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  • Photo du rédacteurBernard Vivier

Les secrétaires généraux de la CGT et de la CGT-FO de 1895 à 2004

Jean-Claude Mailly est le onzième secrétaire général de son organisation syndicale, depuis sa création en 1895 et le quatrième depuis la scission de 1948. Bernard Thibault est, à travers la CGTU, le treizième secrétaire général de la CGT.


La lecture de ce tableau récapitulatif débouche sur un constat clair : la solide longévité des dirigeants syndicaux dans leurs fonctions.


Si l’on fait une place à part aux premiers secrétaires généraux de la CGT (six titulaires se sont succédés en quatorze ans, dont certains n’ont duré que quelques mois), les secrétaires généraux, tant de la CGT que de la CGT-Force ouvrière, ont occupé leurs fonctions pendant de longues années. Ainsi, avec Jean-Claude Mailly, Force ouvrière vient de mettre en place un secrétaire général qui ne sera guère que le cinquième en un siècle. Léon Jouhaux a occupé le poste pendant près de quarante ans, André Bergeron près de vingt-cinq ans, Robert Bothereau et Marc Blondel quinze ans chacun. Encore ne sont mentionnés pour les intéressés que leur poste de secrétaire général, lequel a toujours été précédé d’une période de dirigeant national au sein du Bureau confédéral. Un exemple : Robert Bothereau, secrétaire général de Force ouvrière pendant quinze ans (de 1948 à 1963), a, en fait, siégé au Bureau confédéral pendant trente ans, de 1933 à 1963. Il a donc vécu, au sein de la plus haute instance de la CGT puis de Force ouvrière, les années difficiles de l’avant-guerre, les années douloureuses de la guerre (où il s’est engagé dans la Résistance), les querelles internes et la scission de l’après-guerre, la reconstruction de la confédération.


- Stabilité face aux événements -


Un tel constat débouche sur un enseignement : la capacité pour les militants à gérer les événements avec l’expérience que procure la longévité dans un mandat.


Cette longévité peut comporter des aspects négatifs : usure personnelle, réflexes émoussés, conservatisme, logique d’appareil, manque d’adaptation aux réalités nouvelles, refus du changement. Et il est vrai que ces travers, très souvent mis au compte ces temps derniers du mouvement syndical en son ensemble, peuvent venir d’une insuffisante mobilité des permanents et dirigeants syndicaux, d’une difficulté à organiser une rotation des responsabilités, d’une sorte d’ institutionnalisation du syndicalisme.


Mais il est vrai aussi - et c’est cet aspect des choses que l’on retiendra ici - que cette longévité est source de stabilité et de responsabilité face aux événements. Habitués à replacer un événement social dans une perspective longue, à recadrer une émotion collective, une grève, un mouvement populaire dans un projet syndical établi, à insérer un texte gouvernemental ou une loi dans une pratique éprouvée des relations syndicats - pouvoirs publics, les dirigeants syndicaux expriment une maturité qu’apprécient bien souvent leurs interlocuteurs, tant patronaux que gouvernementaux.


- Le temps du changement n’est pas le même pour tous -


Les responsables gouvernementaux vivent une expérience beaucoup plus courte du pouvoir et doivent concevoir les réformes sociales à entreprendre en fonction d’un calendrier beaucoup plus resserré que leurs interlocuteurs syndicaux. Exigences politiques et contraintes électorales obligent.


Le temps du changement social n’est pas le même pour les uns et pour les autres.


Combien de ministres du travail, combien de premiers ministres, combien de présidents de la République un même dirigeant syndical peut voir se succéder tout au long de sa carrière ? Un syndicaliste comme André Bergeron aura eu à traiter successivement avec le général de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand (son premier septennat et le début de son second septennat). Il aura connu 10 premiers ministres (Pompidou, Couve de urville, Chaban-Delmas, Messmer, Chirac, Barre, Mauroy, Fabius, Chirac à nouveau, Rocard) et pas moins de 15 ministres du travail (Grandval, Jeanneney, Schumann, Fontanet, Faure, Gorse, Durafour, Beullac, Boulin, Matteoli, Auroux, Beregovoy, Delebarre, Seguin, Soisson) en 20 gouvernements successifs.


Cette aptitude à durer, à gérer les événements dans une sorte de respiration lente de la vie donnent aux confédérations syndicales une plus grande capacité à maîtriser et conduire les mouvements collectifs de la société que les « nouveaux mouvements sociaux », coordinations et syndicats catégoriels de toutes sortes qui, tout au contraire, ont besoin, pour exister, d’une gestion plus passionnelle de la vie sociale, d’une conception plus incandescente de la démocratie, d’une pratique plus nerveuse et radicale du changement.


L’organisation interprofessionnelle des grandes confédérations - c’est-à-dire, au sens littéral, des fédérations de fédérations - renforce cette aptitude au discernement et cette capacité à relativiser les enjeux catégoriels à l’aune d’une conception partagée de l’intérêt commun.


Tout cela constitue une vraie force pour les organisations syndicales. Même si - il est utile de conclure sur ce rappel - l’insuffisant renouvellement des formes de l’action et des appareils militants débouche aujourd’hui sur un engourdissement inquiétant du syndicalisme contemporain.




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