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Photo du rédacteurLaura Dagg

Irlande: un pacte social efficace

La loi sur la modernisation du dialogue social, votée le 12 décembre 2006, a constitué une première étape vers une redistribution des rôles respectifs de l'Etat et des partenaires sociaux, dans la fabrication de la norme sociale. En Irlande, la pratique du « pacte social » est maintenant bien établie. Les résultats sont positifs et ont contribué pour une grande partie au redressement économique du pays.


En 1986 le Conseil économique et social de l’Irlande (NESC) a élaboré une stratégie afin de surmonter les difficultés économiques graves auxquelles l’Irlande était confrontée. Sur la base de cetteStrategy for Development1986, le gouvernement et les partenaires sociaux ont négocié en 1987 unProgramme for National Recoveryqui fixe à chaque partenaire des engagements pour une durée de trois ans. Ce premier programme constituait un moyen d’échapper au cercle vicieux de stagnation économique, d’impôts élevés, d’une dette incontrôlable et d’un chômage de masse. Suite au succès de la première stratégie du NESC chaque négociation a été précédée d’un rapport stratégique qui présentait l’analyse partagée des employeurs et des syndicats, les réussites et les limites du programme précédent ainsi que les grandes lignes de la prochaine négociation.


- Qui participe ? -


L’instauration d’un cadre politique cohérent comportait trois aspects clés : le cadre macroéconomique, la redistribution et l’ajustement structurel. Le mot d’ordre macroéconomique était de préserver un niveau d’inflation bas et d’assurer la croissance de la demande. Sur le plan de la redistribution, le double objectif était de maintenir la compétitivité du pays en même temps qu’une certaine équité. Le troisième point concernait l’ajustement structurel pour promouvoir le changement et l’innovation sur le lieu de travail et la formation aux nouvelles technologies.


Les programmes de partenariat ont requis le soutien des syndicats pour un redressement radical des finances publiques. Pour sa part, le gouvernement a accepté de maintenir le niveau de protection sociale. Chaque accord imposait des limites sur le niveau d’augmentation des salaires dans le public et dans le privé pour une période de trois ans. Cette modération salariale a été compensée en partie par des réductions d’impôts. La modération salariale est un élément clé du pacte social car elle permet de maintenir la compétitivité.


De nouvelles institutions ont été créées afin de surveiller et de faciliter le dialogue entre le gouvernement et les partenaires sociaux, notamment le Forum national économique et social (NESF), dont la composition a été élargie aux représentants des associations de la société civile. Fondé en 1993, le Forum a pour but de contribuer à la formulation d’un plus grand consensus national sur la politique économique et sociale, notamment sur les thèmes du chômage et de l’exclusion sociale.


Les négociateurs de l’accord 2006 Les organisations ayant négocié en 2006 l’accord « Towards 2016 » sont les suivantes : Irish Congress of Trade Unions (ICTU), Irish Business and Employers’ Confederation (IBEC), Construction Industry Federation (CIF), Small Firms’ Association (SFA), Irish Exporters’ Association (IEA), Irish Tourist Industry Confederation (ITIC) and Chambers Ireland, Irish Farmers’ Association (IFA), Irish Creamery Milk Suppliers’ Association (ICMSA), Irish Co-Operative Organisation Society Ltd. (ICOS), Macra na Feirme, Irish National Organisation of the Unemployed (INOU), Congress Centres Network, CORI Justice Commission, National Youth Council of Ireland (NYCI), National Association of Building Co-Operatives (NABCO), Irish Council for Social Housing (ICSH), Society of Saint Vincent de Paul, Age Action Ireland, The Carers Association, The Wheel, The Disability Federation of Ireland, Irish Rural Link, The Irish Senior Citizens’ Parliament, The Children’s Rights Alliance, Protestant Aid.

- Une analyse partagée des besoins -


Le processus est un mélange de consultation, de négociation et d’arrangements. Il est basé sur une analyse partagée des besoins et des réformes nécessaires. Le gouvernement joue un rôle particulier dans le processus : il en fournit le cadre et il partage son autorité avec les partenaires sociaux. Le dialogue social est nécessaire car aucun des membres ne peut atteindre seul les mêmes résultats. Il se caractérise par une approche qui vise à résoudre les problèmes et à parvenir à un consensus dans lequel les intérêts divers se retrouvent et entraîne des compromis entre chaque groupe d’intérêts.


Bien que le compromis soit un élément fondamental du dialogue social, le processus va plus loin. La délibération permet aux partenaires sociaux de reformuler leur vision et leurs préférences. Le processus repose sur une interdépendance fonctionnelle ainsi que la solidarité et la participation de tous les acteurs. Enfin, au lieu d’être une condition préalable du partenariat, la compréhension mutuelle et le consensus en sont le résultat.


Le concept de partenaire social a évolué au cours des vingt années de dialogue. Les partenaires sociaux sont maintenant caractérisés par la mobilisation, la coordination, l’action, et de nouvelles formes de lobbying. Le rôle du gouvernement a également évolué. La politique traditionnelle d’administration et de prise de décision est remplacée par une forme d’esprit d’entrepreneur en politique, de facilitation de la délibération et de médiation.


- Le dialogue social s’est élargi à la société civile -


Bien plus que des mécanismes de centralisation des négociations sur les salaires, l’innovation importante des accords depuis 1987 est que ce sont des accords sur une gamme de politiques sociales et économiques.« Partnership 2000 »fut un tournant décisif car pour la première fois des agences de la société civile, y compris des associations caritatives, ont été pleinement associées au processus de consultation et de négociation. Cette initiative était une réponse aux critiques adressées au gouvernement et aux partenaires sociaux pour leur insuffisante lutte contre l’exclusion sociale dans une Irlande devenue prospère. Au total, huit organisations ont été incorporées dans le pilier de la société civile(Community and Voluntary Pillar)du processus de« Partnership 2000 » : l’Association des personnes sans emploi, les Eglises catholique et protestante, le Conseil national des femmes, le Conseil national des jeunes, l’organisation caritative Saint Vincent de Paul, les associations des handicapés et les gens de voyage. A cet égard,« Partnership 2000 »constituait un nouveau pacte social.


Towards 2016


- Comment ça marche ? -


Pour tous les accords conclus depuis« Partnership 2000 », le pacte a été négocié par le gouvernement avec les partenaires sociaux divisés en quatre groupes : les employeurs, les syndicats, les agriculteurs et la société civile. Chaque groupe possède un nombre de représentants égal à la table des négociations.

Le pacte social se divise en deux parties :

  • les aspects macroéconomiques, l’infrastructure, l’environnement et la politique sociale

  • les accords salariaux

Tous les partenaires sociaux négocient le premier volet. La question plus épineuse des salaires et des droits des salariés est négociée uniquement par le gouvernement, les employeurs et les syndicats.

Le gouvernement est représenté par le Premier Ministre et tous les ministères concernés (Commerce extérieur, Justice, Finance, Industrie, Environnement). Lors des plénières, les négociations sont menées par les services du Premier Ministre. Sur la base des discussions en plénière le département du Premier Ministre élabore un texte de travail pour chaque chapitre. Ce texte est ensuite négocié bilatéralement avec les différents groupes, après une session plénière. Le vote a lieu au terme des négociations et porte sur l’intégralité du document.


Le dernier accord signé en 2006,Towards 2016, couvre une période de dix ans. Vingt-quatre organisations ont participé aux négociations de cet accord qui est plus ambitieux que les accords précédents. Les grands changements que l’Irlande connait depuis les années 1990 dans le nombre et la composition de sa population ainsi que les évolutions d’un marché global nécessitent une vision à plus long terme de la société. L’accord adopte une nouvelle approche« Life cycle Framework »où des priorités sont définies pour chaque phase de la vie - l’enfance, les jeunes actifs, les actifs, les personnes âgées - et pour les personnes handicapées.


Les pactes sociaux en Irlande Programme for National Recovery (1987-1990) Programme for Economic and Social Progress (1990-93) Programme for Competitiveness and Work (1994-96) Partnership 2000 for Inclusion, Employment and Competitiveness (1997-2000) Programme for Prosperity and Fairness (2000-03) Sustaining Progress (2003-05) Towards 2016 (2006-2016)

L’objectif est de promouvoir la société de la connaissance tout au long de la vie et de mettre en place une politique intégrée sur le plan économique et social. Il met en place également des mesures plus strictes d’application du code de travail. La deuxième partie sur les salaires est négociable après 27 mois.

La mise en œuvre de l’accord est vérifiée lors de réunions trimestrielles où le gouvernement et les partenaires sociaux rendent compte des progrès accomplis sur chaque chapitre.


SiTowards 2016se poursuit jusqu’à son terme, cela signifiera trente années ininterrompues de concertation centralisée. Du premier accord qui était une réponse à une situation de crise économique, le pacte social est devenu une véritable stratégie pour maintenir la croissance et la compétitivité et attirer des investissements étrangers. Ce nouveau modèle de pacte social a contribué pour une grande partie à l’essor économique en Irlande. Le partenariat social a fourni un cadre cohérent et une vision stratégique et a permis plus d’innovation et d’expérimentation dans les politiques publiques, au sein des entreprises et du service public.

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