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Photo du rédacteurAndré Bergeron

Assurance-chômage : le récit d'André Bergeron

André Bergeron, ancien secrétaire général de Force ouvrière, fut un des créateurs, en 1958, de l'UNEDIC. Il livre ici son témoignage sur la naissance et l'évolution du système d'assurance-chômage en France.


Après la guerre, les chômeurs n’étaient pas indemnisés comme aujourd’hui. L’aide, d’un montant forfaitaire très faible, était subordonnée à des conditions de ressources. En fait, elle relevait de l’assistance. De plus les fonds communaux qui indemnisaient les sans-travail n’existaient pas partout. Supportant une partie du coût de leur fonctionnement, les municipalités ne manifestaient souvent aucun empressement pour en créer. Il y avait donc deux catégories de chômeurs : ceux qui résidaient dans les communes nanties d’un fond public et les autres qui ne pouvaient prétendre à rien, sinon parfois aux secours versés par les bureaux d’aide sociale des mairies.


La France était la lanterne rouge mais le grain semé allait germer


La France était la lanterne rouge de la plupart des pays industrialisés. Avec de plus en plus d’insistance le mouvement syndical revendiquait un nouveau système d’aide aux sans travail. Pour sa part Force Ouvrière souhaitait, d’une part la création d’une caisse de compensation interprofessionnelle et d’autre part l’indemnisation du chômage partiel.


Des contacts officieux furent organisés dès 1956, à l’initiative de Robert Bothereau, alors secrétaire général de la C.G.T.F.O. (je ne devais entrer au bureau confédéral qu’un peu plus tard, à l’automne de cette année là.)


Les premières rencontres eurent lieu, d’une part avec Albert Gazier, alors ministre du travail dans le gouvernement de Guy Mollet, et d’autre part avec Georges Villiers (qui devait demeurer vingt ans président du CNPF), Marcel Meunier et François Ceyrac, respectivement président et secrétaire général de la commission sociale de l’organisation patronale.


M. Villiers, résistant lyonnais avait été choisi, à la libération, à l’époque où beaucoup d’industriels se voyaient - à tort ou à raison - reprocher leur attitude durant l’occupation. Et, naturellement, les communistes en rajoutaient. Marcel Meunier et François Ceyrac, tiennent une grande place dans mes souvenirs de cette période. Le premier était un personnage hors du commun. Dans les négociations avec les syndicats il avait le don « de semer » ses interlocuteurs qui avaient de la peine à suivre son raisonnement. Lui s’était fixé un objectif et ne le perdait jamais de vue. Comme il était respecté par tout le monde, peu osaient interrompre ses démonstrations.


François Ceyrac n’était pas un employeur. Il est entré au CNPF en 1936 comme on entre dans l’administration (c’est l’année où je suis entré au syndicat typographique et aux jeunesses socialistes). Durant neuf ans, ce fut un grand président de l’organisation du 31 de la rue Pierre Ier de Serbie. C’était un politique au sens élevé et noble du terme. Il respectait les militants syndicaux qui le lui rendaient bien. Nous avons fait beaucoup de choses ensemble, notamment la cinquième semaine de congés payés. En tout cas comme je l’ai souvent répété, il ne m’a jamais manqué. Devenus amis depuis longtemps, nous nous revoyons pour parler « du bon vieux temps ».


De l’assistance à l’assurance


Donc, si le mouvement syndical revendiquait de meilleures garanties pour les sans-travail, les dirigeants patronaux en admettaient eux aussi la nécessité. De plus ils avaient conscience que si le système envisagé n’était pas créé à froid - en période de plein emploi - la tâche serait beaucoup plus difficile dans un contexte différent.


A vrai dire, d’un côté comme de l’autre, on pressentait que le plein emploi ne durerait pas. D’un côté la naissance de la communauté européenne allait réduire l’efficacité du protectionnisme alors en vigueur et de l’autre l’accroissement de la productivité et les prolongements de la décolonisation allaient accélérer la modification du rapport des forces industrielles dans le monde.


L’idée d’une assurance-chômage est née en 1956. La philosophie de sa mission était à l’opposé de la notion d’assistance qui avait jusqu’alors prévalu.


À l’époque Force Ouvrière estimait que les organismes à créer devaient dépasser la simple indemnisation des chômeurs mais s’intéresser aussi aux questions d’emploi. L’Agence Nationale Pour l’Emploi n’existait pas encore. Si la confédération ne s’est que très peu engagée dans cette voie c’est parce qu’elle redoutait l’extension du monopole d’embauche - au profit de la CGT - dans des secteurs comme la presse, le spectacle, les ports et docks, etc...


L’accord du 31 décembre 1958


Les négociations proprement dites commencèrent en 1958. Les contacts officieux avaient permis de déblayer le terrain. Abstraction faite des détails, on savait où on allait. Outre le patronat et Force Ouvrière étaient présentes la CFTC d’alors (la CFDT n’existait pas encore) et la CGC. La CGT s’était d’elle même mise à l’écart étant donné que, selon elle, l’indemnisation du chômage devait s’inscrire dans le régime général de la sécurité sociale. Elle devait néanmoins rejoindre le peloton lorsque l’UNEDIC et les ASSEDIC ont été créées.


Les négociateurs n’étaient nullement fâchés de l’attitude de la confédération de la rue Lafayette (elle ne devait s’installer à Montreuil que beaucoup plus tard) étant donné que complètement dépendante du parti communiste elle aurait tout mis en œuvre pour faire échouer les discussions. François Ceyrac m’a raconté que Pierre Lebrun « éminent compagnon de route » était intervenu auprès de lui en vue d’assurer la présence de la CGT. Ce fut sans succès. Après le retour aux affaires du Général de Gaulle nous ne savions pas quelle serait l’attitude de son gouvernement. Pour être rassurés nous lui avons demandé d’intervenir à la télévision. Il le fit le 1er août 1958. On ne peut pas dire qu’il connaissait parfaitement la question mais il a déclaré ce que nous attendions, c’est-à-dire que le gouvernement et lui-même souhaitaient la réussite de la négociation.


Avec Gabriel Ventejol, qui devint président du Conseil économique et social, je conduisais la délégation Force Ouvrière. Les négociations n’étaient pas plus faciles qu’aujourd’hui. A chaque réunion on remettait en cause ce qui avait péniblement été échafaudé la semaine d’avant.


Charles Nouailhac - qui assistait Marcel Meunier et François Ceyrac - remettait patiemment les textes à jour. Veillant sans cesse à ne choquer personne, il attirait l’attention des uns et des autres sur les conséquences pouvant résulter de telle ou telle décision. Il était respecté par tout le monde. On peut dire qu’il a été l’un des principaux artisans de l’édification du régime. C’est lui qui a imaginé les sigles « UNEDIC » (union nationale pour l’emploi dans l’industrie et le commerce) et « ASSEDIC » (association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce).


Sur ma proposition, il est devenu le directeur de l’UNEDIC. Je n’ai jamais regretté d’avoir pris cette initiative.


J’étais à l’époque partisan d’un système centralisé. M. Nouailhac m’a convaincu que c’était une erreur et que si nous voulions que les partenaires sociaux, comme on dit maintenant, se conduisent en responsables encore fallait-il leur confier des responsabilités. La suite lui a donné raison, même si la décentralisation a parfois engendré quelques déraillements.


Peu de temps avant sa mort, tout en comprenant les nécessités résultant de la crise économique, il redoutait qu’on mette en cause la philosophie originelle du régime.


L’accord fut finalement conclu le 31 décembre 1958. L’assurance-chômage était née à laquelle on a donné pour fondement juridique les dispositions prévues par la loi de 1901. L’UNEDIC et les ASSEDIC allaient devenir les instruments majeurs de l’indemnisation des chômeurs.


Il est important de rappeler que le paritarisme - tout au long de ses plus de quarante années d’existence - est demeuré la base, philosophique fonctionnelle, et politique du régime. Nous voulions démontrer que ceux qui avaient créé des institutions par convention collective étaient capables de les gérer.


Georges Pompidou, premier ministre du Général de Gaulle, souhaitait qu’on agisse de même pour la Sécurité Sociale. C’est ce qu’il me dit un jour de juillet 1967. Mais, à mes yeux, le problème était différent étant donné le contexte politico-social à ce moment là. J’ai refusé. À tort ou à raison - mais on ne refait pas l’histoire - je ne pensais pas que les administrateurs patronaux et syndicaux pouvaient assumer, totalement, des responsabilités d’une toute autre dimension, alors que croissaient sans cesse les dépenses de santé et qui se creusait déjà l’écart entre les actifs et les autres.




J’ai été élu premier Président. J’ai donc siégé depuis le début - et cela plus de 35 ans - au bureau et au conseil d’administration du régime. J’ai assumé la présidence durant 20 ans.


Je peux témoigner que sur l’essentiel, il était souvent difficile de différencier les interventions des administrateurs patronaux de celles des représentants syndicaux. Les uns et les autres étaient conscients de leur responsabilités et se conduisaient en conséquence.


Après bien des discussions il avait été convenu que l’assurance-chômage serait financée par une contribution supportée pour 80 % par les entreprises et pour 20 % par les salariés. Au départ elle fut fixée à 1 % du salaire.


Je me souviens avoir alors reçu la visite de deux banquiers suisses. Ils avaient appris que nous allions devoir constituer des réserves et venaient m’offrir leurs services en contrepartie de quoi je serais « récompensé ». Dans la minute ils se retrouvèrent sur le trottoir de l’avenue du Maine !


Pendant longtemps l’UNEDIC n’a pas connu de problème financier. Il est vrai qu’au départ nous n’indemnisions que 24.000 chômeurs.


Nous avions alors créé quelques ASSEDIC professionnelles et notamment une de la sidérurgie de l’Est. Pour illustrer la réalité de l’époque j’ai souvent raconté que, longtemps, elle n’a indemnisé qu’un seul chômeur et nous dirions en blaguant « pourvu que le ciel nous le garde ! » Or, on sait ce qui s’est produit par la suite, lors des restructurations de la sidérurgie européenne.


Élu Président, je suis allé voir Georges Pompidou alors secrétaire général du cabinet de de Gaulle qui n’était pas encore Président de la République. Je lui ai expliqué que lors des négociations nous avions retenu pour hypothèse de travail 400.000 chômeurs étant donné que lors de la grande dépression des années 30, on n’en avait jamais indemnisé davantage. M. Pompidou m’avait répondu : « Vous savez, si par malheur nous en venions là - 400.000 chômeurs - l’opinion ne le supporterait pas ».


0,20 % à l’entreprise, 0,05 % aux salariés


Jusqu’en 1968 on n’a pas dépassé les 100.000 allocataires pour n’atteindre les 200.000 qu’en 1974. Comme il avait été convenu que les réserves du régime seraient limitées à 2 % de la masse salariale, on a pu, en 1961, ramener la contribution de 1 à 0,25 % : 0,20 % au compte de l’entre prise et 0,05 % à celui des salariés. Il convient de souligner que l’état des finances du régime a permis aux organisations gestionnaires d’adapter l’assurance-chômage aux réalités changeantes de l’emploi. C’est ainsi, qu’en1961, la durée d’indemnisation a été prolongée en faveur chômeurs les plus âgés étant donné qu’ils avaient plus de peine que les autres à retrouver un emploi. D’autres réformes, dans le même ordre d’idées ont été décidées en 1963 et en 1966.


Au-delà de l’indemnisation des chômeurs


En 1963, le Parlement a voté la loi instituant le fonds national de l’emploi. Ainsi, les chômeurs de plus de 60 ans, licenciés dans des régions en difficulté se sont vus garantir, à peu près, le montant de leur retraite. L’UNEDIC a participé au financement de cette nouvelle mesure. Les gestionnaires du régime ont alors pris conscience qu’à partir de ce moment là on est sorti de la simple indemnisation des sans-travail pour s’engager dans la voie des préretraites.


En 1962, l’assurance-chômage a prouvé son efficacité lors du retour des Français d’Algérie. Il a fallu les indemniser et les placer. Tenant compte des tragiques réalités de l’époque, à la demande du gouvernement, le conseil d’administration a accepté d’indemniser les périodes d’incarcération des travailleurs algériens arrêtés lors des rafles effectuées par la police française. Les jeunes du contingent, de retour d’Algérie, ont perçu eux aussi des allocations lors de leur libération du service militaire.


Sur un autre plan, il a été convenu qu’on indemniserait les jeunes diplômés de l’enseignement technique. C’est ainsi, qu’à partir de 1961, le régime a versé aux travailleurs en formation une allocation différentielle leur garantissant l’équivalent des allocations de chômage.


En 1968, l’UNEDIC a signé avec le gouvernement une convention concernant la participation du régime au financement des indemnités de formation de l’État. Elle est demeurée en vigueur jusqu’en 1976.


Le financement de l’aide publique


Lors d’une de mes présidences du Conseil d’administration de l’assurance-chômage j’ai très largement participé à la mise au point des ordonnances sur l’emploi de 1967. Les discussions furent menées avec Jacques Chirac - alors secrétaire d’État à l’emploi - et ses collaborateurs.


Désormais, la responsabilité du financement de l’aide publique était confiée à l’État. Les communes en ayant été déchargées, quelque soit le lieu de leur résidence, les chômeurs pouvaient percevoir les aides gouvernementales dont le paiement fut confié aux ASSEDIC.


Ainsi, un des objectifs visé par les créateurs de l’assurance-chômage était atteint. Le rôle primordial de l’UNEDIC était consacré. Sa compétence a été étendue à l’ensemble de l’industrie, du commerce et de l’agriculture ainsi qu’à une grande partie du secteur public.


Les premières difficultés


Seulement les charges qui en sont résultées sont à l’origine des premières difficultés financières du régime. De ce fait la cotisation a du être portée à 0,35 % du salaire en 1968 et à 0,40 % en 1969.


Au début des années 1970, le CNPF jugeait sévèrement la politique du gouvernement. Il critiquait ouvertement l’action de Valéry Giscard d’Estaing. Selon lui, l’indécision du Président de la République était l’une des causes du marasme qui s’annonçait. Le CNPF, comme les syndicats, pensait qu’il eût fallu depuis longtemps relancer l’activité économique. Déjà, en 1973, Giscard avait hésité à prendre des mesures impopulaires. À l’époque ministre des finances, peut-être songeait-il déjà à briguer la succession de Georges Pompidou, déjà terriblement affaibli par la maladie.


Toujours est-il que les décisions prises par le gouvernement, le 27 avril 1975, arrivaient trop tard. Malgré le déblocage de 15 milliards elles eurent peu d’effet. François Ceyrac affirmait que beaucoup de trésoreries connaissaient « des situations effrayantes » et que des milliers de petites entreprises avaient déjà disparu.


À l’égard de la protection du chômage, François Ceyrac jugeait sévèrement les dispositions du 14 octobre 1974, garantissant 102 ou 103 % du salaire net pendant un an, en cas de licenciement pour cause économique. Le mouvement syndical n’avait rien demandé de semblable. Ce sont Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac qui en ont pris l’initiative. Naturellement elle a été rapidement mise en cause. C’est d’ailleurs de cette période qu’est née la fameuse autorisation administrative de licenciement qui avait pour objet de limiter les abus de certains chefs d’entreprises soucieux de se débarasser de leur main-d’œuvre un surnombre en utilisant la notion nouvelle « de licenciement économique ».


Raymond Soubie me disait la même chose. Conseiller de Jacques Chirac et de Raymond Barre pour les affaires sociales, il avait succédé à Jacques Delors et Yves Sabouret. Selon lui, le système de protection du chômage avait été conçu pour prévenir des difficultés de courte durée. Or, du fait de l’allongement de la durée moyenne du chômage, les ASSEDIC allaient se heurter à de graves difficultés. C’est ce qui s’est produit.


Les réserves fondent


La période de relatif plein emploi a pris fin en décembre 1973, sous les coups de boutoir des chocs pétroliers. En janvier 1976, on comptait un million de chômeurs. Les dépenses d’indemnisation qui représentaient 1,3 % des prestations sociales ont atteint 7 % en 1980. De ce fait, les réserves du régime ont commencé à fondre comme neige au soleil. De plus, il est nécessaire de rappeler, qu’à l’origine, il avait été convenu que le financement de l’indemnisation du chômage serait assuré à 50 % par l’UNEDIC et à 50 % par l’État. Or, en 1969, la part de la puissance publique était tombée à 35 %, et, en 1977, à 24 %. C’est ce qui a conduit à la fusion de l’allocation du régime d’assurance-chômage et de l’aide publique.


Ce ne fut pas un grand fleuve tranquille


La vie du régime d’assurance-chômage a été jalonnée d’évènements parfois dramatiques. C’est ainsi que le 27 avril 1978, Raymond Barre a demandé aux partenaires sociaux de modifier les règles d’indemnisation des sans-travail. Le 5 décembre, les négociations avaient échoué. Le lendemain Robert Boulin, alors ministre du travail, faisait voter une loi donnant deux mois au patronat et aux syndicats pour élaborer une nouvelle convention, faute de quoi, le gouvernement déciderait à leur place. Non sans mal ceux-ci parvenaient à un accord le 16 mars 1979 et, le 27, une nouvelle convention était signées entre l’UNEDIC et l’État.


Le CNPF n’a donné son accord qu’à condition, qu’au-delà de 3 %, la part respective des entreprises et des salariés soit fixée à 60 % pour les premières et 40 % pour les seconds. D’avril 1979 à novembre 1982, la cotisation a donc été portée à 2,76 % pour les entreprises et à 0,84 % pour les salariés.


À partir de 1980, la situation s’est encore aggravée. Le seuil des deux millions de chômeurs a été franchi à l’automne 1981. En un an les dépenses d’indemnisation sont passées de 33 à 54 milliards de francs. Pour tenter de faire face à la situation, le gouvernement a décidé une contribution de solidarité de 1 % qu’ont supporté les 4.500.000 agents de l’État, des collectivités locales et des entreprises publiques. Cela n’a pas suffi. Il a fallu émettre un emprunt de 6 milliards et imposer un impôt de solidarité - appliqué aux hauts revenus - qui devait également rapporter 6 milliards.


La tourmente


Le poids des contrats de solidarité s’est accru dans des proportions considérables. On en avait prévu 100.000. Or, on en comptait 195.000 en 1983. Les différents systèmes de préretraite, en 1982, représentaient 25 milliards, soit 33,5 % du budget du régime d’assurance-chômage.


Pour la première fois, en juin 1982, les allocataires ont subi une baisse de leur pouvoir d’achat. En effet, alors qu’ils en avaient toujours été exemptés, les chômeurs ont dû acquitter une cotisation de 1 % pour l’assurance-maladie et les préretraites de 2 %.


Le 28 octobre 1982, Pierre Bérégovoy, alors ministre des affaires sociales, a réuni une table ronde pour tenter de résoudre le problème du financement de l’indemnisation du chômage. Aucun accord n’étant intervenu, par décret, le gouvernement a porté le taux des contributions de 3,6 % à 4,8 %. En désaccord avec cette décision, dans la nuit du 15 au 16 novembre, le patronat dénonçait les conventions du 31 décembre 1958 et du 27 mars 1979. En fait, elles furent prolongées, par étapes successives, jusqu’au 31 mars 1984.


Sans trop le dire, le patronat considérait que la dimension du chômage était devenu tellement importante que seul l’État pouvait assumer la charge de l’indemnisation des sans-travail. C’est pourquoi les négociations échouèrent.


Le 24 novembre 1982, le gouvernement réduisait, d’une part, certaines garanties dont bénéficiaient les préretraités et d’autre part, de 12 % le niveau d’indemnisation des chômeurs.


Le 1er juillet 1983, les partenaires sociaux n’ayant pu se mettre d’accord, le gouvernement a porté le taux de la contribution à 5,8 % : 4,08 % à la charge des entreprises et 1,72 % à celle des salariés. Les représentants patronaux ont alors démissionné du Conseil d’administration. Mais, à vrai dire, les contacts avec les administrateurs syndicaux n’ont pas cessé pour autant.


Un nouveau système d’indemnisation


L’accord conclu le 10 janvier 1984 a engendré un nouveau système d’indemnisation désormais fondé sur la stricte séparation des responsabilités entre le régime paritaire d’un côté et de l’État de l’autre. Il est toujours financé par la contribution des entreprises et par celle des salariés et cela sans aucune subvention de l’État.


En contrepartie, l’UNEDIC ne participe plus au financement des prestations versées au titre de la solidarité pour le compte de l’État. Il s’agit des allocations d’insertion pour les jeunes et des allocations de solidarité en faveur des chômeurs ayant épuisés leurs droits aux prestations des ASSEDIC.


L’accord de 1984 a représenté un changement important par rapport à la Convention initiale du 31 décembre 1958. En effet celle-ci n’est plus conclue pour une durée indéterminée. De plus, le Conseil d’administration s’est vu retirer la responsabilité de la fixation du taux de la contribution qui, désormais, dépendait directement du patronat et des syndicats. En d’autres termes, ceux-ci, du fait de l’ampleur des charges prenaient directement en main la gestion du régime. En fait, les administrateurs allaient continuer à gérer étant donné que la plupart d’entre eux assumaient une double responsabilité, dans le régime et dans leurs confédérations respectives.


Depuis, la vie de l’assurance-chômage a été émaillée de toutes sortes de difficultés. Les modifications des règles d’indemnisation se sont succédées. Il a fallu à nouveau recourir à l’emprunt et solliciter l’aide de l’État.


Conclusion


Pour terminer, je veux brièvement rappeler, que c’est seulement en 1967 que le gouvernement s’est penché sur le problème de l’indemnisation du chômage partiel. Une allocation a été instituée, égale au montant de l’aide publique de chômage, pour chaque heure perdue en dessous de 40 heures. Le 21 février 1968, le CNPF et la plupart des syndicats ont complété cette mesure. De ce fait les entreprises acceptaient de payer aux intéressés une allocation égale à celle de l’État. Cet accord a été amélioré pour aboutir au versement de 50 % de la rémunération perdue.


Par ailleurs, le 4 février 1983, le CNPF et les syndicats signaient un accord concernant l’ouverture du droit à la retraite complémentaire (qui prolongeait la décision du gouvernement de Pierre Mauroy d’ouvrir, à 60 ans, le droit à la pension de retraite du régime général à celles et à ceux qui justifiaient de 37 ans 1/2 de versements de cotisations). Le surcoût qui en est résulté a été supporté par une nouvelle structure, dite « financière », alimentée par 2 % du produit de la cotisation versée aux ASSEDIC par les entreprises et par les salariés. À cela se sont ajoutés 10 milliards versés par l’État.


Dans la conclusion de la première version de cette histoire de l’assurance-chômage - qui couvre la période durant laquelle j’y ai assuré des responsabilités - j’écrivais que les difficultés auxquelles il a fallu faire face s’inscrivaient dans le contexte général du financement de la protection sociale collective. J’ajoutais que sans amélioration importante de la situation économique, donc sans diminution notable du nombre des chômeurs, d’autres problèmes se poseraient. Et, dans ce cas, on aurait de la peine à maintenir le niveau d’indemnisation avec tous les risques qu’engendrerait forcément le tassement des ressources des sans-travail.


Depuis, heureusement, la situation a évolué dans le bon sens. L’emploi s’améliore rapidement et les conjoncturistes estiment que la tendance va durer. Même s’il convient toujours de considérer avec prudence ce genre de prévision, on peut, je crois, être plus optimiste que ces dernières années.


Mais, si l’amélioration actuelle est incontestable, d’autres problèmes naissent, engendrés par l’accroissement de l’interdépendance des économies nationales, notamment du fait de la politique communautaire, de ce qu’il est convenu d’appeler « la mondialisation » et de la modification du rapport des forces industrielles dans le monde. Le gouvernement a pris les décisions que l’on sait en matière de durée du travail. Certes, si le phénomène de diminution du temps de travail n’a rien de scandaleux, j’aurais de beaucoup préféré qu’on emprunte la voie contractuelle. Mais on ne refait pas l’histoire.


Les négociations engagées à l’initiative du Mouvement Des Entreprises de France déboucheront sans doute sur un compromis. En tout cas, je l’espère. Même si j’ai du mal à me débarrasser d’une certaine nostalgie, j’admet que les temps ont changé et que tout doit être adapté aux réalités nouvelles.


Quoi qu’il advienne, l’assurance-chômage a été une grande et belle aventure. Je souhaite qu’on préserve l’orientation, la philosophie, l’esprit qui ont inspiré les initiateurs et les gestionnaires du régime. Je pense notamment, outre ceux déjà cités, à Messieurs Bernasconi, Pierre Guillen, Bernard Boisson, Gabriel Mignot, Dominique Chertier et enfin Nicole Notat et Denis Gautier-Sauvagnac.


Et naturellement je pense aussi à tous mes amis de Force ouvrière qui ont siégé dans les bureaux du Conseil d’administration de l’UNEDIC et des ASSEDIC.


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