Rentrée sociale 2025 : deux mobilisations, deux logiques
- Gabriel Tadjine
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par Gabriel Tadjine
Dans un contexte d’instabilité politique, et d’incertitude économique comment va évoluer le climat social. La rentrée marquée par deux logiques, deux mobilisations du monde du travail.

La rentrée sociale 2025 se déroule dans un environnement économique complexe et contraint. La croissance reste faible avec des prévisions 2025 à 0,7%, tandis que le chômage a fini de décroitre (perspective 2025 7,6 %, perspective 2026 : 8,5%).. L’épargne de précaution élevée limite la reprise de la consommation. Les finances publiques sont sous tension : les dépenses dépassent les recettes, la dette publique continue d’augmenter atteignant 115% du PIB, et l’investissement des entreprises demeure timide.
Dans ce contexte, les marges de manœuvre pour soutenir le pouvoir d’achat ou investir dans des projets structurants sont limitées. La formation professionnelle, elle, reste un levier central pour accompagner les mutations technologiques et organisationnelles. Cette toile de fond économique pose le cadre dans lequel se déploie l’action sociale, alors même que les turbulences politiques ne donnent pas la perspective d’un cadre stable à l’investissement et à la croissance.

- La dynamique sociale se manifeste de deux manières -
Le 10 septembre 2025, un mouvement baptisé « Bloquons tout », est né au début de l’été sur les réseaux sociaux avant d’être récupéré et soutenu par la France Insoumise, avec l’appui de quelques syndicats. Cette mobilisation a touché prioritairement des secteurs sensibles tels que les transports, la santé et l’éducation. Elle traduit un besoin d’expression immédiat, révélant une impatience et une exaspération sociale latente et non structurée.
Quelques jours plus tard, le 18 septembre, les huit principales organisations syndicales (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, Solidaires, FSU) ont organisé une manifestation plus structurée et institutionnelle. Centrée sur des revendications ordonnées dans un communiqué commun le 29 aout, cette mobilisation traduit une volonté de peser sur les décisions politiques de manière crédible et encadrée. Quelque 500 000 manifestants ont été recensés (Chiffre du Ministère)
Loin d’entrer en contradiction avec la spontanéité du 10 septembre, cette manifestation illustre plutôt la complémentarité des logiques : d’un côté, l’urgence et la pression directe, de l’autre, le dialogue structuré et la négociation. La dynamique sociale se poursuit avec les manifestations du 2 octobre, qui prolonge et renforce la logique du 18 septembre, signalant que la mobilisation reste forte et que la stratégie syndicale combine pression et anticipation.

- Les syndicats et les entreprises faces aux mobilisations -
Dans ce contexte, le rôle des syndicats se révèle double. D’une part, ils doivent exister vis-à-vis du pouvoir politique, peser sur les décisions, et négocier avec un gouvernement dont le visage change rapidement. Le départ de François Bayrou et l’arrivée de Sébastien Lecornu à Matignon ouvrent un nouvel espace de dialogue, les organisations syndicales cherchant à valoriser la force que représente leur capacité à agir dans la durée.
D’autre part, les syndicats doivent répondre aux attentes de leur base, canaliser la colère et les revendications multiples : catégorielles, sectorielles ou locales, et éviter la radicalisation ou la dispersion des mobilisations. Les entreprises, elles, naviguent dans cet environnement avec prudence. Les décisions salariales sont modulées pour protéger la trésorerie, l’investissement dans les projets reste sélectif, et la formation professionnelle devient un levier stratégique pour anticiper les transformations des métiers et maintenir la compétitivité.
Dans ce cadre, les managers de proximité et les représentants du personnel jouent un rôle central : ils font remonter les préoccupations exprimant une écoute au quotidien et participent à la prévention des blocages. L’entreprise pôle de stabilité, capable d’apporter confiance et sécurité dans un environnement incertain, est-elle aussi par tous ?La rentrée sociale 2025 montre ainsi deux formes d’expression sociale :
D’une part, un repli, une méfiance et une critique des institutions, perceptibles notamment dans l’abstention aux élections professionnelles.
D’autre part, la montée de revendications catégorielles à travers des actions multiformes, de « Bloquons tout » aux mobilisations sectorielles, en passant par les Gilets jaunes et les agriculteurs.
À la lumière de ces événements, plusieurs enseignements se dégagent :
La gestion proactive des tensions à la base est indispensable pour éviter la radicalisation catégorielle. Les managers de proximité et les représentants du personnel jouent un rôle crucial dans la remontée et la prise en compte des revendications.
Les syndicats doivent équilibrer habilement la pression sociale et la négociation politique pour maintenir leur crédibilité.
Enfin, l’entreprise, lorsqu’elle est perçue comme un pôle de stabilité, valorise sa fonction sociale et renforce la confiance de ses collaborateurs dans un contexte incertain.
Cette rentrée sociale 2025 illustre combien la maîtrise des dynamiques sociales, l’anticipation économique et la capacité à négocier dans un cadre structuré sont essentielles pour préserver la stabilité et la cohérence des décisions. Cette analyse, qui dépasse le simple commentaire d’actualité, permet de comprendre comment les acteurs économiques et sociaux peuvent naviguer dans un environnement en mutation, en conciliant mobilisation, dialogue et stratégie à long terme.

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