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CGT : l'appel aux jeunes

Photo du rédacteur: Philippe DarantièrePhilippe Darantière

Le document d'orientation débattu au 49ème congrès de la CGT consacre sa deuxième résolution à un enjeu jugé majeur : « {construire la CGT avec les jeunes} ». Partant du constat que la crise affecte plus directement les jeunes que les actifs établis dans la vie professionnelle, la confédération s'interroge sur les « convergences » à établir entre les revendications des jeunes et celles des salariés et aussi sur la place à accorder aux jeunes syndiqués dans ses structures.


« Si la sympathie envers le syndicalisme, et singulièrement envers la CGT, domine chez les jeunes, il faut parvenir à ce qu’ils se l’approprient. L’avenir du syndicalisme et le leur en dépendent » affirme le document d’orientation. Un constat que partage Bernard Thibault lorsqu’il commente la sociologie de son organisation : « C’est chez les moins de 35 ans que notre audience est la plus forte. Malheureusement cela ne se traduit pas en syndicalisation dans des proportions suffisantes. Les moins de 30 ans représentent 20% des adhésions de cette année. » L’essentiel des effectifs de la CGT est âgé de 35 à 55 ans (57,5%), les 55-60 représentant 12,5% des adhérents et les plus de 60 ans 14,5%. Les moins de 35 ans ne constituent que 15,5% des adhérents de la CGT, dont 7,1% pour les moins de 30 ans.

Les causes du fossé entre jeunes et syndicalisme

Les causes de cet écart, selon Bernard Thibault, sont à chercher dans le « décalage entre la réalité du salariat » et l’implantation de la CGT. Il poursuit : « les jeunes qui sont recrutés dans les formes de travail les plus précaires et dans les activités en développement ne rencontrent pas toujours de présence syndicale. » Cet aveu résume le défi lancé à son organisation : comment sortir d’une culture dominante du service public lorsque les jeunes salariés sont majoritairement des précaires du privé ? « Six organisations représentent 55% des effectifs officiels de la CGT en 2008. Une seule appartient au secteur privé (métallurgie). Les autres appartiennent au secteur public ou sont très partiellement mixtes : Services publics, la Santé, les Mines-Energie (principalement EDF et GDF-Suez), la FAPT (ex-PTT), les Cheminots » rappellent Dominique Andolfatto et Dominique Labbé ("Les adhérents de la CGT par fédération", 4 décembre 2009).



A la tribune du congrès, ce décalage a été confirmé par plusieurs jeunes intervenants invités à s’exprimer sur la manière dont ils ont adhéré à la CGT. Point commun à tous leurs parcours : ce sont eux qui sont allés chercher la CGT ; ce n’est pas elle qui est venue à eux. « Je voulais prendre ma carte rapidement, mais on ne me l’avait jamais proposée. Dans mon service, on n’a jamais vu personne. Je me suis déplacée pour prendre ma carte en 2003. A la CGT, on ne va pas forcement voir les jeunes, les femmes. » explique Caroline, 27 ans, employée de la SNCF et fille de cheminot CGT. Même constat pour Cynthia, 26 ans, fonctionnaire territoriale après cinq années de précarité : « La CGT, je l’ai rencontrée dans les manifestions, dans la rue. J’étais sans emploi, je me suis syndiquée à l’union locale pour ne plus rester isolée ».


Conséquence de cette distance entre la CGT et les jeunes : « ils hésitent à se syndiquer » explique Bernard Thibault, « pour une part du fait des craintes quant à leur évolution de carrière, voire à leur emploi, mais aussi parce que nos organisations ne leur apparaissent pas toujours suffisamment attractives ».

Une place pour les jeunes à la CGT ?

En échos, Caroline, investie depuis peu dans la communication en direction des jeunes à la fédération des cheminots, a rendu compte d’une enquête réalisée auprès de jeunes cadres de la SNCF, qui le confirmait : « On ne rencontre pas la CGT. Quand on la voit, ce n’est pas pour parler de ce que vivent les gens, mais pour appeler à la grève. »


Jérémy, titulaire d’un BTS mais embauché comme ouvrier dans la métallurgie, raconte son parcours : « J’ai frappé à la porte de l’union locale : il y avait des syndiqués directs de mon entreprise mais pas de section syndicale. Pour être reconnu de la direction, la seule solution, c’était de créer un syndicat. Entre jeunes, il n’y avait pas de fossé ». La création du syndicat fut donc une initiative de jeunes salariés qui auraient aussi bien pu s’affilier à une autre organisation syndicale.



La CGT a tiré des leçons du conflit anti CPE mené par une intersyndicale qui réunissait syndicats de salariés et mouvements de lycéens et d’étudiants (lire "Manifestations anti-CPE : les nouvelles formes du conflit social", 5 mai 2006). Elle a fait le constat que les revendications des jeunes doivent nourrir celles des salariés tout comme leur mobilisation est venue renforcer celle des syndicats. Pour faire une place aux jeunes dans les structures de la CGT, les accusations d’individualisme des jeunes sont à bannir du discours syndical. C’est pourquoi le congrès a invité trois représentants de mouvements lycéens, étudiants et ouvriers à venir témoigner.

Trois témoignages

Antoine Evennou, président de l’UNL (Union nationale des lycéens), a expliqué sans subtilité à un millier de congressistes que « défendre les jeunes est plus complexe que défendre les salariés » et a suggéré une liste de revendications des droits de la jeunesse qui pourraient constituer une plateforme revendicative commune entre l’UNL et la CGT : « le droit à la réussite, la gratuité et la laïcité des études, la carte scolaire contre les inégalité, la formation des enseignants, la protection face à la crise et l’accès à l’emploi » avant de conclure : « les jeunes ne sont pas irresponsables, ils attendent des débouchés politiques concrets à leur aspiration à l’émancipation ».



Le président de l’UNEF (Union nationale des étudiants de France), Jean-Baptiste Prevost, a renchéri sur le même thème : « Les jeunes attendent des débouchés concrets : une norme d’emploi stable lors de la première embauche, le droit à la qualification pour tous, la protection des étudiants salariés ». Il a conclu avec un peu de provocation : « l’enjeu pour le syndicalisme, c’est de transformer la disponibilité des jeunes à agir en fidélisation... Nous ne sommes pas une génération du zapping ».


Donnant le point de vue de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne), Florian Meyer a exprimé le même appel : si la CGT fait le choix d’« aller à la rencontre de tous les jeunes, elle peut leur faire vivre la dimension d’un mouvement de masse : ensemble ils sont une force. La JOC attend de la CGT de poursuivre la lutte pour les droits des travailleurs ».


Reste une difficulté : traduire en actes concrets ces orientations revendicatives pour faire se rencontrer les attentes des jeunes et des syndiqués de la CGT. Sur ce point, le congrès n’a fait qu’esquisser les solutions concrètes, en proposant des mesures générales : « ouvrir un large débat sur les moyens à mettre en œuvre pour que les organisations de la CGT parviennent à tisser un lien syndical de lutte, de solidarité et d’entraide, qui soit utile à l’accompagnement des premiers pas de jeunes dans l’activité professionnelle », « s’organiser pour que l’accueil syndical des jeunes (...) sur les lieux de travail, dans les bassins d’emploi (...) puisse se concrétiser même là où la CGT est faiblement présente, voire inexistante ».


Le congrès a exprimé un souhait. Mais le débat sur l’adaptation des structures de la CGT bouscule trop de positions acquises pour imaginer que les « collectifs jeunes » et autres « collectifs d’animation et d’impulsion » puissent entraîner à court terme un renouvellement du syndicalisme institutionnel de la CGT.

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