Les débats sur le développement durable ne concernent pas seulement les grandes institutions internationales. Les dirigeants d'entreprise sont invités à reconsidérer leur stratégie et leur discours. Et les syndicats à contenir la concurrence qu'exercent sur eux les « nouveaux mouvements sociaux ».
Le concept de développement durable ne concerne pas seulement les gouvernements et les institutions internationales productrices de normes. Il concerne aussi les entreprises, en attirant leur attention sur la nécessité de rechercher le profit dans la durée. A l’heure où s’expriment des craintes sur le développement des « licenciements boursiers » et sur la recherche par les actionnaires de gains financiers au plus court terme, la notion de développement durable vise à réconcilier ’ou à tout le moins à équilibrer- les exigences de rentabilité financière, de préservation de l’environnement, de respect des personnes.
Cette mise en valeur de la responsabilité environnementale et sociale des entreprises n’est pas une mode. Prolongeant et amplifiant les notions de citoyenneté d’entreprise (dans les années 1980), d’éthique et de responsabilité sociale (dans les années 1990), la notion de développement durable est appelée à bouleverser bien des aspects de la vie des entreprises, depuis la conception des produits jusqu’aux systèmes de management en passant par la définition des pouvoirs des actionnaires, des managers et des groupes de représentation sociale (salariés ou consommateurs).
Le sondage « Liaisons sociales-Novethic » réalisé en juillet 2002 (publié dans Liaisons sociales Magazine de septembre 2002) fait apparaître que huit DRH sur dix connaissent la notion de responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise et que près des trois quarts estiment qu’il s’agit là d’une « réelle préoccupation des entreprises », une petite minorité n’y voyant là qu’une mode éphémère.
Les dirigeants d’entreprise ne sont pas les seuls à être interpellés. Les manifestations organisées à Johannesburg en marge et autour du Sommet mondial (conduit, lui, par le secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies) ont pour instigateurs des mouvements, nationaux et internationaux, généralement peu installés dans les débats officiels quoique déployant une action énergique et développant des effectifs militants nombreux. Ces « nouveaux mouvements sociaux », d’esprit radical et contestataire, sont très nombreux et travaillent en réseau : ATTAC, Public Citizen, WWF, Greenpeace, etc...
Qualifiés d’organisations non gouvernementales (ONG), ces mouvements de trouvent, de fait, en situation de concurrence avec les organisations syndicales traditionnelles qu’ils ont tendance à déborder en mêlant dans leurs revendications les préoccupations professionnelles (à caractère syndical, donc) et les préoccupations non professionnelles (à caractère « sociétal » pourrait-on dire) de leurs membres.
Les syndicats, quelque peu désarçonnés par l’ampleur et l’originalité de cette concurrence, n’ont pas tendance à rejoindre le mouvement, même pour essayer de le contrôler (ce qui fut naguère le comportement de la CGT confrontée à des mouvements sociaux apparaissant hors de ses initiatives). C’est en ce sens que la présence au poste de secrétaire général de ATTAC, de Pierre TARTAKOWSKY (dirigeant de l’Union des cadres CGT) peut être appréciée. Cette présence exprime un réflexe ancien : entrer dans la direction d’un nouveau mouvement social pour exercer sur lui une influence déterminante et orienter son action dans le sens des intérêts du dispositif syndical et politique auquel on appartient.
Les difficultés personnelles de l’intéressé (contesté, il devra céder son poste de secrétaire général de ATTAC fin novembre 2002) tout comme la difficulté de la grande masse des militants CGT à s’approprier concrètement une problématique revendicative qui déborde largement le cadre professionnel montrent l’incapacité des syndicats à contrôler le phénomène. Si la CGT n’y arrive pas, on conçoit aisément que les autres confédérations ne pourront pas réussir à leur tour...
Les organisations syndicales traditionnelles s’orientent dans une autre direction : celle de la pression exercée sur les actionnaires, à travers des opérations de « notation sociale ». La CFDT, et son ancienne secrétaire générale Nicole NOTAT, mais aussi les autres organisations s’y emploient. Les comités syndicaux, inter-syndicaux et para-syndicaux de notation sociale sont appelés à se développer, invitant par là les organisations syndicales de différents pays à coordonner leur action. Le syndicalisme international va trouver ici une raison d’être et un moyen d’action supplémentaires.
Comments