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Photo du rédacteurBernard Vivier

L'histoire des retraites : les grandes dates : 3. Le repli

Après la période de conquête (jusqu'en 1945), le système des retraites connait dans notre pays quarante années heureuses, qui permettent son extension, notamment avec la mise en place des retraites complémentaires. Depuis vingt ans, le temps est au repli, qu'expliquent les difficultés démographiques et économiques.

1991. Les évolutions démographiques tout autant que les difficultés économiques conduisent les pouvoirs publics à envisager des réformes visant à sauvegarder le régime de retraite par répartition.

Pour pallier les pertes de recettes qui se profilent à l’horizon, trois ajustements sont possibles : augmenter les cotisations des actifs des entreprises, réduire le montant des pensions versées aux retraités, allonger la durée de cotisation et/ou relever l’âge de départ à la retraite.

La prise de décision est délicate. Elle doit prendre en compte tout à la fois la contrainte économique et la contrainte politique. Augmenter les cotisations revient à peser sur le pouvoir d’achat des salariés et à handicaper la compétitivité des entreprises. Réduire le montant des pensions est un acte impopulaire, tout comme allonger la durée de cotisations.

- Le temps des rapports-

Aussi, les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, ont-ils tenté de sensibiliser l’opinion publique sur le bien-fondé et la nécessité de telles mesures, avant de se décider... à s’abstenir de les prendre, renvoyant à plus tard (c’est-à-dire à un autre gouvernement) l’impopularité de la décision.

Pour préparer l’opinion publique, des rapports ont pu être commandés à des experts.


Le rapport qui a le plus marqué son temps est probablement celui rendu public le 24 avril 1991 par le gouvernement de Michel Rocard. Le Livre blanc sur les retraites (La Documentation française, août 1991) n’est pas le premier du genre. Avant lui, on peut citer le rapport préparatoire au huitième Plan (1981-1986) rédigé en 1980 par Robert Lion sous le titre Vieillir demain. En 1985, le livre d’André Babeau sur La fin des retraites ? précède le rapport préparatoire au neuvième Plan Faire gagner la France, tandis que, en 1986, le rapport Ruellan sur L’avenir des régimes de retraites se trouve joint au rapport Tabah.



Un des nombreux rapports (celui-ci date de 1999) publiés en vingt ans sur le sujet.


Après les Etats généraux de la Sécurité sociale en 1987 et le rapport d’un Comité des sages, attentif à la dégradation de la situation, le rapport Teulade en 1989, se montre plutôt optimiste.


Le Livre blanc de Michel Rocard dresse un constat préoccupant et annonce, « même avec des hypothèses économiques favorable au plein emploi » des problèmes de financement, liés aux évolutions démographiques à partir de 2005.


Depuis 1991, de nombreux autres rapports ont pu être rédigés, qui actualisent et reprennent les même constats. Citons notamment le rapport Briet en 1995 et le rapport Charpin en 1999, tous deux dans le cadre du commissariat général au Plan.


A partir de 2000, le Conseil d’orientation des retraites (COR) publie régulièrement des rapports (tous publiés à la Documentation française). La réforme de 2010 s’appuie en grande partie sur les diagnostics du COR.

-Vers la réforme de 2003-

1993. La loi Simone Veil du 22 juillet 1993, au sein du gouvernement d’Edouard Balladur, loi complétée par le décret du 27 août 1993, apporte des modifications à la situation existante : les pensions sont indexées sur l’indice des prix à la consommation hors tabac. Cette mesure fixe le pouvoir d’achat des pensions au niveau de 1993 et génère pour l’avenir des économies ; le nombre de trimestres requis pour bénéficier d’une retraite à taux plein passe de 150 à 160 (soit 40 années au lieu de 37,5). La mesure doit se mettre progressivement en place, entre 1994 et 2003 (augmentation de un trimestre par an) ; le nombre d’années retenu pour le calcul des pensions est progressivement porté (de 1994 à 2008) des dix meilleures années aux vingt-cinq meilleures années.

Par ailleurs, le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est créé en 1993, pour opérer une distinction entre les dépenses d’assurance vieillesse et les dépenses de solidarité : le minimum vieillesse, la majoration de pension pour enfants ou conjoint à charge, la validation de périodes non cotisées (service national, chômage, pré-retraite).

La mise en place du FSV marque un tournant dans le financement des retraites, qui se trouve assuré désormais à plus du quart par des recettes fiscales et non plus de façon exclusive par les cotisations prélevées sur les salaires.

1995. Grèves et manifestations en novembre-décembre 1995 contre le plan Juppé, premier ministre, qui prévoit de réformer la Sécurité sociale et les régimes spéciaux de retraite.

Les grèves et manifestations de novembre-décembre 1995 contre le projet de réforme de la Sécurité sociale et des régimes spéciaux de retraite bloquent le pays. Elles fournissent l’occasion de nombreuses analyses et ouvrages favorables au mouvement de contestation. Ici, un document CGT.



2003. La loi du 21 août 2003, préparée par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, se caractérise par des changements significatifs : le temps de cotisation des fonctionnaires est progressivement aligné sur le régime des salariés du secteur privé, de 37,5 à 40 annuités en 2008. En revanche, le calcul de la pension reste établi sur le salaire des six derniers mois, avec un maximum de 75% de ce salaire ; la durée de cotisation sera augmentée d’un trimestre par an à partir de 2009 pour atteindre 41 années en 2012 ; les paramètres de fonctionnement du régime de base seront révisés de façon périodique, en fonction de l’évolution de la durée de cotisation ; le maintien des seniors (55 à 64 ans) en activité. Les salariés ayant commencé à 14 ou 15 ans peuvent partir à 56 ans (décret du 30 octobre 2003).

Le 13 novembre 2003, un accord entre partenaires sociaux permet d’adapter les régimes de retraite complémentaire AGIRC et ARRCO aux nouvelles mesures. Cet accord est conclu pour les années 2004 à 2008. En 2009, une négociation a reporté les dispositions en cours jusqu’au 31 décembre 2010.

2008. Une série de décrets, entre janvier et juillet, porte réforme des régimes spéciaux.

La loi du 17 décembre 2008 de financement de la Sécurité sociale encadre les modalités de mise à la retraite d’office en restreignant le pouvoir de décision des employeurs. Désormais un salarié peut continuer à travailler, s’il le désire, jusqu’à 70 ans sans que son employeur puisse s’y opposer.

D’autres mesures encouragent l’emploi des seniors. Le cumul emploi-retraite est rendu plus facile. Le taux de la surcote est porté de 3% à 5% par an.



Deux ouvrages syndicaux sont parus, d’approche différente. Celui publié par l’Union des retraités CFDT se veut documentaire et pratique, autour de 55 fiches décrivant les différents droits à la retraite. Celui publié par deux dirigeants de la CGT (Editions de l’Atelier) se veut analytique et critique de la réforme gouvernementale.

-La réforme de 2010, en attendant la suivante-

2010. L’adoption, le 13 juillet 2010, en Conseil des ministres, du projet de loi portant réforme des retraites fait suite à une concertation organisée depuis le printemps 2010 par le gouvernement en direction des partenaires sociaux. Les difficultés économiques nées de la crise mondiale ont gravement accentué les déséquilibres existants. Pour maintenir le système de retraites par répartition et pour ne pas réduire le niveau des pensions versées aux retraités, le gouvernement envisage une série de mesures.


Les plus spectaculaires sont l’allongement de la durée de cotisation, le report de l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite (de 60 à 62 ans) et le report de l’âge maximum de départ à la retraite (de 65 à 67 ans). Les mesures concernant les fonctionnaires sont, en regard, moins exigeantes.


Alors que dans le même temps, d’autres pays prennent des mesures comparables (passage à 67 ans en Allemagne, en Espagne), la réforme rencontre dans notre pays une forte hostilité des salariés. Les organisations syndicales qui, dans un premier temps, ont exprimé une non-opposition à la réforme (l’enjeu est de sauvegarder la retraite par répartition), se montrent à l’automne 2010 opposées à la réforme. Elles organisent de nombreuses manifestations de rue : pas moins de neuf journées entre le 7 septembre et le 23 novembre.


La loi est finalement votée, suivant le schéma gouvernemental le 10 novembre 2010.

La loi du 10 novembre 2010 relève de 60 ans à 62 ans d’ici 2018, au rythme de 4 mois par négociation, l’âge d’ouverture des droits à la retraite.

L’âge du taux plein va progressivement passer de 65 ans à 67 ans, entre 2016 et 2023. C’est l’âge auquel on peut toucher une pension à taux plein, quelle que soit la durée cotisée, c’est-à-dire sans décote (ce qui n’empêche pas de calculer le montant de la pension au prorata du nombre de trimestre cotisés).


D’autres mesures sont prises, qui concernent les carrières longues, l’incapacité professionnelle, les mères de famille.


Les régimes spéciaux sont préservés jusqu’en 2017. Les fonctionnaires voient les cotisations salariales alignées sur le privé pour atteindre 10,55% en 2020 (contre 7,85% aujourd’hui). Les âges de départ pour les 900 000 fonctionnaires en « catégorie active » sont relevés de 50 ans à 55 ans (policiers, contrôleurs aériens, etc.) ou de 52 à 57 ans (pompiers, douaniers), même si l’essentiel du statut est maintenu.


La réforme des retraites n’est pourtant pas achevée. De nouvelles décisions seront à prendre après les élections présidentielles et législatives de 2012. Il s’agira moins de trouver des recettes supplémentaires pour maintenir l’équilibre financier du système que de repenser le système lui-même. D’une réforme dite paramétrique (qui joue sur les paramètres du système), il faudra organiser une réforme systémique (qui repense le système dans sa conception même).



Cet ouvrage, rédigé par un journaliste spécialiste des retraites, apporte une documentation très complète sur la problématique des retraites et sur les réformes possibles.

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