Si le déclin des effectifs syndicaux en France s'est ralenti depuis quinze ans, le nombre de syndiqués reste le plus faible de l'ensemble des pays industrialisés : 8,2 % des salariés. Les disparités public/privé et grandes/petites entreprises restent fortes.
En une quinzaine d’années, de 1976-1977 à 1990, les principaux syndicats français ont perdu une grande partie de leurs adhérents.
La CGT a chuté de près de 1,8 million d’adhérents - voire 2,4 millions selon les données officielles - à moins de 600 000.
La CFDT a reculé de 750 000 adhérents à moins de 500 000.
La FEN - l’ex-« forteresse enseignante » éclatée aujourd’hui en deux organisations : UNSA-Education et FSU - est passée de 550 000 adhérents à moins de 300 000.
Les données sont plus incertaines pour les autres organisations, mais toutes ont perdu des adhérents : reflux de plus de 100 000 adhérents pour FO et la CGC, difficultés récurrentes pour la CFTC qui, après une courte embellie au début des années 1980, retombe sous la barre des 100 000 adhérents jusqu’à la fin des années 1990 les petites confédérations ont néanmoins pu tirer quelques motifs de satisfaction des élections prud’homales de 2002, qui les ont vu regagner quelques électeurs.
Sans revenir sur les causes profondes de cet effondrement, qui a suscité une littérature abondante, on souhaiterait se demander comment se sont poursuivies ces évolutions dans les années 1990 et 2000.
Depuis quinze ans, un ralentissement du déclin
Les informations disponibles, assez disparates, indiquent que le déclin en termes d’effectifs s’est poursuivi de façon ralentie pour toutes les organisations - au moins jusqu’à la fin des années 1990 -, à l’exception de la CFDT qui, selon les données qu’elle a régulièrement publiées depuis 1990, a vu croître le nombre de cotisations syndicales qu’elle collecte. Mais à quelle équivalence en nombre d’adhérents correspond ce regain avant tout financier ? La CFDT affiche officiellement une reprise significative de ses effectifs depuis 1989. Elle aurait précisément reconquis 350 000 adhérents de 1989 à 2002, soit une croissance de 65% en 13 ans. Mais elle connaît de nouveau le reflux depuis 2002, ayant reperdu plus de 70 000 adhérents en deux ans, toujours selon ses résultats officiels.
On doit se demander toutefois si cette croissance des années 1990 n’est pas trop belle : ne s’explique-t-elle pas d’abord par une meilleure fidélisation des cédétistes, pour ce qui concerne plus précisément la perception des cotisations ? Si le cédétiste moyen, qui payait 8 à 9 cotisations mensuelles par an il y a quelques années, en réglait aujourd’hui 11 à 12 - en raison de la généralisation de la pratique du prélèvement automatique des cotisations sur les comptes bancaires -, ces raisons purement techniques expliqueraient en fait à elles seules la moitié, voire les deux tiers, des progrès qui ont été enregistrés officiellement.
Le secteur public : 30 % des emplois, plus de 50 % des syndiqués
Plus largement, en 2003, moins de 2 millions de syndiqués - toutes organisations confondues - étaient recensés en France selon une étude par sondage réalisée par l’INSEE et publiée par la DARES (Thomas Amossé, « Mythes et réalités de la syndicalisation en France », Premières synthèses, DARES, n° 44-2, octobre 2004). Cela oblige à corriger sensiblement les déclarations des organisations - disponibles en 2004-2005 (voir tableau ci-dessous) - et équivaut à un taux de syndicalisation qui avoisine 8% du salariat (précisément de 8,2%).
Cette proportion est la plus basse des pays industrialisés. Elle cache de surcroît de fortes disparités entre les secteurs d’activité. Au moins la moitié des syndiqués se trouve dans la fonction publique, les entreprises à statut (SNCF, EDF, La Poste...) ou les organismes de la Sécurité sociale alors que plus de 70% des emplois se situent dans le secteur privé. Le taux de syndicalisation est ainsi trois fois moins important dans ce dernier (5%) que dans le secteur public (15-16%). On ajoutera que les syndiqués du secteur privé se concentrent dans quelques branches - principalement l’industrie - et dans les moyennes ou grandes entreprises. Cela signifie que la plus grande partie du salariat - notamment dans les services - échappe au syndicalisme, ce qui donne l’impression que celui-ci serait surtout retranché dans quelques « bastions ».
Ce reflux se double d’un émiettement syndical qui s’est accéléré ces dernières années. Désormais sept organisations syndicales interprofessionnelles - un record en Europe - et quelques autres, propres à certains secteurs d’activité, se partagent la population syndiquée.
Moins de 2 millions de syndiqués
Sur la base de données plus fines et plus certaines - par organisation et par secteur - on peut tenter de construire une autre évaluation des effectifs syndicaux, laquelle rapporte les données recueillies aux résultats des élections professionnelles : résultats des élections aux comités d’entreprise (2001-2002) et, dans le cas de la fonction publique, résultats des élections aux commissions administratives paritaires (2002-2004). Cette évaluation ne prend plus en compte les retraités mais les seuls syndiqués actifs. Les effectifs de certaines organisations se retrouvent sensiblement corrigés par rapport aux déclarations officielles. Globalement, cette évaluation apparaît voisine de l’estimation de l’INSEE pour 2003 (1 884 000 syndiqués).
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