main de la culture par le régime stalinien, l’exposition se veut essentiellement narrative. Une condamnation morale du passé communiste reste encore loin des possibilités du pouvoir russe actuel, trop proche héritier de ce passé.
Le blason de l’URSS en 1922 et le slogan « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »
Du Chant des canuts au Temps des cerises en passant par l’Internationale ou Bella ciao, la récente publication des « Chants de révolte » par les Editions Fortin permet de disposer de la ligne de chant et accords chiffrés de douze chansons connues, qu’on interprété de brillants artistes (Yves Montand, Léo Ferré, Leny Escudero, Mouloudji, Catherine Sauvage, Juliette Gréco, Marc Ogeret). Chants de révolte, 24 pages, 17,30 € port compris, Editions Fortin www.editionsmusicalesfortin.com.
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