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Photo du rédacteurDominique Andolfatto

Laurence Parisot, une femme en guerre ?

Mais qui est Laurence Parisot, à la tête du MEDEF depuis trois ans ? C'est une « femme en guerre » nous dit Fanny Guinochet, journaliste au sein du groupe {Liaisons sociales}, dans la biographie qu'elle vient de lui consacrer aux éditions de L'Archipel.


Ce portrait de la dame du patronat en samouraï a de quoi surprendre. Il tient d’abord à des raisons de conjoncture, à l’affaire de l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie) qui a éclaté à l’automne 2007, réactivant la volonté de Laurence Parisot de sortir d’un « capitalisme de papa » pour « incarner un autre système », nous dit Fanny Guinochet, un système « plus transparent, plus moderne, plus ouvert ». Les premières pages du livre sont donc consacrées à cette lutte interne, une lutte dont les protagonistes ne semblent en réalité pas si différents les uns des autres, une lutte entre associés-rivaux et dont le monde de l’entreprise ne semble qu’une ombre chinoise lointaine.


Après un long round d’observation ou d’hésitation, Laurence Parisot choisit de tailler dans le vif, d’affronter les dirigeants de l’UIMM, dont elle est pourtant - sociologiquement - si proche, en se plaçant sur le terrain de la morale. Il y a un côté drame antique dans cette affaire : une nouvelle Antigone décide de rompre avec la loi commune de son milieu.

- La conquérante -

Puis Fanny Guinochet nous invite ensuite à un long flash back : l’étonnante, méticuleuse mais rapide conquête du MEDEF par une frêle chef d’entreprise et, de surcroît, chef d’une entreprise bien atypique : une entreprise de sondages. Laurence Parisot n’a intégré, en effet, le conseil exécutif du MEDEF qu’en 2003. C’est le président de l’époque, Ernest-Antoine Sellière, qui la sollicite. Il cherche alors une femme d’entreprise pour reprendre le siège laissé vacant par Denis Kessler. Il ne connaît pas Laurence Parisot mais la contacte sur le conseil de sa directrice de communication, Christine Dutreil, l’épouse de l’ex-ministre. Un peu plus de deux ans plus tard, Laurence Parisot succède au baron...


« Candidate par défaut », plus petit dénominateur commun d’un milieu patronal fortement clivé, femme « sachante » sur la société et le monde (direction de l’IFOP oblige), femme politique qui apprécie les campagnes de terrain, dirigeante d’une PME des services, symbolisant, face au déclin de l’industrie, l’affirmation de nouveaux secteurs), nous dit Fanny Guinochet : tous ces éléments, parfois de faiblesse, vont assurer son succès. Mais celui-ci s’explique aussi parce que le monde des entreprises à la française se trouve à la croisée d’un chemin, mêlant doutes et renouveaux, qui restent à décrypter. Sur ce point, cette biographie ne nous livre pas d’analyse et de pistes de réflexions. Le positionnement du MEDEF, le rôle qu’il entend jouer, sa conception du dialogue social, de ses relations avec les syndicats et avec le gouvernement ne sont pas décrits par l’auteur. Choix de l’auteur ou difficulté du sujet venant d’un MEDEF ne s’étant pas redéfini lui-même ?



Parvenue à la tête de l’organisation patronale, Laurence Parisot n’est pas sans connaître de difficultés, avec les cadres du MEDEF, dont elle ne goûte guère les routines, avec la « ligne » à tenir. Elle choisit dans un premier temps, presque ingénument, de s’appuyer sur Denis Gautier-Sauvagnac, président de l’UIMM, son envers en bien des choses et qui, logiquement, ne l’avait pas soutenue...


Un partage des rôles va donc se dessiner : « A elle, la voix du MEDEF, la communication et les interventions médiatiques ; à lui l’expertise, la technique et les négociations (...). A elle la lumière, à lui l’ombre ». Cette étrange alliance ne pouvait durer longtemps. On connaît la suite.


Progressivement, Laurence Parisot reprend aussi en main les questions de fond. Le livre Besoin d’air, publié début 2007, présenté comme collectif, tient en réalité beaucoup d’elle. L’affaire du Contrat première embauche la conduit aussi à une réflexion de fond sur la question du dialogue social. Le MEDEF va chercher à affirmer une nouvelle approche. Ainsi, sur la question de la représentativité syndicale, le MEDEF tourne le dos à la position qu’il affichait encore fin 2006 - parce que c’est l’UIMM qui pilotait les choses - au projet de refonder la légitimité des syndicats sur les élections professionnelles porté par le Conseil économique et social. Avec le Groupement des professions des services (GPS), une autre approche du dialogue social va voir le jour. « La personnalité de la présidente du MEDEF a beaucoup aidé à remettre de la confiance dans un dialogue social qui en manquait » témoigne dans le livre Gérard Larcher, ancien ministre du travail. Mais ces évolutions semblent aussi tactiques ou politiques. On a également le sentiment, à la lecture du livre, que le MEDEF semble souvent comme coupé de la réalité des entreprises. Il apparaît d’abord comme une organisation, avec ses professionnels, qui ont une stratégie et des objectifs qui leur sont propres. Le conflit avec l’UIMM illustre finalement cet aspect. Et tout est d’abord affaire de communication...



- La patronne -

Fanny Guinochet livre également quelques éléments sur Laurence Parisot chef d’entreprise - la présidente du MEDEF, grâce à sa fortune personnelle, a surtout réussi dans l’immobilier -, sur sa vie personnelle - qui paraît emprunter parfois à celle de Françoise Sagan -, sa relation avec les « politiques » qui l’ont toujours fascinée. Cela dit, si avec Nicolas Sarkozy, la complicité n’apparaît pas aussi forte que celle qu’on pourrait déceler lors des universités d’été du MEDEF, la présidente du MEDEF demeure un indéfectible soutien. On découvre aussi que Laurence Parisot est demeurée longtemps méfiante à l’égard des technocrates du MEDEF, considérait l’organisation « paralysée » et « endormie ». Avec ces derniers, elle « cloisonne » ses relations de travail, préfère travailler en solo ou entourée d’une petite équipe de consultantes (Anne Méaux, présidente de l’agence Image 7 et Roseline Lapresle, ancienne professeur de philosophie, au statut plus énigmatique), sans compter ses collaboratrices directes, telles Marie-Noëlle Debré ou Hélène Molinari, composant sa girl team.


De même, elle préfère rencontrer ses interlocuteurs, notamment syndicaux, à l’écart du siège du MEDEF, dans un petit appartement près du Sénat... Cela témoigne sans doute de fragilités de l’enfant de Saint-Loup-sur Semouse, « cité oubliée » de Haute-Saône et berceau des « Meubles Parisot », montée à Paris, après un passage par la fac de droit de Nancy puis Sciences-Po. Mais cela traduit aussi la volonté de sortir d’immobilismes, la volonté de changements, de contourner les obstacles, les codes, les moules traditionnels, pour proposer un nouveau regard, inventer la France du 21ème siècle. De ce point de vue, la méthode, l’entreprise, et le personnage, ne sont pas sans résonance avec ceux de l’hôte de l’Elysée.


En fin de compte, voici un livre qui se lit d’un seul trait, ressemble à un roman-réalité. Il éclaire l’itinéraire de la patronne inattendue des patrons, un parcours qui sort de sentiers habituels de l’élitisme français. Il éclaire ses ambitions d’autant plus dévorantes, son culte de l’optimisme, qui veut en finir avec le spleen français, avec un passé trop omniprésent. Il montre ses efforts, son magnétisme pour la communication, pour faire émerger un nouvel entrepreneuriat, « faire aimer l’économie libérale », mais un « libéralisme éthique, moral, transparent et surtout régulé ». Pour autant le super-lobby que constitue le MEDEF, et sa présidente, sont encore loin de révéler tous leurs réseaux, leurs ateliers de fabrique, leurs secrets.


Laurence Parisot, une femme en guerre, par Fanny GUINOCHET, Ed. de l’Archipel, 262 pages, 2008, 17,95 Euros

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